De la fin de vie, et d’un étrange recyclage de « l’obstination déraisonnable ». Ainsi que de la permanence de la barbarie et du retour de l’anthropophagie. Enfin, des leçons de résistance de M. Poutou et de la jeunesse roumaine face à l’imbécillité et à la corruption. Quelques brèves.

À propos de la campagne d’information sur la fin de vie lancée par le gouvernement le 20 février,

http://social-sante.gouv.fr/grands-dossiers/findevie/ameliorer-la-fin-de-vie-en-france/article/la-campagne-d-information-sur-la-fin-de-vie

je signale la mise à jour (intégrant la loi Claeys-Leonetti) d’un post concernant l’euthanasie et le suicide assisté. Il date déjà de trois ans mais me semble conserver son actualité :

http://desideriusminimus.blog.lemonde.fr/2014/02/18/fin-de-vie-et-finitude-du-droit-a-propos-de-leuthanasie-du-suicide-assiste-et-du-consentement/

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Stultitia, avec son mauvais esprit coutumier, me signale au passage que si la loi Claeys-Leonetti refuse « l’obstination déraisonnable », celle-ci semble cependant avoir encore de beaux jours devant elle en politique. Je lui laisse la liberté de ses allégations.

La perfide en profite pour me rappeler un passage de ce géant de la poésie que fut Pèire Cardenal (1180-1278 ?), immense auteur quasi ignoré du fait de l’occultation de la culture occitane.

Passage qui n’a pas besoin de commentaire tant il s’inscrit dans une intemporelle actualité, dont les caractéristiques restent inchangées depuis le XIIIème siècle :

S’us paubres homs a emblat un lensol,
Laire es clamatz ez anara cap cli,
E s’us ricx homs a emblat mercuirol,
Ira cap dreg en la cort Costanti
E si-l paubres a emblat una veta,
Pendra lo tals q’a emblat un ronci.
Aquest dretz es plus dretz c’una sageta
Que-l [ricx] laire penda-l lairo mesqui.

Si un pauvre homme a dérobé un drap,
il sera appelé voleur et ira tête basse,
et si un homme riche a volé un trésor,
il ira tête droite en pleine cour de Constantin;
et si le pauvre a volé une bride,
tel le pendra qui a volé un cheval.
Ce droit est, dirait-on, plus droit qu’une flèche
qui veut que le riche larron pende le larron misérable!

(Las amairitz, qui encolpar las vòl,

http://www.cardenal.org/T56.htm    )

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Et toujours dans le domaine de la santé, le documentaire effrayant mais hélas tellement en phase avec nos évolutions contemporaines :

http://www.arte.tv/guide/fr/067129-000-A/le-business-du-sang

Ainsi, certains des médecins interrogés, qui n’hésitent pas à parler d’anthropophagie à propos de cet infâme « business », mettent-ils implicitement le doigt sur la transgression de ce qui constitue au dire des anthropologues l’un des interdits fondamentaux, fondateurs de notre humanité.

Un indice supplémentaire de la fragilité de notre civilisation, et de ce retour à une barbarie tacitement accepté, voire promu, surtout lorsqu’il s’opère , au dépens des plus pauvres, dans un silence complice.

Oui, la barbarie existe, et plus que jamais, nous avons à la nommer pour pouvoir y résister.

http://desideriusminimus.blog.lemonde.fr/2017/02/10/cultures-civilisation-barbarie-quand-tzvetan-todorov-nous-eclaire-sur-saidnaya-bachar-el-assad-et-bien-dautres-et-en-passant-sur-la-morale-publique/

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Réalité de la barbarie qui s’accompagne d’un étalage toujours plus décomplexé de l’imbécillité médiatique :

http://www.lemonde.fr/big-browser/article/2017/02/27/philippe-poutou-ou-l-equation-impossible-d-aller-ou-pas-dans-une-emission-comme-on-n-est-pas-couche_5086517_4832693.html

[voir la vidéo].

Étalage dont a été victime M. Poutou qui, dans sa naïveté, avait sans doute du mal à imaginer qu’on puisse tomber aussi bas.

Et même si je ne suis pas toujours en accord avec les mesures qu’il préconise, il faut reconnaître qu’il pose le bon diagnostic en ce qui concerne sa mésaventure, tellement révélatrice du degré d’indignité de certaines émissions : « on se fout de notre gueule »…

La morgue méprisante des riches n’est plus capable que du fou rire le plus inepte et pitoyable devant les problèmes réels de celles et ceux qui assurent courageusement, dans l’effort et la peine, la vie économique d’une nation.

L’attitude de ces journalistes a choqué et je le comprends. Les gens ont senti qu’on se foutait de la gueule des problèmes réels comme le chômage et la précarité.”

Analysant encore cette séquence, il s’étonne qu’elle ait été conservée au montage, alors que l’émission était enregistrée en différé jeudi dernier, et estime que cela prouve qu’ils ne se rendent pas compte de leur propre condescendance :

“Je suis surpris qu’ils aient gardé la séquence. C’était tellement surréaliste. Ça les mettait, en plus, dans une situation ridicule et malsaine. On a l’impression qu’ils prennent tout ça de haut, ils sont tellement habitués à rire entre eux… Et finalement, ils ne se rendent peut-être pas compte qu’en faisant ça, ils mettent en évidence leur mépris et leur incapacité à discuter. Ils se sont montrés tels qu’ils sont.”

“Ce sont deux intervieweurs assez désagréables”

Le candidat ouvrier ne leur en veut pas, mais assène, de manière catégorique :

“Ils sont tellement prétentieux qu’ils ne mesurent pas les conséquences.”

Propos de Philippe Poutou dans:

http://www.lesinrocks.com/2017/02/news/pretentieux-philippe-poutou-revient-invitation-a-onpc/

 

En effet. « Qu’ils mangent de la brioche », disait l’autre avant de perdre la tête.

L’irresponsabilité d’une certaine classe sociale risque un jour d’être la cause de bien des rires jaunes.

En tout cas, M. Poutou, votre silence digne sous les fous rires et la morgue des prétentieux nous a mieux fait comprendre combien il est urgent de partager votre mot d’ordre : « résister c’est exister ».

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La résistance, c’est aussi la magnifique leçon des récents événements de Roumanie.

Il y a quelques semaines, à propos de la question des migrants, je regrettais que ce qui est trop souvent le mirage de l’émigration tarisse la capacité de résistance et de révolte de régions du globe qui en auraient tant besoin.

Comment ne pas espérer voir se lever la révolte, se constituer et se structurer l’opposition, l’organisation syndicale, politique ? Comment se résoudre à laisser partir sur les chemins de l’émigration tant de Mandela et de Gandhi dont l’exil annihilera le potentiel d’insurrection ?

http://desideriusminimus.blog.lemonde.fr/2017/01/05/cest-mandela-et-gandhi-quon-assassine/

Et je citais un article de ce palmipède dont certains regretteraient, dit-on – me glisse encore Stultitia – qu’il n’ait pas subi le sort de ses pauvres semblables décimés au nom de la sécurité sanitaire.

Reste la génération qui descend dans la rue dans un pays saigné par l’émigration de 3 millions de jeunes, partis travailler en Europe de l’Ouest. « C’est la première génération éduquée sans le communisme, pro-européenne, qui se lève pour défendre des valeurs morales, et non matérielles, en affirmant: « Nous voulons rester en Roumanie et en faire un pays normal » (Liviu Dragnea, Le Roumain dans le sac, Le Canard Enchaîné 2025 du 15/02/2017).

 

Ainsi donc, il y a, en Roumanie, des citoyens, une jeunesse, qui se lèvent courageusement contre la corruption et le dérèglement de la vie politique, et qui, dans un pays miné par le départ de ses forces vives, ne placent pas leur seule espérance dans l’émigration.

(cf. aussi le beau film Baccalauréat, de Cristian Mungiu, et la magnifique décision finale d’Eliza, l’héroïne, face à la compromission tellement facile et habituelle avec la corruption).

Dans les pays les plus corrompus, en Europe ou ailleurs, l’émigration n’est pas une fatalité. L’exemple roumain nous montre qu’il est possible de lutter et de faire que les choses changent.

http://www.la-croix.com/Monde/Ces-Roumains-qui-ont-ose-dire-non-a-la-corruption-2017-02-21-1300826330

http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/02/28/roumanie-une-revolte-europeenne_5086856_3232.html

Quelles leçons tirer de cette nouvelle révolte roumaine ? La première : la corruption est au cœur du combat démocratique des classes moyennes des pays en phase de transition politique ou/et d’émergence économique. Qu’il s’agisse de la Chine, du Brésil de la Tunisie ou de la Roumanie, la lutte contre la corruption cristallise les aspirations d’une société civile qui accède à un meilleur niveau de vie et d’éducation. La réalité d’un pouvoir confisqué par des élites s’enrichissant aux dépens de la population n’est plus supportable. Internet et les réseaux sociaux jouent un rôle crucial dans ce combat, en multipliant l’effet mobilisateur des initiatives civiques.

Deuxième leçon : il est toujours des endroits où l’Union européenne est symbole d’espoir, de droit et de dignité. Armés de leur téléphone et de banderoles de couleur, les manifestants roumains ont composé un gigantesque drapeau vivant bleu étoilé, dimanche 26 février. C’est ce même drapeau européen que brandissaient les insurgés ukrainiens de la place Maïdan, en 2014. C’est ce même drapeau encore qui flotte sur les manifestations de l’opposition polonaise contre les dérives du parti nationaliste de Jaroslaw Kaczynski, au pouvoir depuis 2015. L’Europe, perçue comme garde-fou contre les violations de L’État de droit et garante des valeurs démocratiques, ne doit pas manquer ce rendez-vous. Par les temps qui courent, il a repris toute son actualité.

En effet, « La réalité d’un pouvoir confisqué par des élites s’enrichissant aux dépens de la population n’est plus supportable ».

Nous le constatons tous les jours.

Et une partie du règlement de la question de l’émigration (en Roumanie, mais aussi en Afrique ou ailleurs) est liée à ce constat.

Et « il est toujours des endroits où l’Union européenne est symbole d’espoir, de droit et de dignité ».

On aimerait le croire…

Il est en tout cas de notre responsabilité de faire en sorte que nos représentants politiques se montrent enfin à la hauteur de ce défi.

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