Quelques remarques à propos du « genre », puisque j’étais déjà intervenu sur le sujet (voir dans les « archives 2011 : « A propos de la théorie du genre » 1 et 2), en guise de commentaire au « 28 minutes » du 03/02.
On peut encore le voir sur :
http://tinyurl.com/le6oaje
« Théorie du genre » ou « études de genre » ? Une articulation à préciser d’urgence.
J’ai d’abord été satisfait de voir abordée une distinction dont le flou m’étonne depuis un moment, et à propos de laquelle je m’interroge.
Pourquoi, alors que la discussion de fond, on le verra, tourne autour de théories sur le genre, nous martèle-t-on à l’envi qu’il n’y a pas de « théorie du genre », mais des « études de genre » ?
Bien sûr, on peut faire des « études philosophiques » sur la liberté ou sur la conscience, mais il est impossible de nier qu’à moins de s’en tenir à une simple doxographie ou à un exposé purement informatif de positions, on sera rapidement rattrapé par la ou les théorie(s).
Je ne peux pas parler de liberté ou de conscience sans en venir nécessairement à me positionner en faveur de Descartes ou contre lui, en faveur de Nietzsche ou contre lui, etc. Mes derniers posts sont suffisamment explicites sur le sujet.
Il en va de même, bien évidemment, avec la question du genre. Comme le relèvent avec pertinence Bérénice Levet et Serge Hefez, il y a bien en jeu dans ces discussions ce qu’il faut appeler des théories construites, à forte portée philosophique, qui relèvent de l’interprétation, et non de simples constats dégagés de toute implication théorique.
Certes, les théories concernant le genre sont multiples et conflictuelles. Mais on ne peut nier que ce sont … des théories.
Lorsque Judith Butler affirme que :
« Repenser les catégories du genre en dehors de la métaphysique de la substance est un défi à relever à la lumière de ce que Nietzsche notait dans La Généalogie de la morale : à savoir qu’il n’y a point d’ »être » caché derrière l’acte, l’effet et le devenir ». (Trouble dans le genre : pour un féminisme de la subversion, trad. Cynthia Kraus, La Découverte, Paris 2005, p. 96.), on se trouve au cœur d’une approche qu’il faut réinsérer dans son arrière-fond théorique, ici une approche de la question du sujet qui se caractérise par l’affirmation d’un devenir sans substance, dont nous avons vu dans nos réflexions précédentes qu’elle est fondamentale dans l’approche nietzschéenne de la subjectivité (cf. les posts sur Spinoza, Nietzsche et Marx à propos de Michel Onfray).
Il s’agit, très explicitement, du refus d’une théorie de « l’ontologie du sujet », qui se fonde sur un modèle métaphysique bien défini :
« dire que le corps genré est performatif veut dire qu’il n’a pas de statut ontologique indépendamment des différents actes qui constituent sa réalité » (Trouble dans le genre, op. cit. p. 259).
Une telle théorie de la « désontologisation du sujet » entraînant de façon tout-à-fait logique, une affirmation elle aussi théorique de la nécessité de sa « libération » :
Celle-ci considérera comme nécessaire de « perturber l’ordre du genre, non par le biais de stratégies figurant un utopique au-delà, mais en mobilisant, en déstabilisant et en faisant proliférer de manière subversive ces catégories qui sont précisément constitutives du genre et qui visent à le maintenir en place en accréditant les illusions fondatrices de l’identité » (Trouble dans le genre, op. cit. p. 111).
La théorie « butlérienne » du genre (même si elle a pu évoluer, en tout cas c’est bien à celle-ci que Mr. Fassin a consacré sa préface de l’édition française de « Trouble dans le genre ») est donc l’un des héritages (revendiqués) de la théorie nietzschéenne de la subjectivité, par l’intermédiaire bien sûr d’autres élaborations théoriques des héritiers de Nietzsche, en particulier Michel Foucault.
Il est donc impossible de nier une telle généalogie théorique.
Pour savoir s’il faut parler de « théorie du genre » ou « d’études de genre », il importe alors dans un premier temps d’opérer quelques clarifications :
Si on veut conserver au terme « genre » une acception scientifique légitime permettant de parler « d’études de genre », il est nécessaire de lui maintenir un caractère purement descriptif et observationnel, qui correspond à l’appréhension et à la désignation, à travers le champ de la psychologie, de l’anthropologie ou de la sociologie, d’une réalité humaine problématique faite de l’intrication complexe des facteurs biologiques et des facteurs culturels dans la genèse des individus ; il s’agit de constater que, comme le disait avec pertinence Serge Hefez, « être mâle ou femelle est un fait de nature. Être homme ou femme est un fait de culture », en intégrant bien évidemment à cette idée de culture la dimension de normativité et de contrainte qui en est constitutive.
Mais ce constat lui-même ne peut pas ne pas susciter l’interprétation théorique : car une fois opéré, il ouvre à des « théories du genre » (là encore, la remarque de Serge Hefez est pertinente lorsqu’il dit que chacun applique sa propre théorie). Tout comme le fait de constater en sociologie l’existence de classes ou de groupes sociaux peut être interprété dans le cadre de modèles théoriques différents, marxistes, libéraux, etc..
Et c’est à ce niveau qu’on va en effet rencontrer bien sûr l’interprétation théorique de Mme Wittig, Mme Butler ou Mr. Fassin, mais aussi, parmi bien d’autres, celle à laquelle j’avais fait allusion, de Pascal Picq lorsqu’il déclare, à propos de théories qui jettent le « trouble » sur le caractère déterminant des facteurs biologiques :
« C’est là qu’une partie des sciences humaines pose problème. En raison d’un antibiologisme radical, elles refusent cette réalité biologique qui fait que nous sommes dans le groupe des espèces les plus déterminées biologiquement pour (sic. mais sans doute faut-il lire « par » plutôt que « pour ») le sexe. C’est inepte d’un point de vue scientifique, stupide d’un point de vue philosophique et ouvert à toutes les idéologies » (Le Monde du 4/5 09/2011).
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/09/03/le-sexe-n-est-pas-que-construction_1567378_3232.html
Ou encore celle d’Axel Kahn :
« Revenons sur cette affirmation féministe, que je crois fausse, selon laquelle le genre précède et domine le sexe. Bien entendu, à considérer l’objectivation du corps de l’homme, conquérant, dominateur, et du corps de la femme qu’il convient pour l’homme de posséder et faire jouir, on ne peut qu’admettre qu’il s’agit là d’une construction mentale collective aux racines symboliques, sociales et culturelles, construction qui se surimpressionne sur le sexe biologique. Il en va de même avec l’essentiel des spécificités alléguées des manières d’être masculines et féminines dans la vie intellectuelle publique et familiale.
Mais de là à affirmer que la différenciation sexuelle serait un épiphénomène sans aucune influence réelle sur le psychisme des comportements, il y a un saut qu’il ne faut pas faire. On comprend le pouvoir et la justification militante d’une telle position, elle n’est cependant pas crédible. En tant que mammifères, nous sommes mâles et femelles, avons aussi hérité de certains déterminismes biologiques, même si nous avons la capacité de nous les approprier, de les humaniser.
(…) Je crois que le pouvoir militant du slogan l’emporte sur la qualité de l’analyse » (A. Kahn et C. Godin, L’homme, le Bien, le Mal, Hachette Pluriel 2008, p. 367-368).
Conflit d’interprétation, sans doute, mais en tout cas conflit de théories.
Pourquoi alors refuser avec tant de force ce qualificatif de « théorique » ?
Est-ce par simple modestie ? Mais on comprend mal alors pourquoi elle s’accompagnerait d’un tel désir d’expansion au champ de l’enseignement scolaire, avec les questions épistémologiques que cela soulève (cf. son apparition dans les manuels de SVT en 2011. Voir mon post à ce sujet « À propos de la théorie du genre »), etc.
Mais peut-être nous trouvons nous plutôt dans le cas de figure qu’on a rencontré chez Mr. Onfray, lorsqu’il critique les « mythologies », étant bien entendu que lui-même est « au-dessus de tout ça » (cf. mon post «Des mythes, des croyances, et de Mr. Onfray qui est au-dessus de tout ça »).
Dans mon post d’il y a deux ans, je citais Irène Jami déclarant que le genre « n’est pas une théorie , c’est un concept scientifique » (« La fabrique de l’histoire », France Culture, 09/09/2011).
Soit.
Le genre étant restreint à un « concept scientifique » dégagé de toute approche interprétative, on ne voit pas en effet ce qui pourrait permettre de mettre en doute des « études de genre », scientifiques, bien entendu, lorsqu’elles vont nous présenter, mêlées à des approches constatives, d’autres approches qui en réalité relèvent de l’interprétation, et qui constituent une théorie philosophique précise fondée, par exemple, comme nous l’avons vu, sur la désontologisation du sujet.
Il y a là une dissimulation classique du facteur interprétatif sous couvert de la science, « abus de faiblesse » qui profite de l’absence de formation philosophique de la plupart d’entre nous.
Tout comme le créationniste nous présente donc une théorie religieuse comme étant un constat scientifique, ou tout comme nos bons scientistes nous présentaient – ou continuent encore à nous présenter – l’athéisme comme une donnée de la science. Les uns comme les autres « oubliant » au passage qu’il s’agit dans les deux cas de positionnements métaphysiques.
Ou donc tout comme Mr. Onfray nous présente son nietzschéisme hédoniste comme une évidence au-dessus de toutes les mythologies et de toutes les interprétations métaphysiques.
Et le tour est joué !
Car ce qui étonne et interroge est le fait que ceux qui revendiquent le plus fort l’expression neutre « d’études de genre » sont ceux qui ont tendance à oublier (ou à vouloir faire oublier ? On peut donc se le demander…), le caractère théorique de leur approche.
Il serait tout de même difficile de la part de Mr. Fassin, par exemple, de prétendre à une approche « non théorique » du genre…
Lorsque Mme Levet le cite affirmant « qu’être un homme et une femme est un fait de culture et non de nature », il s’agit là d’une interprétation, certes légitime, mais qui se positionne dans un débat – qui est loin d’être clos – en fonction d’une théorie précise.
Il faut donc bien reconnaître que cette curieuse réticence terminologique peut susciter le soupçon, quand on se souvient par exemple combien, pour les marxistes, les « études historiques » ne relevaient aucunement de l’interprétation ni de la théorie, mais du constat scientifique, etc.
Le processus peut donc à juste raison apparaître comme une de ces vieilles recettes idéologiques qui incitent à la prudence.
Et celle-ci doit commencer par une exigence de clarification terminologique : quelles sont les raisons pour lesquelles certains se refusent à reconnaître une approche théorique de la question du genre ? Sont-elles occultes, ou bien peut-on en rendre compte, et de quelle manière ?
Essentialisme ou constructivisme ?
La référence au rapport entre nature et culture, très présente dans le débat, nous amène à une autre strate de l’archéologie théorique de la question des genres qu’il convient d’interroger, et qui se conjugue avec la strate nietzschéenne et foucaldienne à laquelle se réfèrent Mme Butler et Mr. Fassin.
On pourrait l’appeler la strate Sartre-Beauvoir.
Ici, la question sera de savoir quelle place il convient d’accorder à la nature, ou à l’essence (au sens de ce qui définirait une nature humaine), dans la réalité humaine, et en particulier en ce qui concerne le fondement de la norme.
Et on retrouvera des positions classiques, quoique sans doute caricaturales, l’une qui soutiendra que l’essence détermine l’existence, l’autre, selon la formule bien connue, que c’est « l’existence qui précède l’essence ».
De quoi s’agit-il ici ?
Simplement de savoir si l’humanité, et de façon concrète la féminité et la masculinité, sont inscrites dans une nature ou une « essence » qui fait qu’elles seront nécessairement les déterminants de mon existence (c’est la nature qui me fait homme ou femme, je n’y suis pour rien et je n’y peux rien) mais aussi les fondements de la norme, celle qui fera que la Loi respectera le principe de l’identité sexuelle biologique et de l’hétérosexualité comme modèle, norme « naturelle » de la sexualité ;
Ou bien si, « l’existence précédant l’essence », on est en droit de penser que ce n’est pas la nature qui doit m’intimer l’ordre d’être homme ou femme, mais qu’il s’agit là de possibles – au même titre que la sexualité qui en découlera – qui sont soumis, d’une part à mon choix, d’autre part (et c’est là que Sartre et Simone de Beauvoir rencontrent Nietzsche et Foucault, et encore Bourdieu) à l’imposition violente d’une norme qui conditionne les individus en fonction de critères (éthiques, politiques…) qui n’ont rien de « naturels », mais qui se présentent comme tels afin de justifier de façon abusive une légitimité qu’ils ne peuvent avoir. (On peut nommer cette thèse « constructiviste », dans la mesure où dans ce cas, l’être humain ne se reçoit pas lui-même, ni ses normes, de la nature, mais se construit et les construit).
On se rend compte que la théorisation des « études de genre » va se partager en bonne partie entre ces deux tendances.
La position de Mme Butler (du moins au temps de « Trouble dans le genre ») et de Mr. Fassin étant bien sûr proche de la deuxième thèse exprimée.
Là encore, Mr. Hefez a une belle formule, lorsqu’il se demande si les normes sont données de l’extérieur par une transcendance (il parle ici de Dieu, mais on pourrait aussi parler de la nature et encore de l’altérité, nous y reviendrons…) ou bien si nous les déconstruisons et les reconstruisons à notre guise.
On le voit, la question est loin d’être facile, et on peut tout d’abord regretter qu’elle soit ordinairement traitée (ou évitée) de façon péremptoire et idéologique par la criminalisation systématique de l’une ou l’autre interprétation.
Le spectacle affligeant de manifestations rivales (ou de quelques gourous médiatiques) qui s’envoient des invectives à la tête sur le fond d’un problème philosophique aussi délicat incite certes à prôner un peu plus de réflexion (et donc de temps) lorsque des décisions en relation à ces questions doivent être prises.
« Quand tu hésites entre deux solutions, choisis la troisième ».
Dit un proverbe qu’apprécie particulièrement Stultitia.
Peut-être pourrait-on alors penser qu’une telle opposition n’est pas très opératoire, et qu’elle demande à être surmontée.
En effet, pour ce qui est de «l’essentialisme » d’une « sacralisation » ou du moins une « sanctuarisation » de la « nature » (qui n’est pas forcément le fait que d’un conservatisme de droite puisqu’on peut la rencontrer dans certaines sensibilités écologistes), il serait facile de montrer combien, depuis Aristote et sa justification de l’esclavage et de l’infériorité de la femme par une institution « naturelle », et la reprise durable de telles théories dans la normativité éthique et politique de l’occident chrétien et musulman, jusqu’aux mots d’ordre de « Jour de colère », on fait peu de cas de ce qui apparaît tout de même, y compris pour bien des religions, comme la qualité la plus spécifique de l’espèce humaine, la liberté et la créativité de cet être « à l’image indistincte » :
« Je ne t’ai donné ni place déterminée, ni visage propre, ni don particulier, ô Adam, afin que ta place, ton visage et tes dons, tu les veuilles, les conquières et les possèdes par toi-même. La nature enferme d’autres espèces en des lois par moi établies. Mais toi, que ne limite aucune borne, par ton propre arbitre, entre les mains duquel je t’ai placé, tu te définis toi-même ».
fait dire à son Dieu Pic de la Mirandole (De dignitate hominis – Sur la dignité de l’homme-, dans: Œuvres philosophiques, trad. O. Boulnois et G. Tognon, PUF, Paris 2001, p. 5-7).
On ne voit donc pas en quoi on pourrait juger illégitimes un effort de « déconstruction généalogique » de tels alibis essentialistes ou naturalistes (même si on peut, me semble-t-il, émettre des réserves justifiées face à certaines entreprises de type nietzschéen, cf. posts sur Spinoza, Nietzsche et Marx à propos de M. Onfray).
Car l’autonomie, la capacité de se donner à soi-même ses propres lois, paraît être indissociable de l’essence même et de la dignité de l’être humain, comme nous le dit, entre bien d’autres, Pic de la Mirandole.
Maintenant, on est tout de même en droit de se demander si cette revendication légitime d’autonomie ne s’inscrit pas nécessairement sur le fond d’une irréductible hétéronomie, dans laquelle l’altérité (qu’on l’écrive avec un petit « a », ou, pour certains, avec un grand « A ») doit continuer à jouer un rôle régulateur.
Altérité qui se manifeste à nous à travers un certain nombre de données fondamentales (« données », justement parce que nous ne pouvons pas en être l’origine), dont la différence sexuelle pourrait constituer un élément essentiel.
Affirmer que « l’existence précède l’essence », slogan qui est à l’arrière fond du « on ne naît pas femme, on le devient » de Simone de Beauvoir (sous son double aspect de constat socio-politique et de revendication féministe), possède tout de même une tonalité nettement rhétorique.
Le « tu te définis toi-même » de Pic de la Mirandole pas plus que le « ce que je fais de ce qu’on a fait de moi » de Sartre ne permettra à un être humain sans définition préalable de se vouloir raton laveur ou aigle royal. On peut bien contester « l’essence » ou la « nature », mais il est tout de même difficile de refuser ce qu’on peut alors nommer une « condition humaine », et la forme sexuée sous laquelle nous en faisons l’expérience.
Si notre enracinement, individuel ou collectif, dans la nature (cf. la problématique écologique) n’est pas la prison qu’en font les essentialistes, il semble difficile de ne pas le considérer comme une référence fondatrice, qu’il paraît dangereux d’oublier sous peine de « Meilleur des mondes ». Y compris en ce qui concerne le fait de la différence sexuelle.
Confer, parmi bien d’autres, les positions étonnantes de Marcela Yacub (qui, en passant, a co-signé certains ouvrages avec Éric Fassin) sur le progrès apporté par l’utérus artificiel dans la libération de la femme : « Fini la contraception, l’avortement, les restrictions pendant la grossesse, les différences entre les hommes et les femmes à l’égard de cet acte toujours exorbitant de faire naître » (…) « Ne s’agit-il pas de la dernière étape de la libération des femmes des servitudes liées à l’enfantement ? », etc.
http://www.liberation.fr/tribune/2005/03/29/l-uterus-artificiel-contre-la-naissance-sacrificielle_514577
Le travail complexe de l’élaboration de la norme, dont on ne voit pas en fonction de quel a priori quelque peu infantile il devrait être conçu comme « violence » plus que comme libération, devra alors prendre en compte à la fois la revendication d’autonomie et l’existence de certaines bornes – certes à préciser – dues à notre insertion dans une irréductible hétéronomie et une finitude qui nous sont signifiées en particulier par notre corps comme par le corps d’autrui (cf. mon post « Un rein sinon rien », sur la question du commerce d’organes).
La fin du « 28 minutes » a été en partie gâché par un échange bien faible concernant la question de l’égalité femme-homme.
Une fois de plus, la question de l’égalité a été confondue (comme dans nos chères classes de terminale…) avec celle de la similitude.
N’est-il pas grand temps d’intégrer qu’on peut être égaux en étant différents ? On ne voit pas en quoi la revendication d’égalité entre noirs et blancs devrait impliquer le fait de changer de couleur ou de virer à l’universalité du gris…
Et on ne voit donc pas pourquoi on ne pourrait pas revendiquer un féminisme de la différence, qui, tout en critiquant la manipulation idéologique des stéréotypes du genre, ne viserait pas à dissoudre la masculinité et la féminité dans le fantasme ambigu de la neutralité, comme cela peut se constater par exemple en Suède, au point de susciter l’invention de nouveaux pronoms personnels.
http://fr.myeurop.info/2013/05/09/ni-homme-ni-femme-la-neutralite-sexuelle-fait-ecole-en-suede-8430
Certes, les « études de genre » ont pour effet positif d’attirer l’attention sur les 10 ou 20% de personnes qui sont « massacrées » du fait de la non reconnaissance de leur particularisme sexuel, ou de leur orientation non « conventionnelle », comme le souligne Serge Hefez.
Mais on ne voit pas non plus en quoi l’urgence de cette préoccupation devrait justifier une théorie ontologique qui édifierait en modèle le « trouble dans le genre ».
Laissons le dernier mot à la belle citation d’Hanna Arendt par Bérénice Levet (citation que je ne connais pas. Si quelqu’un pouvait avoir la gentillesse de me préciser la référence…) : « On naît femme, et on le devient ».
On le devient en se construisant, avec les normes socio-culturelles et contre elles, tout comme la masculinité doit se construire en permanence avec les normes socio-culturelles et contre leurs stéréotypes.
Afin de réaliser du mieux possible ce « donné » fécond et mystérieux de la différence sexuelle, qui fait de nous des êtres incarnés, et non de simples abstractions « théoriques ».