Henri Gougaud a rejoint le paradis des Troubadours.

Un humble hommage à un maître, un ami, un frère.

Henri Gougaud s’en est allé parcourir depuis le ciel les chemins de ces Corbières qu’il aimait tant.

Nous reste sa voix, ses combats simples mais essentiels, tels ceux qu’il a menés pour garder vivante la mémoire des Cathares persécutés et des Troubadours.

Certes les siècles viennent à bout de toutes les colères et de toutes les plaies, mais les méfaits demeurent. Si les temps avaient effectivement changé, on n’en parlerait plus, on les abandonnerait avec soulagement à leurs ténèbres. Mais le combat, le même combat continue, séculaire. À qui brandit ses polices et ses bombes, nous devons encore opposer le front dérisoire de l’Esprit, sans espoir de victoire, simplement parce que tel est notre destin, ou notre rôle en ce théâtre.

Poèmes politiques des troubadours, Bélibaste, Toulouse 1969, p. 7.

En effet, les temps ne changent pas. Et comme il y a quatre-vingts ans, deux cents ou huit cents ans, notre combat demeure bien aujourd’hui celui, dérisoire, de l’Esprit. Simplement parce qu’il n’y en a pas d’autre et que tel est notre destin.

Sept cent ans ont passé, mais je voudrais pouvoir revendiquer le nom de Troubadour, si cela avait un sens pour mes contemporains. Avec eux m’importe encore la liberté d’être heureux, vivant et éveillé. Et que la nuit se referme enfin sur le vieux monde sans sagesse.

Id. Ibid. p. 13.

Le vrai monde, celui du Troubadour que vous êtes est en effet ailleurs. Et avec lui la vie.

« Je n’écris que pour emmener mon lecteur dans la vie. Pas dans le contemporain : ça pollue ! »

Del tot vey remaner valor,

Qu’om no-s n’entrement sai ni lai,

Ni an lur cor mas en laor,

Ni non penson de nulh ben sai.

*

En tout valeur est en détresse

Nul ici-bas ne s’en soucie.

Le cœur ne bat qu’à la richesse,

La vraie bonté n’est plus d’ici.

(Guilhem Montanhagol, Contre les dominicains inquisiteurs. Traduction Henri Gougaud, op. cit. p. 124-125. J’ai gardé l’ordre des vers de la version donnée dans le magnifique disque « Henri Gougaud chante les troubadours »).

*

Ainsi des hommes traversent les jours et les nuits du monde, cherchent et parfois trouvent pour quelle œuvre ils sont un instant venus.

Bélibaste, Seuil Paris 1982, p. 288.

Comme Bélibaste, Guilhem Montanhagol, Peire Cardenal et tant d’autres, vous avez trouvé cette œuvre.

Non cre qu’a la mort
Negus plus en port
Aver ni arnei
Mas los faitz que fei.

Je crois que dans la mort
nul n’emporte
richesses ni parure,
mais seulement ses actions.

(Peire Cardenal)

*

Granmercé, Henri !

Notre reconnaissance vous accompagne au paradis des Troubadours.

Petit florilège du cauchemar et du déni.

Quelques perles récentes qui seraient burlesques si elles n’étaient pas tragiques.

Concernant la Russie tout d’abord :

Après la victoire de Vladimir Poutine aux « élections » du mois de mars, le patriarche Kirill a convoqué le 27 mars, un congrès extraordinaire du Concile mondial du peuple russe pour édicter à l’intention du pouvoir des « recommandations » sur « le présent et le futur du monde russe ».

On peut y lire cette introduction qui fleure bon le Moyen Âge :

« L’opération militaire spéciale est une nouvelle étape dans la lutte de libération nationale du peuple russe, menée depuis 2014 sur les terres du sud-ouest de la Russie contre le régime criminel de Kiev et l’Occident collectif derrière lui. Le peuple russe, les armes à la main, défend sa vie, sa liberté, son système étatique, son identité civilisationnelle, religieuse, nationale et culturelle, de même que le droit de vivre sur sa propre terre dans les frontières de l’Etat unique de la Russie. Du point de vue spirituel et moral, c’est une guerre sainte où la Russie et son peuple, en défendant l’unité de l’espace spirituel de la sainte Russie, remplissent une mission de frein, retenant le monde de la poussée du globalisme et le protégeant de la victoire de l’Occident, tombé dans le satanisme. »

Occidentaux, voici donc votre maître ! Curieusement, je lui trouve plutôt un petit air de Poutine. Et derrière lui, à l’affut, ne serait-ce pas Kirill lui-même ?

Et que dire de la fourberie des suppôts de Satan qui ne craignent pas de s’attaquer à son propre clergé !

Un prêtre ayant prononcé une oraison funèbre pour l’opposant Alexeï Navalny le mois dernier ne pourra plus conduire d’office religieux pendant trois ans, aux termes d’un décret signé par le primat de l’Église orthodoxe russe, publié récemment sur le site du Patriarcat de Moscou.

Outre cette interdiction, le prêtre, Dmitri Safronov, ne peut plus « porter la soutane et la croix », peut-on lire dans ce décret signé par le patriarche Kirill le 15 avril.

Mais le virus tragico-burlesque ne contamine pas que le clergé. L’armée aussi en subit les assauts :

On peut deviner la surprise d’Oleg Orlov lorsque l’administration pénitentiaire lui a mis entre les mains le marché suivant, mi-mars, quelques jours après sa condamnation pour « discréditation de l’armée » : plutôt que de purger sa peine de deux ans et demi de prison, s’engager dans l’armée pour combattre sur le front ukrainien.

Ni l’âge (70 ans) du défenseur des droits humains et cofondateur de la célèbre ONG Memorial, dissoute en décembre 2021, ni son statut de farouche opposant à la guerre n’ont découragé les recruteurs. La presse officielle russe, en évoquant l’anecdote, a confirmé que la procédure était parfaitement régulière, et que le contrat était proposé à chaque détenu.

Hélas, Oleg Orlov risque fort de devenir le prochain Navalny :

L’organisation russe de défense des droits humains Memorial s’inquiète de la détérioration de l’état de santé du dissident Oleg Orlov. M. Orlov, âgé de 70 ans, est en train de « perdre l’audition », rapporte l’ONG, colauréate du prix Nobel de la Paix 2022 et dissoute par la justice russe, pour laquelle travaillait le dissident.

Bien qu’il ait demandé à l’administration carcérale une aide médicale, M. Orlov « ne peut toujours pas voir un médecin de la prison à force de devoir quitter sa cellule avant le déjeuner et de n’y rentrer que tard la nuit » en raison des procédures judiciaires en cours pour l’appel de sa condamnation. Selon Memorial, le dissident est tombé malade à cause de ces déplacements au tribunal, mais la justice « exige » qu’il continue à s’y rendre de sa prison. « Ce traitement inhumain infligé à Orlov, âgé de 70 ans, a entraîné une détérioration de son état de santé. Sa santé est menacée de séquelles irréversibles », a averti l’ONG.

Selon cette organisation, M. Orlov est aussi privé de son droit à la défense, ne pouvant avoir de conversations confidentielles avec son avocat ou échanger avec lui des documents qui ne seront pas lus par les employés du tribunal.

Figure de proue de la défense des droits humains, M. Orlov a été condamné fin février à deux ans et demi de prison pour avoir dénoncé publiquement l’offensive en Ukraine. Contrairement à de nombreux autres détracteurs du Kremlin, M. Orlov avait décidé de rester en Russie pour « continuer le combat ».

D’autres ont déjà payé de leur vie leur courageux engagement :

https://www.lemonde.fr/international/article/2024/04/10/la-mort-en-prison-du-russe-alexandre-demidenko-qui-aidait-les-ukrainiens-a-rentrer-chez-eux_6226988_3210.html

Pour celles et ceux qui voudraient aller plus loin :

https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/04/21/comment-soutenir-l-opposition-ordinaire-en-russie_6229020_3232.html

*

Je ne veux pas m’appesantir sur le conflit israélo- palestinien. Les actuelles récupérations idéologiques à des fins d’intérêts politiques ambigus me paraissent envenimer dangereusement la situation.  J’ai déjà souligné dans des posts précédents combien il était essentiel d’en reconnaître lucidement les composantes essentielles si on l’on veut sortir d’un stérile déni : déni de l’évidente réalité coloniale d’un côté ; déni de l’impossibilité d’une solution par la remise en cause de l’existence d’Israël et par un terrorisme aveugle de l’autre (1).

Avec entre autres Martin Buber, Judah Leon Magnes, Zeev Sternhell, Dominique Eddé ou même Moshé Dayan, la solution pour sortir de l’impasse réside essentiellement dans une large prise de conscience populaire en Israël.

Or le fait est que nous sommes encore bien loin d’une telle prise de conscience qui serait seule à même de rétablir un dialogue capable de dépasser la violence.

En témoigne ces remarques saisissantes tirées d’un récent article du Courrier International :

Dans un sondage réalisé en janvier, une majorité écrasante (88 %) de Juifs israéliens estimait que le nombre stupéfiant de victimes palestiniennes (le bilan avait déjà dépassé les 25 000 morts, il est désormais à plus de 33 000 morts) était justifié.

Une grande majorité de l’opinion publique juive pense également que l’armée israélienne fait un usage de la force approprié, voire insuffisant, à Gaza. L’idée que le Hamas a imposé cette “guerre de non-choix” à Israël et à la population de Gaza et que la survie même de l’État hébreu passe nécessairement par la destruction du Hamas est si bien ancrée que le spectre d’une famine imminente dans la bande de Gaza n’a même pas suffi à soulever la moindre opposition à la campagne militaire.

De plus, près de deux tiers des Juifs (63 %) interrogés en février par l’Institut israélien de la démocratie déclaraient être opposés à la proposition qui pousserait Israël à accepter le principe de la création d’un État palestinien indépendant et démilitarisé.

(…)

Il n’y avait pas besoin de sondage pour savoir que le soutien des Juifs israéliens à une solution à deux États, et a fortiori aux droits fondamentaux des Palestiniens, à la liberté et à l’autodétermination, n’a cessé de s’éroder ces dernières années, et qu’il n’a probablement jamais été plus faible qu’aujourd’hui.

Déni proprement cauchemardesque par lequel Israël s’abreuve « à la coupe de la duperie ».

(Martin Buber, Esprit d’Israël et monde d’aujourd’hui, conférence de 1947, dans Judaïsme, Verdier 1983, p. 148-149).

Notre souhait national de reprendre la vie du peuple d’Israël dans son territoire ancestral n’est toutefois pas dirigé contre un autre peuple. Au moment où nous réintégrons l’histoire mondiale, et où nous redevenons les porte-drapeaux de notre propre destin, le peuple juif, qui fut lui-même une minorité persécutée dans tous les pays du monde pendant deux mille ans, rejette avec horreur les méthodes de domination nationaliste dont il a lui-même si longtemps pâti. Nous n’aspirons pas à regagner la terre d’Israël avec laquelle nous avons d’indissolubles liens, historiques et spirituels à la fois, avec l’intention d’éliminer ou dominer un autre peuple (Martin Buber au XIIe Congrès sioniste, Karlsbad 1921).

*

(1) Ajout du 02/05 :

À l’intention de ceux qui en Occident croient servir la Palestine en identifiant sa cause à la « stratégie » du Hamas :

“Les gens [à Gaza] traitent Sinwar [chef du Hamas à Gaza] de tous les noms, mais ça, les articles de presse ne le disent pas.”

Nous l’avons eu plusieurs fois au téléphone, et ce jour-là, [Basel (jeune palestinien dont le nom a été changé)] raconte cette anecdote : “Il y a quelques jours, un vieil homme, au beau milieu du marché, a maudit tout haut Ahmed Yassine de nous avoir donné le Hamas.” Le fondateur de l’organisation faisait partie des dirigeants du Hamas assassinés par Israël en 2004. “J’ai salué le courage de ce vieil homme en lui envoyant un baiser. Je ne suis pas pour qu’on injurie les morts, mais ça fait du bien quand les gens se rebellent.”

Je ne connaissais pas Basel avant le début de ces échanges téléphoniques. C’est lui qui a pris contact, soucieux de pouvoir dire sa colère devant “la confiscation de notre histoire par le Hamas”. Il est furieux que les Palestiniens hors de Gaza, et leurs soutiens, attendent des Gazaouis qu’ils se taisent et ne critiquent pas le Hamas sous prétexte que la critique ferait le lit de l’adversaire. Pour lui, douter des décisions et des actions du groupe armé, et le faire publiquement, n’est pas un acte de trahison.

“J’ai le droit de leur faire savoir ce que je pense et ce que je ressens, quand bien même je serais minoritaire – et je sais que je ne suis pas minoritaire, je sais que je parle au nom de beaucoup de gens”, me dit Basel. “J’ai le droit de m’exprimer, ne serait-ce que parce que comme des millions de personnes, le Hamas joue avec ma vie au nom de slogans absurdes sans aucun fondement réel, des slogans qui ont rabaissé la cause palestinienne et transformé une lutte digne et noble en un combat quotidien pour un morceau de pain et quelques boîtes de conserve.”

https://www.courrierinternational.com/article/temoignages-a-gaza-les-gens-traitent-le-chef-du-hamas-yahya-sinwar-de-tous-les-noms

Fin de vie et « aide à mourir ». Se recentrer sur les véritables enjeux.

J’ai déjà exprimé plusieurs fois mon opinion sur ce sujet difficile.

etc.

Et j’estime l’avoir fait en mon âme et conscience, de façon documentée et avec le plus de rigueur et d’honnêteté dont je suis capable.

Raison pour laquelle je ne vois pas de raison de changer fondamentalement d’avis, en dépit des quelques centaines d’articles rassemblés dans mon dossier.

Mais, plutôt que de revenir sur ces innombrables opinions, j’aimerais essayer de cerner de façon plus synthétique les quelques points qui me paraissent essentiels.

En l’occurrence deux questions qui constituent pour moi les seules interrogations légitimes concernant ce que l’on peut nommer « l’aide à mourir » ; les autres, telle que la liberté du suicide, ne relevant d’aucune loi ; d’autres encore entrant dans le cadre des lois existantes, en particulier la loi Claeys-Leonetti pour ce qui concerne le refus de l’acharnement thérapeutique et l’autorisation de la sédation profonde, ou de thèmes sans rapport direct en dépit de fréquentes assimilations abusives, tel que le problème des soins palliatifs.

Je formulerai ces questions essentielles de la manière suivante :

  1. Dans le cas, même minoritaire voire ultra minoritaire, où une personne souffrant d’une maladie à l’issue létale certaine dans un délai de quelques semaines ou mois, issue confirmée par expertises médicales, ou de souffrances insupportables, et qui se trouve dans l’impossibilité, du fait d’un handicap insurmontable d’accomplir elle-même le geste qu’elle souhaite en pleine conscience et de façon réitérée (pensons par exemple au cas de  Ramón Sampedro que le beau film Mar adentro a fait connaître au public), est-il légitime et éthique de s’opposer à son libre choix de mettre fin à sa vie, et de refuser sa demande ?

Tous les autres cas me semblent pouvoir être effectivement résolus, comme dit plus haut, soit par le suicide si la personne en situation de maladie sans possibilité de guérison est en capacité de le mettre en œuvre par elle-même, soit par un accompagnement de soins palliatifs si elle le désire et une fin de vie dans le cadre de la loi Claeys-Léonetti.

2. Le choix du suicide par une personne encore valide posant cependant la question de la possibilité de se procurer, sous contrôle médical et dans des cas strictement définis, un produit létal efficace et permettant une fin de vie sans douleur.

Une loi sur la fin de vie me paraît donc nécessaire dans la mesure où ces deux aspects qui ne sont pas pris en compte par le corpus législatif existant laissent subsister des vides intolérables.

Or, la plupart des innombrables discussions soulevées ces derniers temps dans les médias, en s’attachant à des aspects finalement périphériques, escamotent en fait ces deux interrogations essentielles.

Comme je l’ai répété dans les posts mentionnés ci-dessus, je suis parfaitement d’accord pour reconnaître qu’il y a en France un effort important à opérer en ce qui concerne les soins palliatifs, dont une mise en œuvre plus étendue suffirait à résoudre la majeure partie des cas concernant la fin de vie.

Mais les soins palliatifs ne constituent en aucun cas une réponse à la question soulevée, et il est abusif, voire malhonnête, de les opposer à l’aide à mourir.

Pour mieux l’illustrer, j’aime évoquer la petite histoire suivante :

Un jeune scout à la recherche de sa BA quotidienne voit une vieille dame sur le bord du trottoir d’une rue parcourue par une dense circulation. Il s’approche d’elle et lui dit : « N’ayez pas peur, Madame, je vais vous faire traverser ». Et à grand renfort de signaux pour arrêter les voitures, il parvient effectivement à faire traverser la vieille dame. Celle-ci lui dit alors : « Mais, jeune homme, je n’avais aucunement l’intention de traverser ».

Plusieurs personnes que j’ai rencontrées, et dont je ferai peut-être partie le moment venu, ont connu une telle situation, proche de l’acharnement thérapeutique. Et, tout en en reconnaissant la nécessité, elles estiment que les soins palliatifs ne répondent pas à leur demande profonde. Soit parce qu’elles ne voient pas la nécessité de prolonger de quelques mois ou quelques semaines une vie déjà bien remplie ; soit parce qu’elles estiment que les frais sanitaires engagés pour leur assurer un temps limité de vie supplémentaire seraient plus utiles pour soigner des enfants malades ; soit simplement « pour ne pas déranger les gens », proches ou lointains, soignants ou autres, comme ce « Pauvre Martin » que chante Brassens dans un de ses poèmes les plus émouvants. « Et quand la mort lui a fait signe… ». Soit pour d’autres raisons encore qui leur appartiennent et leur sont intimement personnelles.

Je faisais allusion à cela dans mes posts passés. Je me permets de reprendre ces textes :

[Ajout 26/03] (…) La société ou le corps médical n’a pas à prendre en charge la responsabilité d’un tel acte intimement personnel [le suicide] lorsque l’individu concerné est en mesure de l’effectuer lui-même.

Mais lorsque cette possibilité lui est ôtée par des contingences qui ne dépendent pas de sa volonté, peut-on accepter qu’il en soit privé ?

J’ai suffisamment dénoncé ici les risques de dérive de certains discours pro-euthanasie pour le dire avec sérénité : autant euthanasier quelqu’un contre son consentement, ou sur la base d’un consentement présumé ou manipulé s’apparente au meurtre, autant refuser à un être conscient et réfléchi la décision responsable de mettre fin à sa vie relève de l’abus de pouvoir. Qui peut, comme tous les abus de pouvoir, s’autoriser des meilleures intentions, qu’elles soient « éthiques » ou religieuses, familiales, médicales ou sociétales. J’ai plusieurs fois été effrayé par ces abus de pouvoir « soft » qui aliènent et infantilisent dans la gentillesse bien-pensante des soins des personnes qui n’en veulent plus, le disent, mais n’ont plus aucun moyen de faire respecter leur décision.

(…) ou encore :

Y aurait-il en effet pire totalitarisme que celui qui empêcherait les êtres humains de décider volontairement de l’éventualité de leur propre mort ? 

En particulier lorsque celle-ci est attestée comme certaine à brève échéance.

Nous connaissons certes des personnes dont le dévouement est admirable envers les malades en demande de soin. Mais une telle admiration n’a pas lieu d’être dès lors qu’un « dévouement » est imposé contre leur gré à des patients qui n’en veulent pas. La charité n’a rien à voir avec l’autosatisfaction, ou l’accomplissement de quelque obligation religieuse, mais avec l’attention au bien d’autrui et le respect de son désir et de sa décision.

(…)

Je soulignais encore « une grave déviation de l’éthique », car « une telle approche court le risque de s’autodétruire en tant que réflexion éthique » puisqu’ elle « ne fait que démontrer que ce qui prévaut en elle, c’est moins le souci de l’éthique que la défense d’un dogmatisme formel, au besoin au détriment du bien commun et du respect des personnes ».

C’est aussi à cette aune qu’il convient de penser la question de la « fraternité » qui donne lieu a bien des bavardages creux de part et d’autres.

Car quel tartuffe oserait dire qu’un abus de pouvoir qui infantilise une personne adulte, consciente, qui souhaite en finir de façon mûrement réfléchie et réitérée serait plus « fraternel » que le fait d’accéder à sa demande ?

Et pourquoi le fait de vouloir éviter à des proches les tourments et les déchirements affectifs d’une fin de vie qui se prolonge ne serait-il pas au moins aussi fraternel que le fait de les leur imposer ?

Là encore, l’extraordinaire témoignage d’amour que donnent les amis de Ramón dans « Mar adentro » fournit un exemple émouvant de ce que peut-être la fraternité vraie, lorsque tous s’unissent, au risque de leur réputation et de leur liberté, pour accomplir un dernier geste généreux en faveur de leur ami.

Toujours en Espagne, ce fut aussi le cas en 2019 de María José Carrasco, 62 ans, atteinte de sclérose en plaques depuis l’âge de 30 ans. Son mari, Ángel Hernández, après l’avoir soignée de façon admirable pendant 30 ans, l’a aidée à partir, à sa demande réitérée. Ce fut son dernier acte d’amour. Il risquait pour cela de deux à dix ans de prison. L’affaire suscita en Espagne une grande émotion et une immense mobilisation en sa faveur. Il a été acquitté en 2022.

De tels exemples apportent aussi une réponse possible à la question respectable soulevée par nombre de médecins craignant à juste raison de voir leur profession et les hôpitaux transformés en « institutions de la mort » selon l’expression du dr. Bernard Devalois et exigeant légitimement une clause de conscience, même s’il est permis de ne pas opposer serment d’Hippocrate et aide médicale à mourir. Car si le « modèle Oregon » – où un produit létal est prescrit par le médecin qui laisse le patient libre de l’utiliser quand il le veut, ou de ne pas l’utiliser – peut être critiqué parce qu’en déchargeant le praticien de la responsabilité de l’acte, il laisserait la personne seule face à elle-même, il peut toutefois être complété au besoin par l’implication fraternelle ou sororale de proches, de la « personne de confiance », ou de bénévoles, , encore une fois comme dans les cas de Ramón ou de María.

Cette implication pouvant aller, dans le cas d’une perte du jugement, jusqu’à la mise en œuvre de la volonté d’une personne telle qu’elle est exprimée dans ses « directives anticipées ». Mise en œuvre fraternelle ou amoureuse par la « personne de confiance », comme le firent Ángel et d’autres, car je pense que la plupart des amis, conjoints, parents, proches, accompliraient ces directives comme un acte d’amour et de fidélité. C’est en tout cas ce que je ferais si j’étais confronté à une telle demande.

Il importe aussi qu’une loi sur la fin de vie tienne compte de ces directives anticipées, et que tout soit mis en œuvre pour que leur existence soit mieux connue, ce qui éviterait des situations inacceptables, telles que celle subie par Vincent Lambert.

En dépit des innombrables élucubrations sur le sujet, la question de « l’aide à mourir », quand on la débarrasse des effets de manche rhétoriques et des réflexions hors de propos qui encombrent les médias, me semble se résumer à l’interrogation suivante : « Qui sera le maître » ?

« La question, dit Alice, est de savoir si vous avez le pouvoir de faire que les mots signifient autre chose que ce qu’ils veulent dire. »
La question, riposta Heumpty Deumpty, est de savoir qui sera le maître… un point, c’est tout. »

Lewis Carroll, De l’autre côté du miroir et ce qu’Alice y trouva, trad. H. Parisot, Aubier-Flammarion 1971, p. 157-159.

Comme toute chose, la réponse à la question de la fin de vie relève du pouvoir. Mais duquel parle-t-on ?

Va-ton reconnaître qu’un être humain que la plupart de nos philosophies et même de nos religions proclament désormais libre et autonome possède la maîtrise sur sa propre vie et sur sa propre mort, y compris pour ceux qui pensent que cette autonomie lui est conférée par un Autre comme son don le plus précieux (la remise en question, en vogue chez certains, de cette autonomie se fondant la plupart du temps sur des idéologies bien ambiguës…).

Ou bien faut-il accepter que le maître, c’est un Dieu, possessif voire totalitaire, jaloux de l’autonomie que justement il confère à sa créature ? Dieu dont un pape, un évêque, un rabbin, un imam ou autre gourou se proclame l’interprète ?

Ou le pouvoir est-il un État dont la morale prétendument laïque finit par rencontrer, par la voix d’étranges maîtres à penser, celle des interprètes susnommés ?

Ou bien quelque autorité politique, philosophique, médicale, qui se substituerait à notre conscience de simples mortels ?

Et si c’était justement cette conscience, ce « maître intérieur » qui avait à décider au plus profond des cœurs, de façon informée et dans une inaliénable liberté de ce que chacun veut faire de sa propre vie et de sa propre mort ?

L’énumération sans fin des abus possibles n’est pas un argument : quelle que soit la loi, il y aura bien sûr des abus, que le travail du législateur devra sans cesse s’efforcer d’éviter et de corriger et le pouvoir judiciaire de sanctionner. C’est leurs rôles depuis la naissance du Droit.  Cela n’a rien de nouveau et nous convie à la vigilance.

Mais l’abus de pouvoir d’une loi qui refuse de prendre en compte le souhait légitime de certains de disposer librement de leur mort, fussent-ils une minorité, n’est-il pas déjà en soi un abus inadmissible, qu’il importe de corriger par la loi ?

*

Ajout du 18/04 :

J’ajoute ces quelques commentaires à deux articles qui interrogent sur des points encore à préciser, que je n’ai pas suffisamment pris en compte dans le post ci-dessus.

Le premier

https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/04/08/aide-a-mourir-les-questions-medicales-soulevees-par-les-criteres-d-acces_6226559_3224.html?random=1368745624

interroge en particulier

  1. sur les difficultés liées à la définition du « moyen terme » qui pourrait autoriser l’aide à mourir.

En effet, « un médecin n’est pas un devin » est-il dit à juste raison. « Si le pronostic d’une mort imminente (« Dans quelques heures ou quelques jours », selon la définition du « court terme ») paraît possible, l’exercice est plus complexe quand l’échéance s’éloigne et qu’elle se compte en mois », avec d’évidentes variations de pronostics en fonction des maladies : « Pour le sarcome métastatique, la « médiane de survie » est globalement de dix-huit mois » (…) ; d’environ un an pour l’insuffisance cardiaque terminale, etc.

Dans tous les cas cependant, lorsqu’il est question d’issue fatale certaine, ces variations de durée de survie ne sont-elles pas quelque peu secondaires ? Car étant donné l’impossibilité de lever entièrement cette incertitude sur la durée, la décision du médecin ne doit-elle pas se conformer avant tout à ce qui est certitude, en l’occurrence la volonté exprimée de façon consciente et réitérée par le patient ?

C’est bien elle qui rend relativement mineure cette question du « moyen terme ».

2. Plus difficile semble être la question des souffrances « réfractaires ou insupportables » dont il est question dans le projet de loi.

Ce dernier évoque celles qui peuvent être d’ordre physique ou psychologique. Comment alors évaluer ce caractère « insupportable » ?

Mais là encore, comme l’explique François Blot, ne doit-on pas avant tout écouter et faire confiance à la parole et à la décision du patient qui est tout de même, comme dans le cas de Ramon Sampedro de « Mar Adentro », le seul à pouvoir véritablement évaluer sa situation ?

« Aujourd’hui, on arrive le plus souvent à soulager la douleur physique, explique François Blot, réanimateur à l’Institut Gustave-Roussy, partisan d’une évolution législative. Il est important qu’on puisse entendre un patient qui dit : “Je n’en peux plus, psychologiquement.” » Que l’évaluation de cette souffrance puisse paraître plus subjective, il ne le conteste pas. « La médecine n’est pas une science dure, il n’y a pas toujours des preuves, rappelle-t-il. Plus de la moitié des décisions, des plus banales aux plus lourdes de conséquences, se prennent en situation d’incertitude. Plutôt que de prétendre à une objectivité médicale illusoire, faisons surtout confiance à la parole du patient. »

On en revient à la question du « pouvoir », évoquée plus haut par Heumpty Deumpty : « La question est de savoir qui sera le maître ». Et sur cette question tellement intime de la souffrance, il paraît particulièrement obscène que ceux qui ne la vivent pas s’érigent en maîtres et donneurs de leçons.

3. En ce qui concerne la responsabilité de la décision.

Un certain consensus semble se dégager, qui conteste le texte législatif accordant un rôle trop important à un médecin « qui ne connaît pas la personne ».

Chez les généralistes, qui portent le plus souvent la casquette de médecin traitant, on s’étonne de cette possibilité laissée à un médecin « inconnu » de décider. « Il faudrait au contraire que tous les professionnels de santé qui ont pu côtoyer le patient, tout au long de sa vie et de sa maladie, soient impliqués dans une décision collégiale », estime Sylvain Bouquet, généraliste en Ardèche et vice-président du Collège de médecine générale. Parmi les spécialistes, le constat est proche : comment ne pas s’adosser à l’avis de celui qui connaît le mieux la maladie, les traitements, et qui sait si « tout » a été essayé ?

« Les deux personnes-clés sont le médecin traitant et le spécialiste qui suit le patient, fait valoir le professeur Damy. Ce sont les plus aptes à définir, s’il le faut, le pronostic du patient. »

Il reste en outre évident qu’une clause de conscience doit être prévue dans la loi.

4. Pour ce qui est des maladies neurodégénératives

 qui ne relèvent pas d’une échéance létale à court ou moyen terme (du type maladie de Charcot, etc.) pour lesquelles l’espérance de vie peut dépasser  les cinq ans, « les patients qui le souhaitent devraient être éligibles » à l’aide à mourir, du fait des souffrances inéluctables inhérentes à l’approche de l’échéance, nous dit le neurologue Patrick Le Coz.

5. Il en irait de même par exemple

de la situation de tétraplégiques manifestant de façon consciente et réitérée la volonté d’en finir (voir encore le cas de Ramon Sampedro), mais aussi de personnes « qui dépendent de manière très forte du support médical d’une alimentation ou d’une hydratation artificielle » (Sophie Crozier, neurologue) qui peut durer des années, mais dont le pronostic vital serait engagé à très court terme en cas d’arrêt de cette prise en charge.

Le respect des directives anticipées et/ou de l’attestation de la ou des personnes de confiance se substituant au discernement plein et entier du patient étant bien entendu décisif dans le cas d’une perte définitive de conscience.

*

Le second article

https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/04/10/jerome-cazes-sur-la-fin-de-vie-mes-parents-sont-morts-effares-de-l-indifference-de-la-collectivite-a-leur-egard_6226924_3232.html

évoque la question de la difficulté du suicide, en particulier pour des personnes âgées qui devraient pourtant parfaitement pouvoir exercer ce droit ultime. Si, comme je le disais dans le post ci-dessus « la société ou le corps médical n’a pas à prendre en charge la responsabilité d’un tel acte intimement personnel [le suicide] lorsque l’individu concerné est en mesure de l’effectuer lui-même », Jérôme Cazes nous rappelle que « rares sont ceux qui mesurent à quel point se suicider seuls est difficile pour deux très vieilles personnes, même courageuses ».

Se pose alors la question d’un accès possible à des produits létaux, qui ne semble pas pouvoir se faire sans prescription ni contrôle, sous peine d’abus inacceptables. Comment évaluer alors le bien fondé de telles demandes ? Jérôme Cazes évoque le modèle suisse, mais les modalités d’évaluation restent à préciser. Tout désir de suicide ne peut être pris en charge, que la mise en œuvre soit, ou non, médicalisée.

Il  n’en demeure pas moins que, dans le cas d’une acceptation, et encore une fois comme dans l’exemple de « Mar adentro »,  l’acte doit être accompagné de l’amour, de l’affection et de la tendresse des proches, des bénévoles, et ne peut se réduire à la prescription mécanique d’un produit.

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Ajout du 25/04 :

Un article important:

https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/04/25/il-faut-que-l-aide-a-mourir-releve-d-un-juge-et-non-de-la-decision-des-medecins_6229770_3232.html

Sortir de l’enfer. Une fois de plus, hélas, sur Gaza et l’Ukraine.

Un simple rappel de quelques évidences, dites et redites. Mais peut-être ces répétitions commencent-elles à avoir quelque influence sur les opinions.

La dénonciation de l’instrumentalisation indigne de l’antisémitisme pour justifier les massacres perpétrés par Tsahal fait son chemin dans l’opinion, y compris au plus haut niveau de la politique américaine. Mais il reste encore tant à faire pour faire accepter ce « principe de distinction » dont nous parle ci-dessous Dominique Eddé : « Un occupant et un occupé, un colon et un colo­nisé, ce n’est pas la même chose. Pour aller vers la paix, il faut faire la différence ». Un conflit colonial ne peut se régler par le déni du fait colonial, du racisme et de l’apartheid qu’il entraîne et que dénonçait par exemple Zeev Sternhell.

Et comme le répète sans se lasser Dominique Eddé, « Il faut (…) que les consciences anesthésiées se réveillent. À commencer par les plus décisives, les israéliennes ».

L’issue, nul ne sait, à l’heure qu’il est, où la trouver. Nous savons toutefois qu’elle passe par le principe de la distinction. Un occupant et un occupé, un colon et un colo­nisé, ce n’est pas la même chose. Pour aller vers la paix, il faut faire la différence. Et faire la différence, c’est combattre la fusion, de part et d’autre, y compris dans les mémoires, c’est faire cohabiter les récits. C’est renoncer à occuper le centre, c’est créer de la place pour l’autre.

Dans « Haaretz », le 10 février dernier, Amira Hass écrit à propos de l’attaque de Rafah annoncée par Nétanyahou : « Si près d’un million de Palestiniens doivent fuir pour la troisième ou quatrième fois vers Al-Mawasi – lieu déjà plein de Gazaouis réfugiés -, la densité sera d’à peu près 62 500personnes par kilomètre carré. » Cela signifiera, précise-t-elle, que les gens, parqués à la frontière avec l’Egypte, ne pourront se tenir que debout ou à genoux, condamnés à dormir à tour de rôle. C’est dire si la question de la « place » a viré au cauchemar. Si l’on veut traiter efficacement – c’est-à-dire sans intimidation et sans tabou – de cette plaie ouverte qu’est devenue « la Terre sainte » et, autour d’elle, la région tout entière, il est indispensable d’en finir avec la rhétorique du déni. La méthode qui consiste notamment à qualifier d’antisémite quiconque s’oppose à la politique d’Israël est un mode de terrorisme intellectuel qui ne cesse d’épaissir la haine et de détruire le dialogue (…)

L’atrocité du 7 octobre ne constitue pas un événement isolable, sur le plan de l’histoire régionale. Elle est le résultat abominable de deux phénomènes : 1) la cécité d’une majorité d’israéliens, entretenue par le vieil allié américain et par les nouveaux amis arabes qui, au mépris des faits, se sont tranquillement abrités derrière le diktat du fait accompli. Les israéliens ont cru dans leur majorité qu’ils pouvaient vivre, commercer et danser normalement pendant qu’à leur porte, un peuple nié par eux, écrasé, spolié de tous ses droits, n’y trouverait rien à redire. 2) La Palestine n’a pas mieux réussi que les pays arabes voisins à se doter de pouvoirs capables de penser la libération des peuples. Ils ont choisi la corruption, l’abus, la violence.

Nous en sommes maintenant au point où avoir peur et faire peur ne font plus qu’un dans toutes les têtes. Deux urgences concrètes s’imposent : arrêter le feu et renverser les pouvoirs en place de part et d’autre. Non par les armes, mais par une pression massive du dedans et du dehors. Il faut pour cela que les consciences anesthésiées se réveillent. À commencer par les plus décisives, les israéliennes. Qu’elles cessent d’avaliser, ne serait-ce qu’au nom de leur survie et de la libération des otages, un régime barbare ; qu’elles réclament sa chute, qu’elles entendent les appels au secours désespérés de ceux qui vivent et travaillent à Gaza. Il n’y est plus seulement question d’hécatombe et d’intolérables souffrances, il y est question de l’enfer.

Dominique Eddé, l’Obs 3100 du 29/02 au 6/03 2024, p. 41.

*

Et sur l’enfer ukrainien, cette intervention ahurissante du pape François, qui a d’ores et déjà choisi son camp et révélé le vainqueur du conflit en décrétant que « Quand on voit qu’on est vaincu, il faut avoir le courage de négocier » et de « hisser le drapeau blanc ».

Je me suis permis de saluer ce courage prophétique, qui à aucun instant ne prend la peine de condamner l’agresseur, par ce commentaire dans le journal La Croix de ce jour :

https://www.la-croix.com/religion/guerre-en-ukraine-le-pape-invite-kiev-a-hisser-le-drapeau-blanc-et-a-negocier-avec-la-russie-20240310

Propos indignes.  « A-t-on sérieusement parlé de négociations de paix avec Hitler, et de drapeaux blancs pour le satisfaire ? », nous disent nos frères d’Ukraine qui perdent leur vie en première ligne pour la défense de nos valeurs. Insulte à tous les résistants, aux Navalny, aux Manouchian. Car que signifie « Une paix juste » ? Si l’on sait ce que veut dire pour l’Ukraine une telle expression – retrait sans condition de l’agresseur russe de la Crimée et du Donbass – on sait aussi que Poutine et ses complices n’accepteront une telle « paix juste » que contraints par la force militaire. Dès lors, c’est bien à une capitulation qu’exhorte le pape en appelant l’Ukraine à la reconnaissance de la défaite. Navrant. Un Occident où résonnent à l’envi les voix de la lâcheté munichoise a bien besoin d’un tout autre message.  « Ne pas abandonner ! Nous continuerons ! », a-t-on entendu aux funérailles de Navalny. Car comme le savait si bien Churchill, s’il est bien le signe de la honte, le drapeau blanc n’a jamais été une garantie contre la guerre. Certes il est permis de ne pas avoir la dimension spirituelle d’un Navalny, d’un Churchill ou d’un Gandhi lorsqu’il disait qu’entre la lâcheté et la violence, il préférait la violence. Mais à défaut, il est tout de même permis d’avoir la décence de se taire.

Ajout du 12/03 :

Un nouveau commentaire dans le même quotidien, suite à un article pour le moins « jésuitique ».

https://www.la-croix.com/religion/guerre-en-ukraine-pourquoi-le-pape-francois-a-parle-de-drapeau-blanc-20240311

Devant les remous provoqués en France par la publication en 1864 par le pape Pie IX, du Syllabus qui condamnait les « erreurs du monde moderne » (dont la liberté de culte !), Mgr Dupanloup, évêque d’Orléans, parvint à apaiser la tempête en distinguant fort subtilement la « thèse » de « l’hypothèse ». La « thèse » étant ce que disait le document, « l’hypothèse » étant ce qu’il fallait en comprendre, qui pouvait au besoin être le contraire de la « thèse ». À l’évidence, nombre de Dupanloup sont encore à l’œuvre dans l’Eglise catholique pour édulcorer ce qu’on peut nommer poliment les bévues des papes.

Car transformer le « drapeau blanc », signe irrécusable de reddition dans la signalétique militaire, en appel à la « négociation » et à la « médiation » est une opération bien acrobatique et dangereuse. Nos experts en géopolitique ne se souviennent-ils donc pas que la Russie de Poutine a allègrement violé tous les traités passés avec l’Ukraine sous « médiation internationale » (Mémorandum de Budapest de 1994, Traité d’amitié, de coopération et de partenariat de 1997 fixant l’intégrité territoriale des deux États, Accord de Kiev de 2003 sur la frontière russo-ukrainienne stipulant que la Crimée est et demeure partie intégrante de l’Ukraine). Ce dernier accord, signé sous la présidence de Poutine démontre à quel point on peut se fier à sa parole. Allons, MM. les Dupanloup, revenons à la réalité ! Les Ukrainiens ont parfaitement raison lorsqu’ils assurent que l’Ukraine et l’Europe ne seront en sécurité qu’avec la défaite de Poutine. Osons appeler un chat un chat et bourde (si l’on veut rester poli) une ineptie, fut-elle pontificale.

Ajout du 14/03 :

À propos d’un article quelque peu ambigu discutant de l’opportunité de la référence à Munich dans le contexte de la guerre en Ukraine

https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/03/13/guerre-en-ukraine-la-reference-aux-accords-de-munich-un-argument-politique-aux-limites-historiques_6221752_823448.html

une nouvelle intervention, un peu répétitive, mais il importe parfois « d’enfoncer le clou »:

Bel exercice d’érudition, certes. Mais qui n’est pas exempt d’une grande naïveté voire de visée idéologique. Car si la référence à Munich gagne sans doute à être précisée, peut-être aurait-il fallu s’interroger sur sa raison d’être.  «Le parallèle (.) vise à discréditer d’emblée celui qui évoque la possibilité de négocier.»(.)«C’est regrettable que beaucoup l’aient oublié, mais les guerres ne peuvent finir que de deux façons: soit par une victoire totale, soit par une négociation.» Mais il est plus regrettable encore que beaucoup aient oublié que tous les accords et «négociations» menés à propos de l’intégrité territoriale de l’Ukraine (Mémorandum de Budapest de 1994, Traité d’amitié, de coopération et de partenariat de 1997, Accord de Kiev de 2003 stipulant que la Crimée est et demeure partie intégrante de l’Ukraine) aient été sciemment violés par M. Poutine discréditant effectivement d’emblée «la possibilité de négocier». Dès lors, quelle autre alternative que la «victoire totale»?

Ajout du 19/03 :

Ce bon article, qui fait la différence entre la non-violence active de Martin Luther King et de Gandhi et un « pacifisme » des bons sentiments et des drapeaux blancs :

https://www.la-croix.com/a-vif/le-pape-demande-a-l-ukraine-de-hisser-le-drapeau-blanc-les-limites-de-la-religion-de-lamour-20240318

Quelques extraits :

Contrairement à ce que l’on croit souvent, la plupart des militants non-violents ne sont pas pacifistes, car il existe des situations où l’agresseur ne nous laisse aucune autre option que la violence. Gandhi lui-même répétait : « S’il faut absolument faire un choix entre la lâcheté et la violence, je conseillerai la violence. »

Selon [Martin Luther King], préférer le consensus à l’âpre lutte de terrain, c’est prendre le risque de construire un statu quo tissé de malentendu et de domination.

Il est impossible de rechercher l’unité sans accepter le conflit ; ni de vouloir la paix et le pardon sans établir au préalable la justice. Comme l’avait diagnostiqué Chesterton, les vertus chrétiennes « deviennent folles » quand, « isolées l’une de l’autre », elles finissent par « vagabonder toutes seules ».

Ajout du 20/03 :

De son côté, Moscou avait salué le pape comme un « véritable et sincère défenseur de l’humanisme, de la paix et des valeurs traditionnelles », à l’occasion du 11e anniversaire de son pontificat, le 13 mars.

https://www.lemonde.fr/international/live/2024/03/20/en-direct-guerre-en-ukraine-l-onu-accuse-moscou-de-semer-la-peur-et-de-supprimer-l-identite-ukrainienne-en-zones-occupees_6222496_3210.html

l’un des rares dirigeants politiques ayant un point de vue véritablement stratégique sur les problèmes mondiaux », a ajouté l’ambassade.

Sans commentaire.

Спасибо, Алексей ! Merci, Alexei !

Oui, merci Alexei, pour avoir montré que la pire des dictatures ne peut anéantir la liberté.

Et merci à vous, citoyennes et citoyens de cette grande nation russe, pour avoir montré que la peur ne peut étouffer la revendication de paix et de justice.

https://www.lemonde.fr/international/video/2024/03/01/russie-des-milliers-de-personnes-aux-funerailles-d-alexei-navalny_6219490_3210.html

https://www.lemonde.fr/international/article/2024/03/02/au-lendemain-des-funerailles-de-navalny-des-centaines-de-russes-continuent-de-defiler-devant-sa-tombe_6219702_3210.html

C’est de vous que nous attendons l’avenir de la Russie.

Merci quand même aussi aux quelques politiques et diplomates qui, à défaut du soutien massif qui s’imposait en cette occasion, ont tout de même manifesté un appui, aussi timide et parcimonieux fut-il.

Merci à toutes et à tous pour avoir montré que notre monde n’est pas forcément condamné à subir les diktats de bouffons grotesques et sanguinaires alors même qu’ils se multiplient dangereusement.

Funérailles d’Alexei Navalny. Et si…

Aujourd’hui, le corps d’Alexei Navalny aurait été rendu à sa mère.

Pour le moment, nous ne savons rien, à ma connaissance, de l’organisation de ses funérailles.

Et si…

Et si les membres de l’opposition russe à l’étranger revenaient pour participer à ce moment ?

Et si au moins quelques milliers parmi les millions d’exilés se donnaient le mot pour prendre part à un événement qui deviendrait alors hautement significatif pour l’Histoire de la Russie ?

Celles et ceux d’entre nous qui le peuvent pourraient aussi les accompagner. Belle opération marketing pour quelques compagnies aériennes ou agences de voyage…

Et si MM. Macron, Biden, Michel, Borrell, Mme von der Leyen,   MM.  Rinkevics, Nausèda, Karis, Sunak, Sanchez, Scholz, Tusk, Mme Kallas, MM. Niinistö, les rois Charles XVI Gustave, Felipe VI, Charles III, MM. Støre, Trudeau, Hurley ainsi que d’autres encore dont on sait qu’ils n’hésitent pas à prendre l’avion pour quelques peccadilles faisaient le déplacement pour une occasion aussi capitale ?

Il serait bien temps en effet de passer d’une indignation toute platonique à un signe fort et courageux. Est-il possible d’honorer les Manouchian du passé tout en ignorant ceux qui se battent et meurent aujourd’hui ?

Cela ne constituerait-il pas pour le dictateur en place et son entourage un désaveu cuisant en même temps qu’un avertissement ferme, et pour la partie du peuple russe qui n’a pas renoncé à la liberté un encouragement puissant à poursuivre la lutte sans désespérer ?

Rêve ? Utopie ? Sans doute, hélas.

Mais qu’il serait pourtant si facile de traduire en réalité.

*

Ajout du 27/02 :

Sans commentaire :

https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/27/le-dissident-russe-oleg-orlov-condamne-a-deux-ans-et-demi-de-prison-pour-ses-denonciations-de-l-offensive-militaire-en-ukraine_6218816_3210.html

Alexeï Navalny. Le géant et l’insignifiance.

Avec votre gouaille et votre ironie face à vos bourreaux, nous vous pensions invulnérable.

Pourtant, vulnérable, vous l’étiez, maintenant qu’il faut parler de vous au passé.

Mais au présent, vous êtes immortel.

Tellement au-dessus du grouillement de la basse-cour poutinienne, vous me faites penser à cet énigmatique « Colosse » de Goya

 qui traverse la petitesse de ceux qui se croient grands alors qu’ils ne sont que de grotesques nabots.

Le vent emportera Дворец Путина, Dvorets Poutina, le «Palais de Poutine», dont vous aviez révélé l’existence, minable délire infantile d’un minable nouveau riche, image de ses détournements de fonds, de ses crimes monstrueux et de ses guerres absurdes.

Tout cela roulera quelque jour dans la fange.

Car si la gloire de ce monde passe, la vôtre ne passera pas.

En dépit de limites inévitables, un infini merci à vous, qui avez su sauver l’Honneur de votre pays et l’Honneur de l’Homme, tout simplement, dans ce monde de faux semblants méprisables dont nous nous contentons trop souvent.

Citoyens russes, le 15 mars, votez Navalny !

Граждане России, 15 марта голосуйте за Навального!

https://www.lemonde.fr/international/live/2024/02/16/en-direct-mort-d-alexei-navalny-en-prison-condamnations-internationales-et-accusations-contre-le-regime-voyou-de-poutine_6216904_3210.html

*

Ajout de 20/02 :

Et il n’y a pas de raison que cela s’arrête :

https://www.liberation.fr/international/europe/le-pilote-russe-maxim-kouzminov-qui-avait-deserte-il-y-a-quelques-mois-a-ete-tue-en-espagne-20240219_MCQHC4M53BGE5FYITS734LG65Q

« Sans faire la moindre allusion à une éventuelle implication de Moscou, Sergueï Narishkin, le chef du service de renseignement extérieur russe, a traité le déserteur russe de « traître criminel », « devenu un cadavre moral dès le moment où il a planifié son abject et terrible crime », a rapporté l’agence officielle nationale Tass. Un reportage du mois d’octobre diffusé par la télévision d’État russe assurait que les services spéciaux avaient été sommés de retrouver le pilote et de le punir pour sa défection ».

https://www.la-croix.com/international/guerre-en-ukraine-le-deserteur-russe-maxim-kouzminov-retrouve-mort-en-espagne-20240220

Quelques anti-vœux, avec Woody Allen et Charles le Téméraire.

« Il serait tout de même temps que tu présentes tes vœux à tes lecteurs », me dit Stultitia.

Or je fais en ces périodes une crise d’allergie aux vœux de bonheur, de réussite, et autres incantations rituelles de « bonne année » qui ont pour caractéristique ordinaire de ne pas se réaliser. Quand ce n’est pas le traditionnel « Et surtout bonne santé » suavement adressé au vieil oncle en soins palliatifs.

Et j’avoue qu’en ce moment, je me sens plus enclin à paraphraser Woody Allen :

« J’aimerais vous présenter un message d’espoir. Je n’en ai pas. En échange, est-ce que deux messages de désespoir vous iraient ? ».

Et même bien plus de deux, hélas…

Y figureraient les noms de Poutine, Ali Khamenei, Yahya Sinouar, Benyamin Netanyahou, Kim Jong-Un, Donald Trump ou encore Xi Jinping et bien d’autres fauteurs d’injustices, de violence et de guerres.

Ils évoqueraient aussi les échecs, déjà avérés, d’une « transition écologique » dans un monde qui persévère allègrement, quoi qu’on en dise, dans une surconsommation énergétique imposée par des impératifs de croissance, économique, démographique, etc., un monde qui étale tous les jours incohérences politiques, lâchetés et doubles discours, surenchères démagogiques et incitations consuméristes de tous ordres, qu’il s’agisse de productivisme agricole qui épuise la Terre, de nouvel extractivisme tout aussi ruineux pour la planète que le précédent, mais désormais repeint en vert, etc., monde qui, chaque jour, pèse plus durement sur les plus pauvres.  

Sans oublier que de tels messages de désespoir devraient aussi évoquer cette irresponsabilité chronique dont nous parle Bernanos, cette « abjecte complaisance » dans la docilité qui rend complices à des degrés divers, en Russie, en Israël ou ailleurs, de quelques chefs de guerre diaboliques, de systèmes économiques défendant âprement « la loi du plus riche ». Complaisance dans ces privilèges que nous préférons vertueusement ne pas voir et ne « pas chercher à comprendre », mais qui font tout de même que 97 % des Français appartiennent sans état d’âme aux 30 % les plus riches du monde, pour ne pas parler de peuples encore mieux lotis que nous le sommes.

« Voilà longtemps que je le pense, si notre espèce finit par disparaître un jour de cette planète, grâce à l’efficacité croissante des techniques de destruction, ce n’est pas la cruauté qui sera responsable de notre extinction et moins encore, bien entendu, l’indignation qu’elle suscite ; ni la cruauté, ni la vengeance, mais bien plutôt la docilité, l’irresponsabilité de l’homme moderne, son abjecte complaisance à toute volonté du collectif. Les horreurs que nous venons de voir, et celles pires que nous verrons bientôt, ne sont nullement le signe que le nombre des révoltés, des insoumis, des indomptables, augmente dans le monde, mais bien plutôt que croît sans cesse, avec une rapidité stupéfiante, le nombre des obéissants, des dociles, des hommes, qui, selon l’expression fameuse de l’avant-dernière guerre, « ne cherchaient pas à comprendre ». G. Bernanos, La France contre les robots. 1947.

Dans ces conditions, peut-on encore sans s’illusionner rêver d’un message d’espoir ?

Me viennent alors en mémoire ces maximes que mon instituteur de la laïque (non, il ne se nommait pas Stanislas…) inscrivait de sa belle écriture au tableau noir et qu’il intitulait « leçons de morale ». Parmi elles :

« Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer ».

Qu’importe que l’auteur en soit Charles le Téméraire ou Guillaume Ier d’Orange.

Il faut avouer qu’elle tombe à pic pour instruire notre époque, encore mieux sans doute que « le pessimisme de l’intelligence » allié à « l’optimisme de la volonté », dont nous parle Gramsci.

Car force est de reconnaître que depuis le temps que la volonté bute sur les échecs et les désillusions, elle a bien du mal à conserver un quelconque optimisme…

 Sans doute vaudrait-il mieux parler alors « d’énergie du désespoir ».

Un minimum de lucidité et les simples constats factuels semblent en effet condamner tout message d’espoir à la naïveté.

Car soyons sérieux : espère-t-on raisonnablement, par exemple, convertir à la sobriété volontaire quelques milliards d’individus supplémentaires dans un monde qui ne rêve que de croissance et d’augmentation du pouvoir d’achat, et dont l’Histoire toute entière – sauf guerres ou crises majeures  – démontre l’orientation incoercible vers plus de consommation ?

Ou bien nous payons nous de slogans et de mots dont nous préférons nous cacher la vacuité ?

Le temps ne serait-il donc pas venu d’entreprendre, résolument, sans espoir, et de persévérer sans réussite, comme nous l’enseigne la sagesse lucide du vieux Charles (ou du vieux Guillaume).

Vous avez dit tragique ? Telle paraît être effectivement notre condition.

Peut-être convient-il désormais d’embrasser pleinement une telle condition, sans autre guide que la sagesse que mon vieil instituteur exprimait sur son tableau noir, pour éclairer ce noir tableau qui est à présent indiscutablement le nôtre ?

Comme dit dans le post précédent, cela n’étonnera en rien « ceux qui croient au ciel » : car ils savent que l’espérance et la persévérance sont indifférentes aux entreprises de ce monde comme à ses réussites. Et c’est là une grande source de liberté.

Mais cela n’étonnera pas non plus « ceux qui n’y croient pas », car l’honneur et la dignité d’être Personne Humaine n’a que faire d’espoir ou de réussite.

Tout au contraire, honneur et dignité illustrent cette condition tragique qui nous fait entreprendre sans espoir et persévérer sans attente de réussite.

Alors qu’importe que la « transition écologique » et autres emphases similaires soient un jour une réussite, ou, plus vraisemblablement un échec.

Qu’importe que notre espoir de paix et de justice soit, comme l’atteste la totalité de l’Histoire humaine, probablement toujours déçu.

Qu’importe qu’il soit illusoire d’éradiquer de notre pauvre Monde le mal et la souffrance et que les lendemains qui chantent ne soient jamais pour demain.

Dans sa préface aux « Œuvres » de Vassili Grossman (Robert Laffont, Paris 2006, p.V), T. Todorov rappelle que « Grossman avait fait sienne une phrase de Tchékov selon laquelle « il était temps pour chacun de nous de se débarrasser de l’esclave qui était en nous ».

Alexei Navalny, Dolkun Isa, Bassam Aramin et Rami Elhanan, Iekaterina Dountsova ainsi que tant d’autres, connus ou inconnus, vivent de cette seule exigence.

Que les combats qu’ils entreprennent réussissent ou pas, cela n’est pas l’essentiel.

Ils les mènent d’abord « parce qu’il est temps pour chacun d’entre nous de se débarrasser de l’esclave qui est en nous », et que la beauté de cette œuvre suffit.

Et convaincus de ce simple objectif, qu’importent alors l’espoir, la santé et le bonheur, qu’importe la réussite !

Pour nous, l’année 2024 ne pourra qu’être bonne.

« Qui peut penser que les Israéliens vivront en paix après que l’irréparable a été commis » (Dominique Eddé). 

Un bref commentaire à cet article remarquable :

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/28/guerre-israel-hamas-qui-peut-penser-que-les-israeliens-vivront-en-paix-apres-que-l-irreparable-a-ete-commis_6208026_3232.html

« Ce qu’une bonne partie de l’opinion israélienne s’obstine à ne pas comprendre, c’est qu’elle est en train d’approuver une politique qui, au prétexte de protéger son peuple, va le déposséder de son avenir« . Il est dommage qu’un texte d’une telle lucidité – en témoigne l’agressivité que mettent ses détracteurs à le calomnier – ne soit resté que quelques heures « à la Une » sur le site [du Monde]. Car loin d’être une apologie sommaire de la Palestine, comme le soutiennent tant de commentaires malveillants, il fournit les seules clés susceptibles de permettre la survie d’Israël: un désaveu populaire massif de ce qu’Élie Barnavi nomme « une politique israélienne imbécile« . Il serait urgent de donner au plus grand nombre la possibilité de le relire.

Heureux les artisans de paix !

En ces temps de Noël tellement troublés qu’il serait vain de faire une liste des malheurs du monde, il est bon de se rappeler quelques grands textes qui font l’honneur de l’humanité et qui s’adressent aussi bien à « celui qui croyait au ciel » qu’à « celui qui n’y croyait pas ».

Car quelles que soient les croyances, religieuses ou athées, il existe encore et toujours des « artisans de paix » dont l’exemple nous garde du désespoir, et qui maintiennent vif l’esprit de ces grands textes.

« Qu’importe comment s’appelle

Cette clarté sur leur pas

Que l’un fut de la chapelle

Et l’autre s’y dérobât »

*

Pour ne citer que quelques exemples qui illustrent « les Béatitudes » :


« Heureux les doux,
car ils recevront la terre en héritage
 ».

https://www.arte.tv/fr/videos/113511-073-A/28-minutes/


« Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice,
car ils seront rassasiés
 ».

*

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/23/un-vrai-debat-sur-l-immigration-ne-laisserait-pas-la-definition-des-objectifs-et-des-priorites-a-l-extreme-droite_6207466_3232.html


« Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice,
car le royaume des Cieux est à eux
 ».

https://www.france24.com/fr/europe/20231215-alexe%C3%AF-navalny-transf%C3%A9r%C3%A9-de-sa-prison-vers-un-lieu-de-d%C3%A9tention-inconnu

« Heureux êtes-vous si l’on vous insulte,
si l’on vous persécute
et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous
 »

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/23/en-russie-une-candidate-pacifiste-ecartee-de-la-presidentielle_6207441_3210.html

« Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse,
car votre récompense est grande dans les cieux !
 »

Alors, « que l’on croie aux cieux » ou que l’on n’y croie pas, qu’importe.

L’essentiel n’est-il pas de se trouver du côté de celles et ceux qui illustrent ce qui fait l’honneur de l’humanité plutôt que parmi ceux qui la méprisent et la déshonorent ?

« Quand les blés sont sous la grêle

Fou qui fait le délicat

Fou qui songe à ses querelles

Au cœur du commun combat

Celui qui croyait au ciel

Celui qui n’y croyait pas »

Du côté de celui qui résiste et combat jusqu’à, mystérieusement, faire partie de celles et ceux qui pleurent plutôt que de ceux qui font pleurer.

« Heureux ceux qui pleurent,
car ils seront consolés
 ».

https://www.lavoixdunord.fr/1382309/article/2023-10-07/guerre-israel-gaza-des-civils-pris-en-otage-en-violation-du-droit-international

https://www.lemonde.fr/un-si-proche-orient/article/2023/11/26/jamais-la-palestine-n-a-autant-souffert_6202438_6116995.html

https://www.bbc.com/afrique/monde-67664330

Je nous souhaite donc de la clarté sur nos pas. Et qu’importe comment on l’appelle !

« Pour qu’à la saison nouvelle

Mûrisse un raisin muscat

Et framboise ou mirabelle

Le grillon rechantera »

Bonnes fêtes à toutes et tous malgré tout, dans le courage d’une espérance que l’horreur, la laideur ou l’indifférence ne peuvent éteindre.