De la vérité. Qu’elle est polyphonique, comme l’humanité. À propos d’Écosse, de Tibet et autres Catalogne.

https://www.lemonde.fr/international/article/2021/05/08/ecosse-les-independantistes-revendiquent-la-victoire-et-defient-boris-johnson_6079606_3210.html

https://www.lemonde.fr/international/article/2021/05/09/en-ecosse-la-victoire-des-independantistes-laisse-presager-un-long-bras-de-fer-avec-londres-sur-la-question-d-un-nouveau-referendum_6079617_3210.html

« Notre époque n’est pas à une incohérence près », me rappelait  Stultitia dans le post précédent.

Et une fois de plus, la victoire d’indépendantistes – en l’occurrence écossais – confirme le caractère burlesque de l’incohérence et des contradictions des argumentations nationalistes.

(Rappelons l’indispensable distinction entre « patriotes » – ouigours, tibétains, kurdes, mais aussi écossais, catalans, corses, etc. qui revendiquent le respect de leurs cultures et de leurs droits, y compris politiques -, et « nationalistes », qui considèrent que certains États – la Chine, la Turquie, l’Angleterre, l’Espagne, la France, etc.- auraient la prérogative d’étendre ou de maintenir une domination sur des peuples sans le consentement de ces derniers).

Et puisqu’il est question de consentement, une première constatation est que ce terme qui est désormais, à juste raison, dans toutes les bouches quand il s’agit de respecter les droits des individus à l’intégrité de leur vie – sexuelle en particulier -, semble faire l’objet d’un déni quand il s’agit d’aborder des questions de géopolitique.

Fort heureusement, une relation sexuelle non consentie est désormais considérée comme une violence inadmissible.

Mais qu’en est-il d’une domination politique non consentie ? Quand ce refus de consentement se manifeste inlassablement de façon démocratique, comme dans le cas de la Catalogne, par exemple ?

Cette relation non consentie pourtant assimilable à un viol devient alors, aux yeux de certains, parfaitement admissible, voire nécessaire.

« Et une incohérence, une ! », note Stultitia.

Bien sûr, concernant la question de peuples lointains, ouïgours, kurdes ou tibétains, la condamnation du viol ne pose pas de problème : les méchants nationalistes chinois ou turcs sont « les autres ». Vite ! Dénonçons-les ! Mobilisons-nous !

Mais lorsqu’il s’agit d’écossais, de corses ou de catalans – des gens bien de chez nous, en somme -, et qui résident dans le pré carré de notre politique, le déni insurmontable mentionné ci-dessus resurgit aux yeux des mêmes « certains » : « Nous ne sommes pas des violeurs! On ne va tout de même pas comparer la question tibétaine à la question écossaise ou catalane ». Car chacun sait bien-sûr que les catalans ou autres écossais sont, eux, soit des salauds de séparatistes égoïstes qui ne pensent qu’à garder leurs richesses pour eux, soit – au choix – des assistés qui ne pourront jamais se passer de nos services. Pourquoi donc se préoccuper du sort qui leur est fait?

« Nouvelle incohérence. Et de deux ! », note Stultitia.

Prenons encore la question du respect de la démocratie.

Il est à l’évidence à géométrie variable :

Boris Johnson, dès la veille [du scrutin], avait déclaré « irresponsable » une nouvelle consultation populaire écossaise.

(…)

« Boris Johnson n’a aucun argument pour bloquer la volonté des Ecossais. Le référendum est fondamentalement une question de principe démocratique », a martelé la dirigeante.

(…)

Quel intérêt M. Johnson aurait-il à céder à Mme Sturgeon (les deux dirigeants se détestent cordialement) et à lui accorder un nouveau référendum, s’il a des risques de le perdre ? Un oui à l’indépendance de l’Ecosse signerait très probablement sa démission et marquerait sa carrière politique de manière indélébile.

À moins que la dirigeante écossaise ne réussisse à le prendre au piège de l’argument démocratique : pourquoi refuser aux Ecossais ce qu’il a revendiqué tout au long de la campagne du Brexit (le respect de « la volonté du peuple ») ?

(…)

« La position de Boris Johnson est hilarante, bien sûr que nous avons [avec le SNP- Scottish National Party, Parti National Écossais-] un mandat clair pour appeler un nouveau référendum », avait déclaré dès samedi matin Lorna Slater, la coleader des Verts écossais. (art. de Cécile Ducourtieux en lien ci-dessus).

« Tiens, me dit Stultitia. Tout cela rappelle fâcheusement les contorsions tout aussi « hilarantes »d’un certain M. Rajoy. Et de trois incohérences ! ».

On se souvient de plus que l’indépendantisme, est, toujours aux yeux de certains, une idéologie destructrice accusée de vouloir briser autant l’unité nationale que l’unité européenne (en dépit des orientations très majoritairement pro-européennes des peuples qui y aspirent).

Mais que devient ce discours dès lors que des indépendantistes veulent revenir en Europe et participer à sa construction contre ceux qui s’en séparent ?

Quelques acrobaties sont alors nécessaires, qui cachent mal l’incohérence.

« Et de quatre ! » continue Stultitia.

On pourrait bien sûr souligner que ces indépendantistes-là peuvent tout de même susciter de la sympathie, toujours aux yeux de certains, français en l’occurrence, étant donné que c’est à l’ennemi héréditaire anglais qu’ils posent problème, et que « les ennemis de nos ennemis sont nos amis ».

Mais pas question que des ploucs de basques ou de corses nous imposent les mêmes problèmes à nous autres frenchies.

« Une incohérence de plus. Et de cinq ! », ajoute Stultitia tout excitée.

On pourrait bien sûr allonger encore la liste.

Mais je préfère terminer sur une note musicale.

Une pathologie profondément enracinée dans l’Histoire semble nous faire concevoir l’unité de l’espèce humaine sous l’aspect d’une monodie dominée par la voix des puissants.

Sans doute touche-t-on là à une question fondamentale qui concerne aussi bien l’anthropologie que la psychologie, la philosophie et même la théologie : celle de la difficulté que nous avons tous, toujours et partout, à accepter l’altérité, à reconnaître et respecter l’autre comme autre.

Mais n’est-il pas scandaleux que cette réduction autoritaire à l’uniformité monodique étouffe obstinément la merveille d’un concert qui pourrait être symphonique, polyphonique ?

Et tant d’autres…

Car après tout, bien loin d’un concours mondial de grandes gueules où celui qui a la plus grosse (voix) écrase les autres, Dieu, s’il existe, ne serait-il pas lui-même polyphonie, altérité fondatrice d’écoute et de respect de l’autre ?

Mais il n’est certes pas nécessaire d’y croire pour faire l’effort de concevoir l’Europe* et le monde comme Symphonie plutôt que comme désespérante mono-tonie soumise à la loi des plus forts.

*

*PS: Et n’est-ce pas aujourd’hui le jour de l’Europe?

Encore une fois sur l’honneur de la France et de l’Europe. À propos de Kanaky, de Catalogne, et de Josu Urrutikoetxea.

Nombre de français se révèlent toujours bien étranges dès qu’il s’agit d’aborder la question des peuples minorisés de notre chère patrie et de notre chère Europe.

Certes, leur situation n’est fort heureusement pas comparable à celle des Ouïghours, Rohingyas, Kurdes et autres Tibétains.

Mais, si les conditions sont différentes, le réflexe nationaliste dont ils sont les victimes demeure lui foncièrement identique. (Rappel : comme je l’ai signalé plusieurs fois, il convient de ne pas confondre le nationalisme des chinois, turcs ou castillans qui refusent leurs droits aux ouïghours, kurdes ou catalans et le patriotisme dont relève la résistance de ces derniers).

Et on se demande bien ce que serait la position des idolâtres français ou européens d’une certaine idée de la « Nation » si le destin les avait fait naître chinois, turcs ou birmans.

Sans doute hurleraient-ils dans ces pays avec les loups qui se font les indéfectibles défenseurs de la sacro-sainte « Unité Nationale ».

Les manifestations d’une telle constante vont d’un racisme franc et satisfait, comme à propos de la récente victoire des indépendantistes Kanaks lors de l’élection du nouveau gouvernement de l’île :

Parmi bien d’autres sorties du même genre:

« Et le Kanak averti de pouvoir enfin glander ad vitam eternam sur la terre de ses ancêtres. Elle est pas belle l’indépendance annoncée !? » (sic. Dans les « contributions ». À propos de ce genre d’amabilités toujours fréquentes, voir mon petit florilège établi il y a quelques mois).

… à la supériorité tranquille de celui qui se prépare à jouir du « spectacle » des inévitables difficultés que rencontreront nécessairement des hommes et femmes ayant décidé de prendre en main leur liberté après des siècles de domination coloniale :

« Arrêtons ce simulacre de démocratie et donnons l’indépendance à cette ile. Mais sans aide financière bien sûr et assistons au spectacle » (sic. id.ibid.).

Cela nous rappelle le leitmotiv tellement entendu lors des grandes décolonisations, et qui perdure au constat des inévitables difficultés des « printemps arabes » ou autres événements du même genre :

« Vous allez assister au spectacle : comment ces pauvres algériens, tunisiens, tchadiens, indochinois, etc. vont crever de faim quand ils seront indépendants. Et comment, sans nous, ils vont finir par s’entretuer », etc.

Et bien sûr, le grand classique : « Un bon régime autoritaire assure mieux le bonheur et la prospérité des peuples que des aspirations hasardeuses à la liberté ».

Et Vive Franco et encore Ben Ali, Bachar el-Hassad, Erdogan et consorts !

Avis aux amateurs, lors de prochaines élections !

Car après tout, au vu du niveau de vie des allemands et de la réussite économique de leur nation, n’aurions-nous pas gagné à demeurer sous leur domination ? Notre attachement stupide à la liberté et à l’indépendance a-t-il vraiment servi nos intérêts ?

Mais le jacobin nationaliste a plus d’un tour dans son sac, et de manière plus subtile, il sait aussi user de l’humiliante désinvolture de celui qui manipule astucieusement les titres pour transformer les défaites en victoire, en dépit de toute évidence.

Ainsi, lors des dernières élections régionales en Catalogne, Le Monde, à l’image de nombreux médias français et espagnols, s’est tout d’abord réjoui de la victoire du PSC (Parti Socialiste Catalan, représentant le pouvoir central de Madrid) :

« En Catalogne, les socialistes l’emportent » (sic).

Cocorico ! ou plutôt Quiquiriqui, comme disent nos voisins d’outre-Pyrénées…

Avant de concéder, comme à regret : « mais les partis indépendantistes obtiennent la majorité absolue ».

Las ! Car on est tout de même bien forcé de reconnaître – une fois de plus – qu’avec 74 sièges aux indépendantistes contre 61 aux non –indépendantistes (dont 33 au PSC !) soit la majorité absolue des suffrages et des sièges, la « victoire » des socialistes est plutôt maigre, et qu’on ne voit pas très bien ce qu’ils peuvent « emporter »…

Certainement pas la présidence du Parlement, en tout cas.

Mais on nourrit comme on peut la vieille croyance en un essoufflement de l’indépendantisme. Croyance particulièrement irrationnelle puisque depuis des décennies, quelles que soient les conditions et le niveau de participation, les indépendantistes obtiennent en Catalogne la majorité de façon démocratique.

Irrationalité qui ne rechigne pas, en outre, à s’appuyer sur quelques violations de l’État de Droit, dont se font complices, du fait de leur coupable complaisance, les institutions de l’Europe et les nations qui la composent.

Par-delà l’indépendantisme, la question catalane s’impose désormais dans une réflexion plus large, française mais surtout européenne, avec l’élection – et sa contestation par le pouvoir espagnol – en 2019 des députés européens Carles Puigdemont (ancien président de l’exécutif catalan), Toni Comín (ancien ministre de santé régional), Clara Ponsati (ancienne ministre de l’enseignement du gouvernement de Catalogne) et Oriol Junqueras.

Demande de levée d’immunité

L’affaire est préoccupante puisque la justice espagnole s’est assise sur l’arrêt de principe de la Cour de justice de l’Union européenne du 19 décembre 2019, lequel affirmait qu’Oriol Junqueras était bien député et disposait de l’immunité parlementaire dès la proclamation des résultats des élections européennes. Aujourd’hui, Oriol Junqueras n’est plus député européen, en dépit de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Que dire également à ces deux millions d’Européens qui ont voté pour ces quatre eurodéputés obligés de laisser leur siège vide pendant six mois ?

En janvier 2021, le Parlement européen entamera l’examen de la demande de levée d’immunité parlementaire formulée par l’État espagnol contre des trois députés européens avec pour fin d’obtenir leur extradition vers l’Espagne.

Si les parlementaires européens, en proie à des pressions politiques intenses sur le sujet, en venaient à lever l’immunité parlementaire de Puigdemont, Comín et Ponsati, après avoir déjà abandonné Oriol Junqueras au sort que la justice nationale espagnole lui réserve, qu’est-ce que cela signifierait ?

(…)

Le risque existe à ne pas vouloir examiner la situation catalane en fonction du droit mais sur d’autres critères bien plus politiciens.

(…)

L’Union européenne et ses chefs d’État ont jusqu’ici préféré regarder ailleurs, au prétexte que prendre position sur la Catalogne risquait de fissurer l’Espagne. Mais aujourd’hui, cette fissure existe, et continuer à détourner le regard risque fort d’entamer le capital démocratique et cette position de vigie impartiale de l’État de droit que détient l’Union européenne.

L’Union européenne voudra-t-elle se regarder dans le miroir de l’État de droit que lui tend la Catalogne ?

https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/27/l-union-europeenne-voudra-t-elle-se-regarder-dans-le-miroir-de-l-etat-de-droit-que-lui-tend-la-catalogne_6067738_3232.html

Peut-être serait-il grand temps, alors même qu’on stigmatise légitimement les atteintes à l’État de droit que subissent M. Navalny, les peuples Ouïghour, Tibétain etc., de considérer aussi ce qui se passe chez les donneurs de leçons que nous prétendons être.

D’autant que d’autres « fissures » peuvent se multiplier à court terme près de chez nous : comment allons-nous réagir lorsque les indépendantistes écossais et nord-irlandais manifesteront leur volonté démocratique de se séparer de l’Angleterre du Brexit ?

Faudra-t-il ouvrir de nouvelles prisons, ou bien faudra-t-il enfin accepter de regarder en face cette question des peuples minorisés, qui demeure l’un des points aveugles de l’État de droit en Europe ?

*

Et à propos de peuples minorisés, de prison, de respect de l’État de droit comme de la parole donnée, cette courageuse tribune de Jonathan Powell, infatigable artisan de la résolution non-violente des conflits, concernant le cas de Josu Urrutikoetxea, figure historique d’ETA et acteur majeur de la sortie de la violence au Pays basque.

La possibilité de circuler en toute sécurité pour les représentants des groupes armés est donc nécessaire dans pratiquement toutes les négociations de paix dans le monde. Et pourtant, Josu Urrutikoetxea, qui a joué un rôle clé dans les négociations de paix avec le gouvernement espagnol de 2005 à 2007 et a annoncé publiquement la dissolution d’ETA en 2018 à Genève, marquant la fin définitive de l’une des luttes armées les plus sanglantes d’Europe, risque aujourd’hui de finir en prison en France.

Il est atteint d’une maladie grave et a été libéré pour des raisons humanitaires, mais il est à nouveau convoqué devant le tribunal les 22 et 23 février prochains. Septuagénaire, en pleine crise sanitaire, il risque de finir ses jours en prison, à moins que la justice française n’en décide autrement.

Respecter les sauf-conduits

Au-delà des mérites de son cas individuel, envoyer en prison le représentant d’un groupe armé à qui on a garanti de circuler en toute sécurité pour mener des négociations de paix crée un terrible précédent pour tous les futurs pourparlers de paix. Si un gouvernement ne respecte pas un sauf-conduit, ne serait-ce qu’une seule fois, que vaudra cette garantie dans les futures négociations avec d’autres gouvernements ?

Si nous admettons que nous devons parler à nos ennemis, pourquoi nous parleraient-ils la prochaine fois si nous avons mis un précédent négociateur en prison pour avoir participé à ces négociations. Les dirigeants et leurs représentants dans toutes les autres négociations que j’ai énumérées n’ont pas été traqués après la fin des pourparlers, à moins bien sûr que le groupe n’ait repris les combats armés, ce qu’ETA n’a pas fait, en grande partie grâce à l’influence de Josu Urrutikoetxea.

Permettre d’autres accords de paix

Ceci est d’une importance capitale car toutes les négociations avec des groupes armés nécessitent que leurs représentants puissent se déplacer en ayant l’assurance qu’ils ne seront pas arrêtés, sinon ils n’assisteraient pas aux négociations. Et s’ils n’y assistent pas, et si nous ne pouvons pas négocier avec eux, nous ne pourrons pas mettre fin aux conflits.

Les représentants de ces groupes doivent pouvoir se déplacer en toute sécurité lorsqu’ils sont autorisés à le faire, sinon il n’y aura plus d’accords de paix pour les nombreux conflits sanglants qui font encore rage dans le monde.

(Voir aussi l’appel de 125 personnalités internationales en faveur de la libération de Josu Urrutikoetxea).

Sous peine de sombrer dans le déshonneur et de s’endormir dans une incohérence, fatale car génératrice de tensions et de violence, il est en effet grand temps de ranimer « le capital démocratique et cette position de vigie impartiale de l’État de droit que détient l’Union européenne ».

À bon entendeur…

*

Ajout du 23/02:

Pour les abonnés, ce lien à un post de Mediapart:

https://www.mediapart.fr/journal/france/200221/malgre-le-processus-de-paix-un-negociateur-de-l-eta-est-renvoye-devant-le-tribunal

Portugal et Catalogne. Versatilité de l’Histoire et permanence de la stupidité.

Fort heureusement, personne ne met en doute le fait que la langue portugaise soit bien autre chose qu’un patois, une grande langue de culture et les portugais un grand peuple qui ont fait du Portugal une grande Nation.

Tout cela nous semble aller de soi et relever de la plus stricte légitimité.

Mais on a tendance à oublier que, jusqu’à 1640, le statut de la langue portugaise en tant que langue nationale, pas plus que celui du Portugal en tant qu’entité nationale propre n’étaient aucunement assurés.

Depuis 1580, Espagne et Portugal sont en effet en régime d’union dynastique. Philippe II d’Espagne est devenu à cette date, au terme d’une crise de succession, Roi du Portugal, dont le gouvernement est confié à un vice-roi.

En dépit des avantages en particulier militaires offerts au Portugal par une telle union, celle-ci menace directement l’originalité politique et culturelle du peuple portugais.

« L’union ibérique n’avait fait qu’accentuer la castillanisation culturelle déjà sensible au XVIème siècle. La cour, après son transfert à Madrid, ne joua plus son rôle de mécénat et de phare artistique : quelle que fût sa splendeur, la petite cour des ducs de Bragance, à Vila Viçosa, ne pouvait être comparée à celles de D. Manuel ou de de D. João III. Artistes et écrivains portugais, qui s’exprimaient de plus en plus en castillan aux dépends de la langue nationale, la suivirent en Espagne, où ils contribuèrent à la magnificence du siècle d’or espagnol. Pour l’élite cultivée des deux pays, le portugais n’était plus qu’une langue grossière bonne pour le peuple ».

(J.F. Labourdette, Histoire du Portugal, Fayard, Paris 2000, p. 313).

On comprend dès lors que l’intérêt de l’Espagne, en plus de phagocyter la spécificité culturelle portugaise, ait été de réduire son existence politique.

C’est ce dont témoigne sans équivoque l’un des artisans les plus convaincus de l’unité espagnole, le valido (favori) du roi Philippe IV, le comte-duc d’Olivares dans une lettre à son souverain :

« Que votre majesté veuille bien considérer comme l’affaire la plus importante de votre monarchie celle de vous faire roi d’Espagne ; je veux dire, Sire, que votre majesté ne se contente pas d’être roi du Portugal, d’Aragon, de Valence, Comte de Barcelone, mais qu’elle travaille et pense (…) à réduire ces royaumes dont se compose l’Espagne à la manière et aux lois de Castille, sans aucune différence ».

(F. Soldevila et F. Valls i Taberner, Història de Catalunya, Editorial Selecta, Barcelone 1982, p. 401).

Cette idée de centralisation des comtés et royaumes de la péninsule sous la gouverne du roi d’Espagne est à l’origine de ce qu’on a nommé le « programme d’union d’Olivares ». Celui-ci passait entre autres choses par l’élaboration d’une défense commune à laquelle devaient contribuer les diverses entités de la péninsule. Or, comme le remarque encore J.F. Labourdette, « l’union des armes ne pourrait réussir que si elle s’accompagnait d’une union politique. Cette dernière imposait des limites au particularisme et un durcissement de la centralisation » (id. ibid. p. 306).

Or, un tel durcissement de la centralisation fut le point de départ d’une série de révoltes :

« Déjà sensibles avec l’apparition du sébastianisme et les événements d’Evora en 1637, les craquements de l’union dynastique s’aggravèrent brusquement avec la crise que traversa la monarchie espagnole en 1640. Un groupe de nobles [portugais] mena à bien un coup de force le 2 décembre et plaça sur le trône le duc de Bragance, représentant de la légitimité, sous le nom de Jean IV. Si apparemment la déchéance de Philippe IV et l’indépendance du Portugal furent réalisées avec une facilité aussi déconcertante que cela avait été le cas de l’avènement de Philippe II, les Portugais n’en durent pas moins mener une longue guerre d’indépendance aussi bien dans la péninsule ibérique que dans les domaines d’outre-mer. Elle ne prit vraiment fin qu’avec la paix avec l’Espagne en 1668 ».

(J.F. Labourdette, op. cit. p. 313-314).

C’est donc cette « longue guerre d’indépendance » qui permit au Portugal de ne pas rester, et devenir de plus en plus, une simple province de l’Espagne, et à sa langue de ne pas être considérée comme un « patois », comme le sont encore pour beaucoup de nationalistes espagnols et français la langue galega (dialecte portugais parlé en Espagne), le catalan, le corse, etc.

On le sait, même si on a du mal à l’admettre, l’histoire de la Catalogne et de sa langue fut, à cette époque, étroitement parallèle : la même révolte eut lieu contre les exigences centralisatrices d’Olivares. En 1640, les autorités catalanes exigent le départ des troupes espagnoles qui stationnent depuis des années en Catalogne, pesant lourdement sur le pays. Le refus d’Olivarès et l’emprisonnement des chefs du gouvernement catalan (la Generalitat) déclenchent partout des émeutes populaires. À Barcelone, le vice-roi, représentant du pouvoir espagnol, est tué. C’est le début de la « guerre des moissonneurs » (guerra dels segadors), dont les catalans tirent leur hymne national.

Elle durera dix ans, et verra la proclamation éphémère de la première République Catalane par Pau Claris.

Hélas, une suite d’alliances malheureuses fit qu’elle ne put avoir l’issue favorable qui vit le rétablissement de la nation portugaise. Les rivalités entre maison d’Autriche et Bourbons se soldèrent par la victoire de ces derniers, et le 11 septembre 1714, la chute de Barcelone après treize mois d’un siège féroce signa la fin (ou du moins le report) des velléités d’autonomie de la Catalogne et son assujettissement au pouvoir de Philippe V Bourbon, petit-fils de Louis XIV.

Depuis, quels que soient les gouvernements, de droite, du centre ou de gauche, ils paraissent s’évertuer à donner raison à Manuel Azaña, président de la République Espagnole : en 1937, il résumait ainsi dans ses Memorias politicas y de Guerra (ed. critique Barcelone 1978, II p. 184) le rapport du gouvernement central avec la Catalogne: « La nécessité de bombarder Barcelone tous les 50 ans est une loi de l’Histoire espagnole. Le système de Philippe V était injuste et dur, mais solide et confortable. Il a tenu deux siècles« .

Que le bombardement soit militaire, culturel ou juridique comme on le voit aujourd’hui ne change rien à l’affaire : le nationalisme castillan n’est pas prêt à lâcher le morceau.

Mais la lecture de tant et tant de commentaires nationalistes castillans et français à chaque nouvel épisode de la soi-disant « question catalane » (qui est essentiellement, encore une fois, avant tout une question castillano-castillane…) commentaires à propos desquels j’étais déjà intervenu

https://stultitiaelaus.com/2018/02/01/dune-mutation-frequente-qui-transforme-en-droit-la-raison-du-plus-fort-ainsi-que-dun-gene-de-limbecilite-qui-affecte-le-corse-le-catalan-et-autres-basques-ou-bretons-et-d/

https://stultitiaelaus.com/2017/10/06/dune-etrange-desinhibition-du-nationalisme-et-de-ses-consequences-pour-lavenir-de-leurope-et-du-monde/

me suggère ce petit exercice d’Histoire-fiction.

Imaginons – tant l’Histoire est versatile…- que le contraire se soit passé.

Que le Portugal ne soit pas parvenu à son émancipation, alors que la Catalogne ait pu, elle, y accéder.

Après tout, dans ce XVIIème siècle plein d’incertitudes, il s’en est fallu de peu. Et l’indépendance de la Catalogne n’était pas moins légitime que celle du Portugal.

Le déplacement des poncifs habituels des Pères La Vertu du nationalisme castillan et français – ceux-là même qui abreuvent les commentaires des journaux à la moindre occasion – serait remarquable :

Car l’existence de l’État-Nation catalan irait alors de soi, tout comme va actuellement de soi celle de l’État-Nation portugais. Il en irait de même de la dignité évidemment reconnue de la langue nationale catalane.

Et celui qui serait qualifié de rétrograde, de passéiste, d’égoïste, de briseur de la sacro-sainte Unité Nationale et de destructeur de l’Europe, ce serait cet infâme petit portugais, incompréhensiblement attaché à des traditions grossières et primitives qui ne devraient plus avoir cours dans notre monde moderne ; ce plouc déphasé cramponné à son patois lusophone dont quelques fossiles arriérés (un certain Fernando Pessoa, un certain Antonio Lobo Antunes, vous connaissez ?) essaient de façon grotesque de faire croire qu’il s’agit d’une langue.

« Vous vous rendez-compte, mon cher ! Quoi de commun avec l’ancienneté et le prestige de nos belles et grandes langues d’Europe comme le castillan avec son Cervantès ou son Lorca, le français avec son Rabelais ou son Molière, le catalan avec son Ramon Llull, son Verdaguer ou son Josep Pla ? Quelle prétention ridicule ! »

Comme quoi, si l’un des grands mystères de l’existence est bien celui de la versatilité de l’Histoire, un autre est incontestablement celui de la permanence de la stupidité, de l’éternelle bêtise au front de taureau.

Ajout 28/10:

Un commentaire suite à un article du Monde:

https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/28/l-economie-cible-des-independantistes-radicaux-en-catalogne_6017132_3234.html

« Que de bavardages stériles, de perte de temps et d’énergie, alors que la solution passe à l’évidence par la convocation d’un référendum pacifique et démocratique, dont l’idée est majoritaire en Catalogne. Tout comme celle de la réunification par référendum, autorisée par les accords du Vendredi Saint, devient majoritaire en Irlande du Nord, en attendant un référendum en Écosse concernant l’appartenance à l’Europe. Même la France, pourtant pétrie de jacobinisme, s’est résolue à cette solution pour ce qui est de la Kanaky. Combien de dégâts seront-ils encore imputables à un nationalisme castillan fossilisé avant que soit envisagée cette solution de sagesse et de modernité ?« 

À propos de l’affaire Lula. Et encore de l’actualité des troubadours.

J’ai déjà cité ce poème de Pèire Cardenal (1180-1278 ?), d’une actualité hélas permanente :

S’us paubres homs a emblat un lensol,
Laire es clamatz ez anara cap cli,
E s’us ricx homs a emblat mercuirol,
Ira cap dreg en la cort Costanti
E si-l paubres a emblat una veta,
Pendra lo tals q’a emblat un ronci.
Aquest dretz es plus dretz c’una sageta
Que-l [ricx] laire penda-l lairo mesqui.

Si un pauvre homme a dérobé un drap,
il sera appelé voleur et ira tête basse,
et si un homme riche a volé un trésor,
il ira tête droite en pleine cour de Constantin;
et si le pauvre a volé une bride,
tel le pendra qui a volé un cheval.
Ce droit est, dirait-on, plus droit qu’une flèche
qui veut que le riche larron pende le larron misérable !

(Las amairitz, qui encolpar las vòl,

http://www.cardenal.org/T56.htm    )

 

Il me vient une nouvelle fois en mémoire à propos d’un message reçu d’amis franco-brésiliens, concernant l’incarcération au Brésil de l’ex président Lula :

« Il y a la grève des cheminots, l’attentat à la voiture-bélier en Allemagne, la victoire de la France en Coupe Davis, etc. Bref, notre presse n’a guère accordé d’importance à ce qui s’est passé cette nuit à Sao Paulo, que j’ai suivi à la télévision les larmes aux yeux – larmes de rage et d’impuissance devant cette « justice » qui est une manifestation chimiquement pure de la haine de classe.

Il n’y a guère de chance qu’un organe de presse français (elle est libre, notre presse, n’est-ce pas ?) vous fasse connaître ce discours de Lula, que j’ai traduit en français (je ne garantis certes pas la perfection de cette traduction, mais je ne pense pas trahir les propos de ce « corrompu ») ».

 

Voici donc cette traduction partielle (le discours du 07/04 à São Bernardo do Campo, magnifique, mériterait d’être traduit en entier. Stultitia s’y attèlera peut-être si elle a le temps…).

https://www.brasildefato.com.br/2018/04/07/leia-a-integra-do-discurso-historico-de-lula-em-sao-bernardo/

 

Du discours de Lula avant de se rendre à la police :

J’ai rêvé qu’il était possible de gouverner en intégrant dans la nation des millions de pauvres, qu’un simple métallo sans diplôme pouvait faire accéder les Noirs à l’université. J’ai commis un crime : faire entrer les pauvres à l’université – ces pauvres qui mangeraient de la viande et qui pourraient prendre l’avion. C’est de ce crime que je suis accusé. J’ai rêvé, puisque tel est mon crime, de pouvoir poursuivre ma carrière de criminel. Je vais donc me présenter au commissariat la tête haute et l’Histoire démontrera que les véritables criminels, ce sont mes accusateurs. Je ne leur pardonne pas d’avoir diffusé dans la société et dans le monde l’idée que je suis un voleur. Je ne suis pas au-dessus des lois, car si je pensais l’être, je n’aurais pas créé un parti politique pour aller aux urnes, j’aurais préconisé la révolution.

Le juge a reconnu qu’il n’a aucune preuve, mais qu’il a des convictions. Qu’il garde donc ses convictions pour ses complices. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que plus ils m’attaquent, plus se renforce ma relation avec le peuple brésilien.

Ce putsch n’a pas pris fin avec la destitution de Dilma Roussef. Il ne sera achevé que lorsque ses promoteurs seront parvenus à interdire ma candidature. Leur rêve, c’est de voir Lula en prison. Ma photo comme prisonnier leur provoquera un orgasme à répétition. Vous allez tous voir Lula se diriger vers la prison. C’est n’est pas un être humain qui fait ce chemin vers la prison, mais une idée. Vous tous, vous vous appelez désormais Lula. Ils me suggèrent d’aller à l’ambassade de Bolivie ou d’Uruguay, mais cela n’est plus de mon âge. Je vais les affronter les yeux dans les yeux.  De cette épreuve, je sortirai plus fort, meilleur, plus authentique. Je ne saurai jamais comment vous rendre l’affection et le respect que vous me manifestez tous.

Les puissants peuvent toujours couper une, dix, cent roses, mais ils ne pourront jamais empêcher l’arrivée du printemps. Ils ne pourront pas dire que je suis caché, ou en fuite. Ils ne me font pas peur. Qu’ils fassent ce qu’ils veulent. Je prouverai mon innocence.

 

Je me permets d’ajouter ce commentaire, qui me semble bien poser les enjeux (assez proches d’ailleurs de ceux évoqués à propos de certaines arrestations récentes en Espagne ou Allemagne…).

https://diem25.org/lemprisonnement-de-lula-ce-qui-est-en-jeu-cest-la-legitimite-et-la-stabilite-dune-region/

 

… Et de convoquer une fois encore mes chers troubadours, plus contemporains que jamais :

Del tot vey remaner valor,
Qu’om no-s n’entremet sai ni lai,
Ni non penson de nulh ben sai,
Ni an lur cor mas en laor.

http://www.trobar.org/troubadours/guilhem_de_montanhagol/poem1.php

En tout, Valeur est en détresse
Nul ici-bas ne s’en soucie
Le cœur ne bat qu’à la richesse
La vraie bonté n’est plus d’ici

(Guilhem de Montanhagol (1200 ?-1260 ?), Contre les dominicains Inquisiteurs, La traduction est celle d’Henri Gougaud, Poèmes politiques des Troubadours, Bélibaste, Paris 1969, modifiée d’après la version chantée du disque « Henri Gougaud chante les troubadours » – épuisé -*).

 

« À propos », me susurre Stultitia, « on attend toujours les suites du procès Inaki Urdangarin. Peut-être sera-t-il condamné à 30 ans de prison, ainsi que la princesse Cristina, malgré les attentions de belle-maman et beau-papa ? Mais il est vrai que ce genre de peine qui épargne les corrompus notoires est plutôt réservé en Espagne aux militants politiques non-violents…».

http://www.parismatch.com/Royal-Blog/famille-royale-espagnole/Affaire-Noos-le-beau-frere-du-roi-Felipe-VI-demande-la-relaxe-en-appel-1483892

http://www.noblesseetroyautes.com/juan-carlos-sophie-despagne-aux-50-ans-dinaki-urdangarin/

* ajout du 24/04:

Je m’aperçois que ce très beau disque, « Henri Gougaud chante les troubadours » – même s’il s’agit hélas de traductions en français – est disponible sur You Tube:

À écouter sans modération…

 

 

« Ainsi le loup qui veut apprendre à lire »: De la nécessité d’un dépaysement judiciaire quand il s’agit du droit des peuples minorisés.

Ainsi le loup qui veut apprendre à lire.

Jamais aucun ne put lui faire dire

Ni A, ni B, ni D, ni O,

Mais seulement agneau, agneau, agneau…

(Peire Vidal, Troubadour occitan, vers 1180. Traduction H. Gougaud).

 

La décision sensée du tribunal régional supérieur du Schleswig-Holstein

http://www.lemonde.fr/europe/article/2018/04/05/la-justice-allemande-remet-puigdemont-en-liberte-sous-controle-judiciaire_5281270_3214.html

montre une fois de plus, à l’évidence, que lorsqu’il est question de droit des peuples minorisés, il n’y a pas grand-chose à attendre d’une juridiction, madrilène en l’occurrence, qui est à la fois juge et partie.

Comment concevoir en effet que la question tibétaine puisse être résolue par une Cour chinoise, ou la question kurde par un Tribunal turc ?

Ainsi, aucune chance que la question catalane soit résolue par une juridiction madrilène :

Le légalisme constitutionnaliste castillan a montré jusqu’au ridicule combien le juridisme « terrible, horriblemente cuerdo » (terriblement, horriblement raisonnable – au sens ici de conventionnel et sans imagination, cf. poème de León Felipe, post précédent) est incapable de sortir de la défense de l’intérêt à court terme et de l’habitus nationaliste.

Il faudrait qu’il y ait en Espagne quelque « loco », quelque « fou » capable de s’extraire des ornières du « Wiederholungzwang », de la pulsion morbide de répétition.

Mais selon toute apparence, le constat de Felipe reste valable:

“ya no hay locos, en España ya no hay locos”.

Depuis la disparition du « Manchego » magnifique (Don Quichotte), de tels fous, en Espagne, il n’y en a plus…

Aussi assiste-t-on aux conséquences de cette disparition :

« ahora (…) la justicia vale menos que el orín de los perros” (aujourd’hui, la justice n’a pas plus de valeur que la pisse des chiens).

Et il est quelque peu désespérant de constater que Felipe, disparu depuis cinquante ans, continue d’être d’actualité, tout comme Peire Vidal qui, lui, nous parle depuis le XIIème siècle :

Car jamais aucun ne put faire dire à un juge madrilène autre chose qu’union, union, union…

Le fait qu’il faille aller en Allemagne pour obtenir un jugement un peu plus équitable dans de telles affaires montre qu’il serait urgent, dans des cas de cet ordre, de recourir à un « dépaysement »,

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=B810235C3B2E54B5A7961CB0839B4A04.tpdjo12v_1?idSectionTA=LEGISCTA000006138108&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20080505

procédure qui a cours lorsque les conditions d’objectivité et d’impartialité ne sont pas garanties, du fait des risques que l’une des parties confonde ses intérêts (ou son habitus, donc) avec le droit.

http://desideriusminimus.blog.lemonde.fr/2018/02/01/dune-mutation-frequente-qui-transforme-en-droit-la-raison-du-plus-fort-ainsi-que-dun-gene-de-limbecilite-qui-affecte-le-corse-le-catalan-et-autres-basques-ou-bretons-et-d/

Il serait bien difficile de prétendre que ce n’est pas le cas dans l’affaire qui nous occupe !

Or, s’il existe bien un « Tribunal permanent des peuples », il faut bien reconnaître que celui-ci souffre d’une confidentialité qui handicape les services que pourrait rendre un tel organisme.

Il serait donc souhaitable – et urgent – qu’une instance juridique internationale de ce genre, où pourraient être considérés et respectés sans discrimination les arguments des différentes parties et leur légitimé démocratique puisse se renforcer et voir affermie son autorité auprès de l’ONU.

Utopie ?

Sans doute.

Car il y a fort à parier que la Chine, la Turquie, pas plus que la France ou l’Espagne ne s’empresseront d’adhérer à un tel organisme.

Et l’Europe elle-même, terrifiée par le moindre risque inhérent à toute revendication de justice capable de bousculer son petit confort sagement conservateur, a toutes les chances de se montrer « terrible, horriblemente cuerda ».

Mais il s’agit pourtant là d’une des voies indispensables à la résolution non violente des conflits, que l’Europe s’honorerait de promouvoir.

La fonction de l’utopie étant de nous faire concevoir d’autres espaces possibles, même quand la « Realpolitik » a toutes les chances de l’emporter.

« Ne sois pas si pessimiste. On peut toujours espérer », me dit Stultitia,« c’est le printemps ! Souviens-toi du vers de Peire Vidal :

Mos cors s’alegr e s’esjau

Per lo gentil temps suau »

(Mon cœur sonne clair et beau:

Le temps est au renouveau).

(Traduction H. Gougaud, Poèmes politiques des Troubadours, Bélibaste, Paris 1969, p. 36-37).

C’est vrai que le XIIème siècle peut parfois être si proche…

Appeler un chat un chat. À propos de décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et d’Amnesty International concernant la violation de la liberté d’expression en Espagne et quelques carences de la justice de ce pays.

Et qui donc nous offre des traductions inédites d’informations en espagnol non reprises par les journaux français (on se demande bien pourquoi…) ?

C’est notre chère Stultitia !

Au vu de de ces informations qui manifestent incontestablement un certain retour à de bonnes vieilles pratiques que des organismes internationaux sont fort heureusement encore capables de dénoncer comme elles le méritent, nous attendons la suite du feuilleton juridico-ubuesque que le gouvernement de sa Majesté estime nécessaire d’infliger aux spectateurs de l’Europe et du monde.

http://www.lemonde.fr/europe/article/2018/03/26/catalogne-l-ex-president-carles-puigdemont-arrete-en-allemagne-manifestation-a-barcelone_5276308_3214.html

 

Amnesty international a publié ce mardi (13 mars) à Madrid une dépêche par laquelle elle attaque une loi antiterroriste espagnole qui, faite pour punir le délit d’apologie du terrorisme, se voit utilisée pour « réprimer des expressions de caractère politique » sur les réseaux sociaux.

Ces derniers mois, on a assisté à une série de condamnations contre des musiciens ou des utilisateurs de Twitter pour des messages considérés comme apologie du terrorisme.

Le rappeur Pablo Hasel fait partie des victimes : il a été condamné le 2 mars à deux ans de prison pour divers tweets et une chanson (…).

Amnesty considère dans sa dépêche « Twitte … si tu l’oses » que l’article 578 du code pénal espagnol qui punit le délit d’apologie du terrorisme et les actes qui « incitent au discrédit, au mépris ou à l’humiliation des victimes » est actuellement utilisé en vue de « la répression d’expressions de caractère politique, surtout sur les réseaux sociaux ».

Esteban Beltran, président d’Amnesty International en Espagne, a souligné qu’en 2011, année où ETA a renoncé à la lutte armée, il y eut une seule condamnation pour apologie du terrorisme. Il y en a eu en revanche 31 en 2017.

« Ces personnes sont détenues seulement pour avoir publié des opinions gênantes, critiques, parfois insultantes, parfois agressives. Mais aucune d’entre elle n’est coupable d’incitation directe à quelque type d’action terroriste que ce soit » a déclaré devant la presse le président, qui a demandé l’abrogation de cet article.

(France 24 édition espagnole, 13 mars 2018)

http://www.france24.com/es/20180313-ai-arremete-contra-la-ley-antiterrorista-espanola-por-reprimir-la-libertad-de-expresion

 

Et, sous le titre :

Des organismes internationaux alertent au sujet de menaces contre la liberté d’expression en Espagne.

 

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) estime de son côté que brûler des photos du roi relève de la liberté d’expression.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a condamné ce mois l’Espagne pour avoir infligé une peine de prison contre deux manifestants qui ont brûlé en 2007 des photos du roi Juan Carlos et de son épouse. La Cour considère qu’il s’agit d’une atteinte à la liberté d’expression.

Le tribunal dont le siège se trouve à Strasbourg estime que l’acte en question s’inscrit dans le contexte de la « critique politique, et non de l’attaque contre les personnes, critique de l’institution monarchique en général, et en particulier dans le cadre de la nation espagnole ».

Il estime de plus « qu’il s’agit d’une mise en scène provocatrice, du genre de celles qui se développent en vue d’attirer l’attention des médias et qu’elle ne dépasse pas l’emploi d’une certaine dose de provocation autorisée dans le but de faire passer un message critique du point de vue de la liberté d’expression ».

La justice espagnole avait condamné en 2007 Jaume Roura et Enric Stern, deux jeunes indépendantistes catalans à 15 mois de prison pour injure à la Couronne. La peine fut remplacée par une amende de 2700 euros à chacun.

Les deux accusés avaient brûlé des photos de Juan Carlos d’Espagne et de son épouse, la reine Sofia, pour protester contre leur visite à Gérone (Catalogne du nord-est) le 22 septembre 2007.

Les deux catalans, après avoir payé l’amende, présentèrent un recours devant la CEDH en octobre 2015. Les requérants estimaient que leur condamnation « constituait une violation injustifiée de leur droit à la liberté d’expression ».

Par sa décision, le Cour a reconnu « de façon unanime qu’il y a eu violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits humains » concernant la liberté d’expression.

La CEDH a donc condamné l’Espagne à « payer à chacun des requérants 2700 euros pour préjudice matériel et 9000 euros au titre des frais ».

(La Nacion, 13 mars 2018).

http://lanacion.cl/2018/03/13/organismos-internacionales-alertan-sobre-ataques-a-la-libertad-de-expresion-en-espana/

Et à titre de commentaire, ce poème de León Felipe, chanté par Paco Ibañez :

Ajout du 02/04:

En retard, pour cause de déconnexion passagère, cette Tribune avec laquelle je suis bien entendu d’accord:

http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2018/03/28/nous-citoyens-d-europe-demandons-la-liberte-immediate-des-citoyens-catalans-incarceres-pour-leurs-convictions-politiques_5277419_3232.html

 

De la résurrection de M. Valls en ambassadeur du nationalisme français et castillan en Kanaky, Catalogne et Corse ; et de quelques fantasmes transhumanistes dont la disparition paraît plus justifiée que celle des oiseaux. Quelques brèves.

 

Cette info:

http://www.lemonde.fr/europe/article/2018/03/23/cinq-independantistes-catalans-places-en-detention-provisoire_5275703_3214.html

qui ne fait hélas que confirmer la mainmise sur le droit de la raison du plus fort.

http://desideriusminimus.blog.lemonde.fr/2018/02/01/dune-mutation-frequente-qui-transforme-en-droit-la-raison-du-plus-fort-ainsi-que-dun-gene-de-limbecilite-qui-affecte-le-corse-le-catalan-et-autres-basques-ou-bretons-et-d/

et l’imbécillité désormais dangereuse de la stratégie madrilène vis-à-vis de la Catalogne.

[Ajout du 25/03: pour ce qui est d’une aberrante et dangereuse contagion de cette imbécillité, cette info de ce jour:

http://abonnes.lemonde.fr/europe/article/2018/03/25/l-ex-president-catalan-carles-puigdemont-arrete-en-allemagne_5276114_3214.html

ainsi que ma « réaction »: « Où donc s’arrêtera le ridicule? Souhaitons que ce nouvel épisode de la farce initiée par Madrid suscite enfin en Europe une indignation salutaire ». ]

J’ai déjà longuement parlé des risques d’une telle escalade politique, et de la façon dont elle entache l’honneur du gouvernement qui la commet ainsi que celui de l’Europe qui la tolère.

http://desideriusminimus.blog.lemonde.fr/2017/09/21/catalogne-sauver-lhonneur-de-lespagne-et-de-leurope/

Mais je n’avais pas encore évoqué les agissements du VRP Valls, qui court le monde en vue de vendre la marque « nationalisme », estampillé « made in France » aux unionistes espagnols en Catalogne,

https://www.lci.fr/international/a-deux-jours-des-elections-en-catalogne-manuel-valls-reaffirme-que-l-independance-de-la-region-n-est-pas-possible-2073845.html

http://www.leparisien.fr/politique/la-campagne-catalane-de-manuel-valls-en-espagne-12-12-2017-7448013.php

aux citoyens de Kanaky, histoire de les chauffer un peu avant un vote crucial,

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvelle-caledonie-independantistes-colere-apres-prises-position-mission-valls-562097.html

ainsi qu’aux citoyens corses, qui à la différence des Kanaks, colonisés mais qui se doivent toutefois de « rester avec la France », n’ont pas été colonisés, eux, mais se doivent d’autant plus de rester avec la France (Vous n’y comprenez pas grand-chose ? Ce n’est pas grave, moi non plus. Il suffit seulement de retenir que, quel que soit le cas, colonisation ou pas, il faut « rester avec la France »).

« La Corse n’est pas un territoire ultramarin, ni colonisé. La Corse n’est pas la Nouvelle-Calédonie ! La Corse est une île méditerranéenne profondément française, qui doit être fière de son drapeau tricolore. »

https://www.lopinion.fr/edition/politique/manuel-valls-en-corse-il-faut-savoir-dire-non-sinon-cela-ne-s-arretera-142806

J’avais déjà signalé quelques carences dans la culture théologique de M. Valls lorsqu’il se mêlait, à la façon des ecclésiastiques et des ayatollahs évoqués plus haut, de régenter la façon qu’ont les femmes de se vêtir (car il s’agissait alors de voile et de burkini, pas de barbe et de djellaba, les ecclésiastiques et les ayatollahs sanctionnant de préférence les femmes, et M. Valls portant désormais la barbe).

http://desideriusminimus.blog.lemonde.fr/2016/08/17/du-ridicule-bis-et-de-la-bouffonnerie-en-politique-et-sur-ceux-qui-perdent-de-bonnes-occasions-de-se-taire-ou-encore-quil-devient-de-plus-en-plus-urgent-de-renouveler-le-paysage/

Mais je me sens aujourd’hui obligé de mettre aussi en doute sa culture historique.

Aurait-il donc oublié que la Corse a été achetée à la République de Gênes en 1768 à la suite du traité de Versailles sans aucune consultation de ses habitants, vendus comme des esclaves, qu’elle était si « profondément française » qu’il a fallu ensuite la conquérir par de féroces batailles (Borgo, Ponte Novu, etc.) ?

Et que la liberté du peuple corse a fait l’admiration de bien des grands témoins, comme Rousseau, Boswell, Voltaire (excusez du peu…) devant lesquels M. Valls aurait bien des raisons de se sentir petit garçon ?

« Il restait à savoir si les hommes ont le droit de vendre d’autres hommes ; mais c’est une question qu’on n’examinera jamais dans aucun traité. (…)

L’arme principale des Corses était leur courage. Ce courage fut si grand que dans un de ces combats [contre le colonisateur français], vers une rivière nommée Golo, ils se firent un rempart de leurs morts pour avoir le temps de recharger derrière eux avant de faire une retraite nécessaire ; leurs blessés se mêlèrent parmi les morts pour affermir le rempart. On trouve partout de la valeur, mais on ne voit de telles actions que chez les peuples libres. Malgré tant de valeur ils furent vaincus. » (Voltaire, Précis du Siècle de Louis XV, chapitre XL, De la Corse, ajouté en 1769, Œuvres complètes, Garnier tome 15, p. 415).

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Stultitia attire mon attention sur des déclarations de Jeff Bezos (fondateur d’Amazon et actuel homme le plus riche du monde) et Elon Musk (fondateur de Tesla et autre grande fortune), rapportées par Laurent Alexandre dans un article de l’Express (n° 3478 du 28/02 au 06/03 2018 p. 10) :

« Nous pourrons exploiter des mines dans les astéroïdes et l’énergie solaire sur d’immenses surfaces. L’alternative serait la stagnation de la Terre, le contrôle des naissances et la limitation de notre consommation d’énergie. Je ne crois pas que la stagnation soit compatible avec la liberté, et je suis sûr que ce serait un monde ennuyeux. Je veux que mes petits enfants vivent dans un monde de pionniers, d’exploration et d’expansion dans le cosmos. Avec 1000 milliards de Terriens, nous aurons des milliers d’Einstein et de Mozart. Nous avons besoin de fusées réutilisables, et c’est à quoi Blue Origin est destinée [Blue Origin, société fondée par Jeff Bezos, est censée développer le fret entre la Terre et la Lune dès 2020].

Quant à Elon Musk, plus modeste, il ne compte envoyer qu’un million de colons sur Mars…

J’avoue que nombre de déclarations d’un certain transhumanisme me laissent plutôt perplexe.

Mais n’étant en rien spécialiste des astéroïdes ni des exoplanètes, encore moins des fusées, et m’interrogeant toutefois sur la disponibilité de la source d’énergie capable d’envoyer – dans l’hypothèse la plus modeste – les quelques dizaines de milliers de lanceurs (même « réutilisables ») nécessaires  au peuplement de Mars par un million d’humains, je préfère me ranger sur ce sujet à l’opinion d’Hubert Reeves.

Contestant les affirmations du regretté Stephen Hawking concernant le recours possible aux exoplanètes comme « terres de secours » dans l’avenir, il déclarait :

« Aux vitesses que l’on connaît aujourd’hui, c’est-à-dire autour de 50.000 kilomètres par heure, cela prendrait quand même quelques dizaines de milliers d’années. Par rapport à la vie humaine, cela ne paraît pas très compatible. Il n’y a pas de plan B. Nous sommes condamnés à apprendre à vivre avec notre planète ».

https://www.lci.fr/sciences/video-hubert-reeves-il-n-y-a-pas-de-plan-b-nous-sommes-condamnes-a-apprendre-a-vivre-avec-notre-planete-exoplanetes-nuit-des-etoiles-2059860.html

Alors peut-être pourrait-on commencer par s’occuper sérieusement, par exemple, de la question du réchauffement climatique,

http://huet.blog.lemonde.fr/2018/03/14/climat-le-seul-charbon-tue-laccord-de-paris/

sans se laisser prendre aux discours des bonimenteurs, ou à la question de la gestion de l’eau potable,

http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doseau/decouv/mondial/04_risque.htm

à celle de la disparition de la biodiversité,

http://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2018/03/20/on-assiste-a-un-effondrement-de-la-biodiversite-sauvage_5273511_1652692.html

http://www.lemonde.fr/planete/article/2018/03/23/sur-tous-les-continents-la-nature-et-le-bien-etre-humain-sont-en-danger_5275433_3244.html

ou simplement à celle de la disparition de nos humbles amis les oiseaux :

Les oiseaux disparaissent des campagnes françaises à une « vitesse vertigineuse »

Pour ma part, je ne sais pas si, compte tenu de ce qui a été dit plus haut, nos « petits enfants [vivront] dans un monde de pionniers, d’exploration et d’expansion dans le cosmos ».

Et j’avoue que je trouverais plutôt dommage qu’ils se fassent les complices de l’exportation dans ce cosmos de toutes les désolantes nuisances que nous avons réussi à produire sur notre pauvre Terre.

S’ils trouvent notre planète ennuyeuse, je leur conseillerai alors de relire le Petit Prince, qui s’y connaissait particulièrement en astéroïdes :

Dans notre monde gangréné par la vitesse, on se souvient de sa réflexion face au marchand de pilules à apaiser la soif, « qui font gagner cinquante-trois minutes par semaine » :

« Moi (…), si j’avais cinquante-trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine… »

Plutôt que de dévaster par une activité minière effrénée des astéroïdes qui n’abriteront plus la moindre rose ni la moindre poésie, il serait grand temps d’enseigner à nos petits enfants à observer et à protéger les oiseaux.

Car non contents de les avoir privés de la plupart des papillons, et de tant d’autres espèces, nous sommes en train de leur voler ces merveilles.

Et peut-on imaginer plus ennuyeux et plus triste qu’un monde sans oiseaux et ses « Printemps silencieux » contre lesquels Rachel Carson nous mettait en garde il y a près de soixante ans ?

En ce qui me concerne, je peux passer des heures à les admirer, sans me lasser. Et j’avoue que cela me nourrit autrement que les fantasmes transhumanistes de M. Bezos.

 

Stultitia rappelle aussi à cette belle intelligence tellement logique qu’il faudrait tout de même garder les pieds sur terre : car les « milliers d’Einstein et de Mozart » que rendraient possibles d’après lui « les 1000 milliards de Terriens » dont il rêve, ne pèseraient sans doute pas lourd devant les milliers d’Hitler et de Pol Pot que génèrerait nécessairement aussi une telle croissance démographique.

Je sais bien que certains, de façon en partie légitime, attirent l’attention sur « La part d’ange en nous », et une certaine régression statistique de la violence (cf. le titre de  l’ouvrage de Steven Pinker, ed. Les Arènes, Paris 2017, ou encore, du même auteur, Enlightenment now, Penguin Books 2018, non encore traduit).

[ajout du 25/03: à propos des mutations plutôt que de la régression de la violence, ce commentaire pertinent du livre de François Cusset, Le Déchaînement du monde. Logique nouvelle de la violence, par Roger Paul Droit:

http://abonnes.lemonde.fr/livres/article/2018/03/22/figures-libres-la-violence-ne-decline-pas-elle-mute_5274642_3260.html  ]

Ils oublient tout simplement que l’évolution de notre monde est telle qu’elle met désormais des millions, voire des milliards « d’anges » à la merci de quelques démons.

Car la puissance de la bonne volonté et la puissance du mal ne sont absolument pas symétriques. Et nous le savons, cette asymétrie fait qu’une toute petite quantité d’individus mal intentionnés peut désormais détruire des populations entières, voire mettre en danger la survie de notre espèce.

Qu’en sera-t-il alors lorsque, selon les belles prévisions natalistes de M. Bezos, leur nombre sera multiplié par mille ?

Il faut cependant reconnaître un mérite aux spéculations de ces messieurs : l’alternative qu’ils présentent est, elle, bien réelle.

Déjà, les spéculations de Stephen Hawking sur le peuplement des exoplanètes, pour irréalistes qu’elles soient, naissaient du constat que la situation de notre terre est tellement détériorée qu’elle ne pourra plus longtemps assurer la survie de notre humanité.

Jeff Bezos opère le même constat : « L’alternative [à notre expansion cosmique, donc] serait la stagnation de la Terre, le contrôle des naissances et la limitation de notre consommation d’énergie ».

Et nous en sommes bien là, en effet : faute de disposer de Terres de rechange, la solution ne semble pouvoir être que dans le choix délibéré de la sobriété et la limitation de la croissance (termes tout de même plus dynamiques que celui de « stagnation »), dans le contrôle de notre démographie et de notre consommation d’énergie.

Prétendre avoir le beurre et l’argent du beurre, une croissance infinie, une démographie sans contrôle, une énergie sans limite, nécessite effectivement de disposer de planètes de rechange.

Au moins sur ce point, on ne peut démentir la réflexion de MM Bezos et Musk.

http://desideriusminimus.blog.lemonde.fr/2016/01/07/apprendre-le-chemin-de-lenfer-pour-leviter-ou-revenir-enfin-au-politique-reflexion-sur-leffondrement-avec-philippe-bihouix-pablo-servigne-et-raphael-stevens/

Mais peut-être n’est-il question en tout cela, de façon bien plus triviale, que d’effets de pub pour Blue Origin ou autres entreprises similaires, et de gonflement fort lucratif d’une nouvelle bulle financière aux dividendes potentiellement …astronomiques.

D’une mutation fréquente qui transforme en droit la raison du plus fort. Ainsi que d’un gène de l’imbécillité qui affecte le corse, le catalan et autres basques ou bretons. Et de la façon merveilleuse dont le français y échappe. Méditations darwiniennes.

La persévérance des politicien.ne.s français.es à refuser aux corses le qualificatif de « peuple » et toute reconnaissance officielle de leur langue, constitue un nouvel exemple de ce Wiederholungzwang – pulsion névrotique de répétition – que j’ai évoqué bien des fois ces derniers temps.

http://desideriusminimus.blog.lemonde.fr/2017/09/21/catalogne-sauver-lhonneur-de-lespagne-et-de-leurope/

On peut certes reconnaître, de façon plutôt accommodante et diplomatique, avec G. Simeoni, « un climat d’ouverture, constructif », et que « le corse est enseigné, reconnu comme langue régionale » (J. Gourault)- c’est bien la moindre des choses, même si cela ne doit pas dissimuler bien des difficultés – sur le fond, les lignes semblent loin de bouger de façon significative.

Interrogée sur la reconnaissance de la langue corse, la ministre a réaffirmé l’opposition de l’exécutif à la co-officialité avec le français, revendiquée par les élus nationalistes. « Il n’y a qu’un peuple, c’est le peuple français et il n’y a qu’une langue ».

http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2018/01/11/97001-20180111FILWWW00174-gourault-ouverte-a-une-reference-a-la-corse-dans-la-constitution.php

Soit.

Mais si l’on se fie simplement à M. Larousse, qui définit ainsi un peuple :

« Ensemble de personnes vivant en société sur un même territoire et unies par des liens culturels, des institutions politiques » (…) ou encore : « Communauté de gens unis par leur origine, leur mode de vie, leur langue ou leur culture »,

on ne saisit pas très bien quelles pourraient être les raisons qui devraient refuser aux corses – ou aux catalans -ce qualificatif évident qu’on accorde sans problème aux français ou aux espagnols.

Ayant en commun une langue dont l’existence n’est pas moins légitime que celle de toute langue romane néolatine (qui, sous cet angle, peuvent toutes être considérées comme étant des « patois » du latin…), une culture qui depuis des siècles s’exprime dans cette langue, des institutions, des traditions originales, on ne voit pas ce qui autoriserait à leur refuser le fait de constituer un peuple. Au même titre que le peuple italien, grec, basque, kurde, kanak, tibétain ou d’autres encore.

On le sait, dans le cas des derniers cités, les vicissitudes historiques font que tout en répondant à la définition de « peuples », ils ne disposent pas pour autant d’États.

Que le désir de promouvoir leurs cultures soit rendu plus manifeste par d’autres évolutions historiques constitue une aspiration en soi légitime, dans le cadre d’un monde plus conscient que la richesse de l’humanité réside dans sa diversité.

Y compris lorsqu’elle s’estime en droit de se donner une représentation politique appropriée, comme nous l’ont démontré de nombreux peuples.

À l’évidence, de telles réticences de la part de l’État français s’expliquent  (tout comme en Espagne ou ailleurs) par le fait qu’admettre la notion de « peuple » pour désigner corses, catalans ou basques impliquerait l’épée de Damoclès du redoutable « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », que reconnaît de façon bien gênante la charte des Nations Unies de 1945 (article 1, alinéa 2).

Alors, puisque la notion de « peuple » présente le risque d’un droit à disposer de soi propre à épouvanter tout État-nation qui se respecte, mieux vaut l’utiliser avec parcimonie, ou plutôt l’éviter chaque fois qu’un rapport de force avantageux le permet. Mieux encore, le réserver à son usage personnel.

Pour contourner le dangereux « droit des peuples », ignorons donc les peuples quand on peut le faire ! Les peuples autres que le nôtre, cela va de soi.

De même, pour éviter les si dangereux « droits humains », on peut tout bêtement ignorer les humains. Autres que nous, bien sûr.

Comme on le sait, il s’agit là d’une pratique bien établie.

Mais s’il est de bon ton entre gens civilisés de blâmer vertueusement les habitués de cette deuxième attitude, on promeut allègrement la première, qui relève pourtant de la même logique.

Car en plus du Wiederholungzwang, il faut bien constater qu’on se trouve en pleine schizophrénie.

Mais il en faut plus pour troubler notre malade, du moment que son intérêt s’y retrouve, ainsi que la préservation de son pouvoir.

« PÈRE UBU: Ah ! saleté ! le mauvais droit ne vaut-il pas le bon? Ah ! tu m’injuries, Mère Ubu, je vais te mettre en morceaux » (Ubu Roi).

« Alfred Jarry ne resterait-il pas le meilleur analyste du monde politique, et Ubu l’expression indépassable de nombre de ses réussites ? » s’interroge Stultitia.

En fait, disons le franchement, sans plus tergiverser : il n’y a qu’un seul « droit des peuples », le droit des peuples les plus forts.

« Il n’y a qu’un peuple, c’est le peuple français  et il n’y a qu’une langue [la langue française] », est en fait une autre façon de dire, comme le génial La Fontaine le montrait, que « La raison du plus fort est toujours la meilleure ».

La notion de « peuple », qui avait originairement pour but, dans l’expression « droit des peuples », de défendre le faible face au fort (et qui a effectivement joué ce rôle lors des décolonisations) est désormais devenue la propriété exclusive du fort, qui en dénie tout usage au plus faible.

Ainsi, la merveilleuse et fragile invention humaine du droit se trouve, comme trop souvent, phagocytée par son éternelle adversaire, la force, qu’elle a pourtant pour but de maîtriser. Étrange mutation !

Et bien rares sont ceux qui ne se laissent pas prendre à cette ingénieuse mystification !

Que l’on soit français, espagnol, turc ou chinois, le peuple le plus fort sera toujours meilleur et plus peuple que le corse, le catalan, le kurde ou le tibétain.

De même, la langue la plus forte est toujours la meilleure. Face au français, le corse n’a donc, officiellement du moins, pas de langue.

Et voilà pourquoi votre fille est muette !

 

C’est une telle conception qui caractérise entre autre l’inébranlable opiniâtreté des politiques français, toutes tendances confondues, à refuser des déclarations aussi anodines que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires,

http://desideriusminimus.blog.lemonde.fr/2015/08/15/rien-de-nouveau-sous-frere-soleil-a-propos-des-langues-regionales-et-de-la-demographie-pontificale/

tout comme la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail relative aux peuples indigènes et tribaux de l’Organisation internationale du travail, « seul instrument juridique international contraignant (…) qui reconnaît notamment leurs droits collectifs à la terre et leur droit à l’autodétermination » (Wikipedia).

Et il me semble pour le moins préoccupant que Jacqueline Gourault, la « Mme Corse » du gouvernement, en dépit de quelques gestes « d’ouverture » plutôt limités, commence sa mission en manifestant bien des symptômes de ce genre de pathologie.

Il a fallu bien du temps – et des morts – avant que l’intelligence de MM Rocard et Pisani nous libère de la névrose de répétition et reconnaisse l’existence du peuple kanak et de sa langue.

L’expérience ne devrait-elle pas permettre d’éviter de telles pertes de temps et de tels risques de violence ?

Commencer par reconnaître officiellement l’existence évidente d’un peuple et d’une langue devrait être une étape préliminaire sur un chemin de pacification.

Mais, on le sait hélas, le Wiederholungzwang caractérise mieux le Père Ubu que le fait de tirer des leçons de ses erreurs…

 

En fait, une telle réduction de l’usage des termes « peuple » et « langue » aux besoins des plus forts n’est jamais qu’une façon de donner une justification en apparence politique et juridique à un vieil habitus raciste et nationaliste toujours bien vivant, qu’on voit se manifester de façon plus sauvage et moins édulcorée dans bien des réactions et commentaires.

http://desideriusminimus.blog.lemonde.fr/2017/10/06/dune-etrange-desinhibition-du-nationalisme-et-de-ses-consequences-pour-lavenir-de-leurope-et-du-monde/

Et ses formulations les plus récentes ne sont jamais que l’expression d’une longue « tradition » qui concilie affirmations « savantes » et populaires en ce qui concerne les peuples minorisés.

Car « la race des chauvins, des porteurs de cocardes, les imbéciles heureux qui sont nés quelque part » (G. Brassens) – en France bien entendu !- méprise tranquillement du haut de sa morgue hautaine les divers ploucs qui ne semblent pas posséder le précieux gène de la francitude.

Et ce sont bien eux qui se voient humiliés et taxés d’imbécillité congénitale.

 

Illustrons cela par un rapide tour d’horizon politico-littéraire.

[Quand elles ne sont pas précisées, les citations viennent du petit livre de J.P. Pujol : Sottisier à propos des minorités ethniques, Lacour, Nîmes 2004]

Dans une intervention au parlement (Journal Officiel du 28 juillet 1885), Jules Ferry déclare : « Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures (…) Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures » (op.cit. p. 36).

Il est bien entendu inutile de préciser dans quelle catégorie se classe le français et sa langue :

Car « le peuple français semble avoir devancé de deux mille ans le reste de l’espèce humaine ; on serait tenté de le regarder au milieu d’elle comme une espèce différente ». Maximilien de Robespierre au nom du Comité de Salut Public, 18 floréal (7 mai) an II (1794) (op.cit. p.21).

Ce privilège génétique dont la nature a généreusement gratifié le peuple français se manifeste en premier lieu dans sa langue et sa culture:

« Le français, par un privilège unique, est seul resté fidèle à l’ordre direct (…) la syntaxe française est incorruptible. C’est de là que résulte cette admirable clarté, base éternelle de notre langue. Ce qui n’est pas clair n’est pas français » A. Rivarol, Discours sur l’universalité de la langue français, 1784 (op.cit. p.16).

Et à propos de l’occitan : « Ces jargons sont jolis et riches, mais n’étant point anoblis, ils dégradent tout ce qu’ils touchent » (id. ibid).

Car la supériorité naturelle du peuple français et de sa langue relègue bien sûr à un rang inférieur des communautés qui ne peuvent plus décemment revendiquer le qualificatif de « peuples », et des parlers obscurs qui ne peuvent plus être définis que comme « idiomes grossiers », jargons ou patois.

Déclaration d’Henri Grégoire devant le comité de l’instruction publique, 8 vendémiaire (29 septembre) an II (1793) : « Il est plus important qu’on ne le pense en politique d’extirper cette diversité d’idiomes grossiers qui prolongent l’enfance de la raison et la vieillesse des préjugés » (op.cit. p.18).

« Le devoir de civiliser les races inférieures », droit de colonisation prôné par J. Ferry s’étendra bien sûr à ces « restes de barbarie des siècles passés » (Conventionnel Lanthemas, 27 frimaire -17 décembre- an II, -1792- op. cit. p. 17) que sont les groupes humains non francophones résidant sur le territoire de la nation.

Car aux dires de Jules Michelet, « la Bretagne est une colonie comme l’Alsace et les Basques, plus que la Guadeloupe » (op.cit p. P 26).

Ce que confirme Auguste Romieu, sous-préfet de Quimperlé en 1831 : « La Basse-Bretagne est une contrée à part et qui n’est plus la France. Elle devrait être soumise à une sorte de régime colonial » (op.cit. p. 26).

Un tel devoir de colonisation et de civilisation passera bien sûr par l’imposition de « l’admirable clarté » de la langue française. Car il serait bien sûr de la plus haute immoralité, pour qui le possède, de garder un tel trésor par devers soi.

D’où, à la même date, cet extrait de lettres des préfets des Côtes-du-Nord et du Finistère à Monsieur de Montalivet, ministre de l’Instruction Publique : « Il faut absolument détruire le langage Breton » (id. ibid).

[Remarque: Qui donc veut absolument nous faire croire que la situation des peuples minorisés n’est pas comparable à celle des peuples colonisés, alors que ce sont les autorités françaises elles-mêmes qui ont œuvré d’arrache-pied pour établir cette identité ?

Il est instructif de le rappeler de temps en temps…]

Propos d’un sous-préfet du Finistère aux instituteurs en 1845 : « Surtout rappelez-vous, Messieurs, que vous n’êtes établis que pour tuer la langue bretonne » (op.cit. p. 30).

En 1846, le règlement du Comité de Saint-Palais interdit « de proférer aucune parole grossière comme aussi de parler basque – même pendant la récréation » (op. cit. p 31).

Et nos grands auteurs français ne sont pas de reste : Ce barbare proche de l’animalité qu’est le paysan breton mange comme un porc : il va « retrouver sa galette de sarrasin et sa jatte de bouillie de maïs cuite depuis huit jours dont il se nourrit toute l’année, à côté des porcs qui rôdent sous la table et de la vache qui rumine là sur son fumier, dans un coin de la même pièce » (G. Flaubert, Voyage en Bretagne, ed. Complexe 1989, p.197-198 ; dans op.cit. p. 31).

Un tel dégénéré n’a de rival que le corse, bien sûr : « Crasse et vanité. Ça mange dans de la vaisselle plate à leurs armes, des châtaignes dont les porcs ne voudraient pas » (A. Daudet, L’immortel, 1888. Op. cit, p37).

Ce régime étant bien sûr dicté par la légendaire paresse du corse : « Le châtaignier ne demande aucune culture (…) Les luisantes châtaignes pleuvent des branches hautes et, couché dans l’ombre, le Corse indolent regarde tomber les fruits » (Jean Lorrain, 1912. Op. cit. p. 45).

Et notre grand Céline, que d’aucuns portent au pinacle de la littérature française, de surenchérir : « Zone sud, zone peuplée de bâtards méditerranéens, de narbonoïdes dégénérés, de nervis, de félibres gâteux, parasites arabiques que la France aurait tout intérêt à passer par-dessus bord ; au-dessous de la Loire, rien que pourriture, fainéantise, infects métissages négrifiés » (Lettre du 15 juin 1942 à Henri Poulain, secrétaire de rédaction de Je suis partout. Op.cit. p. 48).

Avant que Charlie Hebdo ne porte l’estocade :

« Maintenant que le bulldozer jacobin a laminé et éradiqué les pagnolades et les bécassinades, on peut élever les trois douzaines de couillons qui parlent encore leur pataquès (pardon : langue) au rang de patrimoine national et leur apposer un label poulet fermier. Les langues régionales sont comme les quelques pierres du Moyen Âge épargnées par Bouygues : de la culture (con). Il a d’autant plus raison que des quantités de patois, pidgins, créoles, petits-nègres et verlans sont en train de polluer le français. Alors, après tout, autant favoriser le latin, l’étrusque et l’occitan ! »

En note de bas de page, Charlie Hebdo précise : « Les huit langues régionales parlées en France sont : l’occitan, le basque, le corse, le flamand, l’alsacien, le breton et le neu-neu » (n° du 8 octobre 1998. Op.cit. p. 59-60).

On s’en doute, on pourrait encore continuer longtemps de telles énumérations. Je vous renvoie plutôt au petit livre mentionné plus haut, dont sont issues la plupart de ces citations.

La politique de génocide culturel visant à détruire l’identité des peuples allogènes n’est pas une simple hypothèse historique mais une réalité avérée. Ceux qui feignent de l’ignorer et s’imaginent vivre dans le pays des droits de l’Homme et de la tradition démocratique, trouveront dans cette brochure un florilège de déclarations significatives en la matière, bien révélatrices d’une volonté d’asservissement souvent dissimulée sous le vernis humaniste. Dans la plupart des cas, les inepties retenues n’émanent pas d’individus troubles ou extrémistes. Non, souvent elles sont le fait de personnages pré­sentés sous un jour plutôt favorables dans les manuels scolaires ou dont les noms polluent parfois les plaques de rue de nos villes. Voltaire, en son temps, avait noté la bonne conscience dans le crime caractérisant le fanatisme. Beaucoup de citations, ici reproduites, constituent une synthèse presque parfaite entre l’instruction indiscutable des auteurs et leur chauvinisme stupide…

nous dit l’auteur (op.cit. quatrième de couverture).

Au vu de ces quelques extraits, il est bien difficile de lui donner tort.

 

Mais prolongeons un peu par un autre petit florilège, plus actuel celui-là mais tout aussi virulent, de quelques citations parmi les milliers du même genre qu’on peut lire sur les  forums du Monde.

Elles montrent qu’un tel état d’esprit est loin d’avoir disparu :

Après y avoir rencontré « Carles Pschittdemont », qui a plusieurs fois été qualifié de « nazi », ou de « futur Karadzic catalan » on y apprend que :

« Comme ça va toucher au porte-monnaie les petits enfants gâtés et égoïstes de l’indépendance catalane, ça va refroidir l’élan populaire aux 90% auto comptés et auto proclamés. Cette indépendance n’étant guidée par le fric – le leur – c’est par le fric – celui des espagnols – qu’elle rentrera à la maison. Comme le dit fort justement Martin Lamotte Super Résistant : « Forcément, dès qu’on parle pognon, y a pu personne ! »

Ou encore que : « Barcelone est une ville extrêmement sale et décadente. Les Catalans ont dans le sang ce résidu d’esprit anarcho-marxiste qui les rend rebelles à toute autorité autre que celle de leur nombril. Je ne comprends pas que les Castillans et les autres Espagnols ne leur accordent pas illico presto leur indépendance et ciao les Ramblas. »

« Dans le sang« . Il s’agit bien de génétique, comme nous l’avons vu.

À comparer avec les affirmations ci-dessus concernant la saleté congénitale des bretons et des corses. Rien de nouveau sous le soleil…

Ce qui justifie bien sûr le fait que « l’égoïsme catalan doit être maté », car « les va-t-en-guerre indépendantistes sont des démagos comme il en fleurit beaucoup ces derniers temps, flattant les égoïsmes et favorisant le mépris de l’Autre. Dégoutant ».

Rappelons que cette entreprise de « mater le catalan » représente aussi un grand classique, puisqu’en 1938, Manuel Azaña, président de la République espagnole résumait ainsi dans ses mémoires le rapport du gouvernement central avec la Catalogne: « La nécessité de bombarder Barcelone tous les 50 ans est une loi de l’Histoire espagnole. Le système de Philippe V était injuste et dur, mais solide et confortable. Il a tenu 2 siècles ».

Mais matée ou pas, « en fait la Catalogne, on s’en b…. ».

Car il s’agit bien en effet d’incorrigibles « nombrilistes qui prétendent être différents des autres communautés espagnoles », « d’enfants gâtés nombrilistes », « suicidaires, égoïstes et rétrogrades ».

Qualités qui, on le sait, n’épargnent pas les corses : « Micro micro microcosme et grand grand grandissimes tordus. Qu’ils restent sur leur rocher. Mais à rester entre soi, on risque la dégénérescence ».

« Ils voudront le bruccio et l’argent du bruccio ! »

« Entre Talamoni et Simeoni c’est quoi la différence, à part l’after-chèvre? »

Et ces expressions qui nous rappellent tellement la belle tradition de supériorité tranquille et satisfaite évoquée plus haut de « celui qui est né quelque part » et possède, lui, une langue véritable : « Macron a autre chose à faire que s’occuper du patois Corse et les dirigeants corses sont vraiment payés à ne rien faire », « de grands enfants… ».

« La co-officialité de la langue corse n’est pas acceptable. Vouloir forcer des tas de gamins, les enfants corses en tête, à faire le difficile apprentissage d’une langue ultra-confidentielle, comprise nulle part hors de la Corse et de certains coins perdus de Toscane, c’est aberrant ».

« On est tous d’accord à 3/4 exceptions près pour dire qu’ils nous font suer, ces assistés de Corses avec leur dialecte de génois et leurs fromages de m… Ils nous coûtent une blinde, qu’ils la prennent leur indépendance, mais qu’ils se cassent !! ».

« Mais au fait comment définissent-ils le « peuple corse » : par la géographie, la génétique, l’ascendance, le port du fusil ….? »

etc. etc. etc.

Toutes considérations qui rejoignent donc, dans le fond, au-delà de différences d’expression qui caractérisent l’approche juridique plus BCBG mais non moins catégorique de nos politiques, l’immémoriale fin de non-recevoir tenant généralement lieu de réflexion dès lors qu’on aborde la question des peuples minorisés :

« Il n’y a qu’un peuple, c’est le peuple français et il n’y a qu’une langue ».

Dont acte.

 

Ah ! Avant de se quitter, Stultitia ajoute encore deux petites perles pour la route :

Avril 1969 : Roger Vitton, ministre de l’information : « Pour être comprise par tout le monde, l’émission en langue bretonne sera désormais faite en français » (op.cit. p. 51*).

Et celle-ci, pour laquelle je nourris une affection toute particulière : Francisque Sarcey, écrivain à la mode à la fin du XIXème siècle, note dans le journal Le Temps : « Les paysans bretons sont tellement crédules qu’ils croient à une influence de la lune sur les marées » (op.cit. p. 39).

Sans blague ?

* Correctif: dans son magnifique petit livre: Comment peut-on être Breton ? Essai sur la démocratie française, Paris, Le Seuil, 1970, p. 17, Morvan Lebesque corrige J.P. Pujol en attribuant cette phrase historique au Ministre de l’Information de l’époque [Joël Le Theule ?] s’adressant au député de Lorient Roger Vitton qui l’interrogeait sur la culture régionale à l’ORTF.

 

Ajout du 04/02:

Triste confirmation du contenu de ce post, la tonalité de la quasi totalité des commentaires à cet article (comme à tout article sur la question corse):

http://abonnes.lemonde.fr/corse/article/2018/02/03/les-nationalistes-corses-appellent-a-manifester-pour-pousser-l-etat-a-negocier_5251418_1616678.html

Comme je le disais dans un post précédent à propos de la Catalogne:

 » L’incroyable et honteux déchaînement verbal auquel donne lieu la simple évocation d’une question qui devrait alimenter une réflexion approfondie et argumentée laisse présager que le virus malfaisant du nationalisme fauteur de violences et de guerres est encore solidement installé dans bien des esprits ».

http://desideriusminimus.blog.lemonde.fr/2017/10/06/dune-etrange-desinhibition-du-nationalisme-et-de-ses-consequences-pour-lavenir-de-leurope-et-du-monde/

 

Quelle différence avec l’intelligence et la modération de Gilles Simeoni, par exemple:

https://www.franceinter.fr/emissions/questions-politiques/questions-politiques-04-fevrier-2018

Y’a pas photo…

M. Rajoy, il est grand temps de revoir votre copie !

Après avoir mis en doute les capacités de M. Rajoy à produire une dissertation de philosophie digne du niveau du « bachillerato », le baccalauréat espagnol,

http://desideriusminimus.blog.lemonde.fr/2017/11/03/de-la-distinction-entre-legalite-et-legitimite-et-du-bien-que-ferait-a-m-rajoy-un-petit-devoir-de-philo-de-terminale/

voilà que Stultitia s’interroge sur sa clairvoyance politique :

« Nous sommes du bon côté de l’Histoire », affirmait-il il y a deux jours.

http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2017/12/22/le-pari-perdu-de-mariano-rajoy_5233346_3232.html

Cette Histoire, en tous cas, semble prendre un malin plaisir à le détromper une fois de plus.

Peut-être serait-il urgent, avant de commettre de nouveaux dégâts qui risqueraient d’être irréparables, d’en tirer enfin les conséquences.

‘’M. Puigdemont a lancé un message au premier ministre espagnol : « M. Rajoy, faites de la politique ! »’’ (de l’article cité plus haut).

Au point où en sont les choses, on se demande surtout si la meilleure politique ne serait pas, enfin, de laisser la place.

Car la situation, qui reste certes délicate, exige d’urgence un « changement de paradigme » que M. Rajoy ne semble pas en mesure de promouvoir.

Charge à lui de nous faire mentir !

Mais comme se plait à le répéter Stultitia à la suite d’Einstein:

« On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré ».

Sans plus de commentaires pour aujourd’hui, juste une petite suggestion faite à la suite d’un article du Monde :

Après avoir gravement déstabilisé par son obstination déraisonnable la vie politique et économique de la Catalogne et de l’Espagne, M. Rajoy doit désormais laisser la main. Et le déni de démocratie castillan et européen doit laisser place à une approche enfin capable de concilier respect de la diversité et construction d’un projet commun. Ce n’est jamais que  le désir maintes fois répété des catalans et autres peuples minorisés.

 

Et de bonnes fêtes à toutes et à tous !

 

Ajout du 23/12:

Rappelons encore que, contrairement à ce qui est répété en boucle, les indépendantistes n’ont pas gagné en nombre de sièges et perdu en nombre de voix.

L’affaire est plus compliquée que cette affirmation qui console à moindre frais les nationalistes castillans et leurs émules européens.

Car on estime à une moitié des électeurs de CatComù-Podem (Podemos 7,45% des voix) ceux qui, outre la revendication d’un référendum, se prononcent pour l’indépendance.

On ne peut donc les additionner purement et simplement aux « anti-indépendantistes ».

De même, le PSC (Parti Socialiste Catalan 13,88% des voix) ne peut que par supercherie être assimilé aux « unionistes », puisqu’il se prononce pour la révision de la constitution de 1978 dans le sens de l’Estatut de 2006 (abrogé à l’instigation du PP) et pour la création d’une fédération de nations au sein de la nation espagnole. On est donc là encore aux antipodes de M. Rajoy et de Mme Arrimadas.

Avec le seul Cuitadans et le pâle fantôme qui subsiste du PP (29,61 % des voix à eux deux contre 47,49% aux trois partis catalanistes, sans même compter les ajouts probables issus de Podem et du PSC), on est donc bien loin d’avoir une majorité « unioniste » en Catalogne, en dépit des fantasmes des nationalistes castillans, largement répercutés par les médias.

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lections_au_Parlement_de_Catalogne_de_2017#Voix_et_si%C3%A8ges

 

De la distinction entre légalité et légitimité. Et du bien que ferait à M. Rajoy un petit devoir de philo de terminale.

Retour de Catalogne, où nous avons passé une bonne semaine.

Et voilà que nous apprenons qu’un État qui n’a jamais été capable de faire la lumière sur les centaines de milliers de crimes du franquisme

http://information.tv5monde.com/info/espagne-franquisme-impunite-140570

s’acharne à menacer de détention des personnes qui ont toujours affirmé leur attachement aux procédure non-violentes.

Tout comme il a d’ailleurs toléré qu’on poursuive en justice ceux qui dénoncent courageusement les abjections du passé.

http://www.lemonde.fr/europe/article/2012/01/31/le-juge-garzon-denonce-les-crimes-contre-l-humanite-du-franquisme_1636944_3214.html

Hélas, rien de nouveau sous le soleil…

Certes, le surréalisme a des racines dans la patrie de Buñuel, mais il faut reconnaître que ses représentants illustres avaient un tout autre talent que les dirigeants pitoyables capables de telles prouesses.

Franquito ferait-il donc tout pour devenir le petit Erdogan de l’Europe ?

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[ajout pour les non hispanisants: la devise parodie le titre de Franco, qui s’était auto-proclamé: « Caudillo de España por la gracia de Dios »: Chef de l’Espagne par la grâce de Dieu. Franquito est, lui: « Chef de rien par la grâce de personne ». (Dessin de Antonio Helguera)].

On connaissait bien sûr depuis longtemps ses capacités.

Plus étonnante – mais encore une fois peu surprenante hélas… – est la complicité – active, passive, intellectuelle – des instances européennes, et de tant de citoyens de l’Europe, avec de tels agissements.

Mais notre monde est bien celui qui n’hésite pas, on le sait, à élire des Trump et à faire l’apologie des Poutine…

 

Pour notre part, au cours d’une semaine en Catalogne, entre autres découvertes ou redécouvertes de ce domaine naturel et culturel inépuisable, nous avons assisté le 27 octobre, aux réactions suivant la proclamation de la République dans la belle ville de Vic où nous nous trouvions.

Car aussitôt après l’annonce du Parlement, jeunes et vieux, personnes en apparence aisées et moins aisées ont convergé spontanément vers la Plaça Major de la ville, donnant lieu à des scènes émouvantes dans une ambiance bon enfant où les rires et applaudissements le disputaient aux bruit des bouteilles de Cava (vin mousseux hispanique) qu’on débouche, et dont la foule se voyait copieusement arrosée.

Moment de joie, mais aussi de réalisme devant les difficultés à venir, la répression attendue de la part de Madrid, habituelle chaque fois qu’un peuple de la péninsule a cherché à affirmer son indépendance d’une manière qui dépasse ce qui est permis par le bon plaisir du gouvernement central.

« Il va falloir maintenant défendre notre République », nous expliquait un homme très digne, en commentant le remplacement sur la façade de la mairie de l’Estelada (drapeau catalan étoilé, signe de revendication) par la Senyera, le drapeau « officiel » symbolisant l’indépendance réalisée.

Et nous y voilà donc : la dite répression, comme à l’accoutumé, ne s’est pas fait attendre.

C’est cette expérience vécue ainsi que les multiples rencontres de gens très divers témoignant de la profondeur et de la légitimité tranquille d’une revendication séculaire qui m’inspire ce développement sur un thème de philosophie – encore une fois élémentaire –  en l’occurrence la distinction entre légalité et légitimité.

Car on peut penser que l’un des nœuds de ce qu’on nomme le « problème catalan » (même si, une fois de plus, il s’agit avant tout d’un problème propre au nationalisme castillan) se situe au niveau de l’incapacité de comprendre une distinction qui fait partie du b. a. ba de la réflexion philosophique.

Voici en effet ce que nous dit un ouvrage on ne peut plus scolaire sur le sujet :

(La philosophie de A à Z, sous la direction de Laurence Hansen-Løve, Hatier Paris 2011, article « Légalité », p. 260) :

On oppose souvent la légalité – simple conformité aux lois, sans préjuger de leur bien-fondé ou de leur caractère juste ou injuste – et la légitimité qui renvoie, elle, à l’idée d’équité, de bien-fondé, de bon droit, de justice, etc., et fait appel à des valeurs jugées supérieures à celles des lois du droit positif. Par là, on entend souligner le danger du légalisme, c’est-à-dire le danger d’une attitude qui consiste à s’en tenir à la lettre de la loi. Or la loi peut être injuste dans son application, parce qu’elle ne tient pas compte, par son abstraction et son caractère général, des situations particulières. La loi peut être injuste aussi dans son principe même, notamment si elle trahit son caractère général et devient discriminatoire.

 

Et il serait peut-être bon que certains chefs d’État en reviennent à leurs chères études, en l’occurrence quelques concepts élémentaires de philosophie.

Car, bien sûr, il est possible d’aborder la question que la Catalogne pose au nationalisme castillan par le biais de la légalité.

Et on rappellera alors :

  • que les catalans ont accepté en 1978 le Constitution espagnole par référendum ;
  • Que celle-ci décrète dans son article 2 « l’unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols ».
  • Que le droit à un référendum d’autodétermination est inconstitutionnel, et contrevient donc à la légalité :

http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/09/08/independance-de-la-catalogne-madrid-montre-les-muscles_5182540_3214.html

  • Que les personnes qui ont promu et/ou organisé un tel référendum se trouvent donc dans l’illégalité et, outre l’application de l’article 155 de la Constitution, doivent être destituées et subir les sanctions contre la rébellion et la sédition telles qu’elles sont prévues par la loi, en l’occurrence l’article 472 du code pénal qui prévoit à leur encontre de 15 à 25 ans de prison,

Etc., etc., etc.

Choses orchestrées sur tous les tons par les médias depuis des jours, et en particulier depuis la fameuse « déclaration de la République ».

Une approche purement et formellement « légaliste » de la question aboutira donc de façon nécessaire aux blocages et affrontements auxquels nous assistons en ce moment, que seule la (jusqu’à présent) patience et l’esprit pacifique des catalans a gardés de dégénérer en violence.

 

Mais, reprenant nos définitions élémentaires à l’usage des philosophes débutants, on peut aussi considérer que cette approche purement légaliste constitue un grave danger, « le danger d’une attitude qui consiste à s’en tenir à la lettre de la loi. Or la loi peut être injuste dans son application, parce qu’elle ne tient pas compte, par son abstraction et son caractère général, des situations particulières. La loi peut être injuste aussi dans son principe même, notamment si elle trahit son caractère général et devient discriminatoire ».

Face à ce danger qui tend à oublier que la loi est faite pour des hommes et non les hommes pour la loi, que la Constitution est faite pour des hommes et des circonstances, et non les hommes pour une Constitution transformée en référence sacrée et intangible, élevée dans le ciel d’une abstraction inaccessible aux circonstances, il s’avère primordial en effet de retrouver l’essence même de la loi, celle qui en fait la servante de « l’équité, du bien-fondé, du bon droit, de la justice ».

Distinctions elles aussi élémentaires en éthique et en philosophie politique, sur lesquelles ont planché nos élèves de terminale (les miens, tout au moins…) en décortiquant l’Éthique à Nicomaque, les Politiques d’Aristote, le « kairos », mais aussi « Le juste entre le légal et le bon » de P. Ricœur (n’est-ce pas, M. Macron…), ou autres textes aptes à alimenter la réflexion philosophique de quelques dirigeants auxquels on aurait bien du mal à accorder leur baccalauréat.

Cette seconde approche, axée donc sur la légitimité, serait celle qui pourrait dépasser le dangereux légalisme en privilégiant les éléments d’interprétation dynamique que l’on trouve déjà dans les textes mêmes de la loi et de la Constitution, afin de les rendre à leur vocation. Car loin de rigidifier stérilement les positions, celle-ci vise au contraire à l’établissement d’institutions justes en cohérence du mieux possible avec les aspirations des hommes de 2017, qui ne sont plus nécessairement celles des hommes de 1978.

Car, répétons-le, la Constitution est faite pour les hommes, et non les hommes pour la Constitution.

On pourrait alors observer, entre autres choses :

  • que le même article 2 de la Constitution espagnole reconnaît l’existence « des nationalités » qui composent l’Espagne, reconnaissance qui fut entérinée par « l’Estatut » accordé à la Catalogne en 2006 par le gouvernement Zapatero et rejeté en 2010 de façon unilatérale par un gouvernement Rajoy [imprécision de ma part: voir le correctif apporté par EAT dans un des commentaires ci-dessous].
  • Que la notion de « pueblos », « peuples », y est présente pour désigner ces différentes « nations » (par ex.Titulo primero, cap. III, art. 46, “Los poderes públicos garantizarán la conservación y promoverán el enriquecimiento del patrimonio histórico, cultural y artístico de los pueblos de España”, ce qui peut légitimement faire reconnaître au “peuple catalan” le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, tel qu’il est garanti par la charte des Nations unies et le Pacte sur les droits civils et politiques de 1966.

https://www.rts.ch/info/monde/8937106-en-catalogne-le-gouvernement-espagnol-joue-a-un-jeu-dangereux-.html

  • Que le « droit de décider », des citoyens de Catalogne peut être considéré comme légitime par une interprétation de la Constitution qui privilégie une « approche pondérée et évolutive des principes constitutionnels », et qu’il est même expressément reconnu par l’arrêt 42/2014 du Tribunal Constitutionnel :

https://ccec.revues.org/6230#tocto2n1

cf. aussi d’autres références déjà mentionnées, comme :

https://www.unige.ch/gsi/files/9315/0461/7440/CATALONIAS_LEGITIMATE_RIGHT_DECIDE.pdf

  • Que le droit international, même s’il ne la promeut pas expressément dans le cas des peuples dits « non colonisés », n’interdit nullement de leur part une déclaration d’indépendance :

« les déclarations d’indépendance ne sont pas contraires au droit international. En réalité, elles sont relativement indifférentes. Ce qui compte, c’est le fait, c’est-à-dire la création ou non d’un État ».

déclare le juriste Pierre Bodeau-Livinec, professeur de droit international public.

https://www.franceculture.fr/emissions/la-question-du-jour/une-catalogne-independante-serait-elle-contraire-au-droit-international

  • Que l’incompatibilité entre droit national et droit international pourrait être levée si le gouvernement espagnol prenait l’initiative d’unifier ces différents « langages juridiques », ce que permettrait donc d’ores et déjà une lecture « pondérée » de la Constitution.

« L’hypothèse d’une déclaration unilatérale d’indépendance de la Catalogne soulève la question de la création d’État en dehors des situations où sont identifiés des peuples coloniaux, sous occupation étrangère ou soumis à des régimes racistes. Dans ces cas de figure, le droit international public observe, en principe, une posture de neutralité juridique à l’égard des déclarations d’indépendance. Il ne les autorise pas, non plus qu’il les interdit. La question de leur licéité est alors renvoyée à l’appréciation d’un autre ordre juridique, interne à l’État concerné. Chaque État est libre d’autoriser, de réglementer ou d’interdire la sécession en son sein ».

http://cdi.ulb.ac.be/situation-catalogne-regard-droit-international-public-contribution-de-nabil-hajjami-maitre-de-conferences-a-luniversite-paris-nanterre-cedin/

https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9publique_catalane_(2017)

« L’État concerné » étant en l’occurrence l’État espagnol, la « question catalane » est donc bien, une fois de plus, celle de l’interprétation que se donne de lui-même l’État-nation espagnol. La balle est depuis toujours dans son camp.

etc., etc., etc.

 

On le voit, il y a donc bien, à la base de la question qui nous occupe, la confrontation de deux interprétations : l’une « légaliste », qui est actuellement le fait de l’État espagnol, l’autre « légitimiste », dont se réclament les indépendantistes catalans.

On pourrait dire alors à juste titre que la question de la définition de l’État comme celle de la Nation relève bien, elle aussi, de l’herméneutique.

Mais, dans tous les cas, ce doit être à la démocratie de trancher : le fait que la Catalogne soit, ou ne soit pas, dépend de la décision libre et informée d’un peuple qui s’exprime à travers un vote démocratique.

L’exemple du référendum en Nouvelle Calédonie, dont l’échéance approche,

http://www.lemonde.fr/politique/article/2017/11/03/referendum-d-autodetermination-en-nouvelle-caledonie-un-accord-politique-trouve_5209433_823448.html

montre qu’une approche légaliste d’essence nationaliste et instigatrice de violence, qui fut longtemps celle du gouvernement français, peut laisser place à une reconnaissance de la légitimité des aspirations d’un peuple.

Sans doute manque-t-il au gouvernement de M. Rajoy et de ceux qui le soutiennent (dont hélas les principales dirigeantes et les principaux dirigeants européens) la lucidité et la raison d’un Rocard et d’un Pisani.

Ou plutôt est-ce l’atavisme du nationalisme espagnol qui, en ce moment, ne laisse pas à une telle lucidité et une telle raison l’espace pour exister…

Cet espace devant donc être avant tout celui d’une démocratie qui ne cède en rien au déni.

Le référendum de 2014, les élections de 2015, même si l’on peut regretter le faible taux de participation (mais ce sont ceux qui votent qui font une légitimité, et non ceux qui s’abstiennent ou se détournent) ont manifesté, qu’on le veuille ou non, un soutien de la majorité des votants à l’idée républicaine et indépendantiste en Catalogne.

Il est dommage que le référendum du 1er octobre ait été rendu impossible par les circonstances que l’on sait, dont le gouvernement de Madrid est le principal responsable.

Son autorisation par le gouvernement central aurait donné, à l’image du référendum écossais de 2014, une idée de la situation politique de la Catalogne.

Pas plus qu’en Nouvelle Calédonie, le résultat des élections du 21 décembre n’est acquis.

On le sait, leurs dirigeants l’ont maintes fois répété, un échec des indépendantistes ne signifierait en aucun cas la violence. Car la patience des catalans à faire tomber « l’estaca » de façon pacifique est depuis longtemps avérée. Sans doute peut-on penser à juste titre qu’ils ont l’Histoire avec eux.

Souhaitons alors que le légalisme des nationalistes espagnols sache de son côté, en cas de victoire des indépendantistes, reconnaître enfin la voie d’une légitimité qui seule peut encore rendre à l’Espagne la dignité et l’honneur que l’incompétence de son gouvernement s’évertue à bafouer.

 

Ajout du 07/11: Je signale le blocage de l’accès au site diplocat.cat, émanation diplomatique de la Généralité de Catalogne, suite à la fermeture des représentations diplomatiques catalanes à l’étranger. Ce site diffusait, entre autres informations utiles, des conférences de spécialistes du droit international que j’avais signalées dans mes posts précédents.

Franquito met donc bien tout en œuvre pour assumer son rôle de petit Erdogan de l’Europe.

 

Ajout du 11/11:

Ce texte indispensable: tout y est !

http://www.liberation.fr/planete/2017/11/10/carles-puigdemont-des-manifestants-font-le-salut-fasciste-et-demandent-mon-emprisonnement-et-mon-exe_1609336