[Pour plus de lisibilité, je reporte ici un post déjà publié le 24 mars avec d’autres « brèves »]
Je suis une nouvelle fois bien dubitatif devant les prises de position des évêques français exprimées le 22 mars lors de leur réunion en Assemblée plénière à Lourdes.
Bien sûr, on ne peut qu’être d’accord lorsqu’il s’agit d’en appeler à « l’urgence de la fraternité », de la solidarité, tout comme à un « sursaut de conscience ».
Mais peut-être serait-il opportun de se rendre compte qu’un tel « sursaut » ne peut exclure des interrogations qui relèvent elles aussi d’une profonde exigence de la conscience.
Au cours de réflexions et d’expériences qui ont duré bien des années, je suis devenu particulièrement méfiant face à certains arguments, parfois sophismes, qui ne me semblent pas avoir grand-chose à voir avec le bien des personnes et leur respect, mais plutôt avec des préoccupations dogmatiques qui se révèlent bien éloignées de l’éthique.
Affirmer que les « soins [palliatifs] ne sont pas suffisamment développés et les possibilités de soulagement de la souffrance sous toutes ses formes ne sont pas assez connues » et qu’il « est urgent de combattre cette ignorance », de même que dénoncer « les disparités d’accès aux soins palliatifs ainsi que l’insuffisance de formations proposées au personnel médical et soignant » est un constat partagé par toutes les instances sérieuses qui travaillent sur le sujet.
Et bien sûr, souligner que « l’urgence consiste à poursuivre le développement des soins palliatifs pour que toute personne en ayant besoin puisse, selon la loi du 9 juin 1999, y avoir accès quel que soit son lieu de vie, y compris dans les EHPAD et dans les maisons de retraite » est entièrement légitime et nécessaire.
Mais au-delà de ces intentions largement partagées, on ne peut que se méfier de certaines altérations du discours :
Tout d’abord (point 1), il peut sembler de mauvaise foi de stigmatiser un « manque de respect (…) pour le travail législatif ». Car on peut parfaitement sans « manquer de respect » préciser une loi en y ajoutant certains points qui n’ont pas été envisagés. Et ceci sans pour autant la « changer ». La plupart de celles et ceux qui constatent certaines carences de la loi Claeys-Leonetti en reconnaissent la valeur et les avancées et respectent sans équivoque le travail accompli. Il conviendrait donc aussi que soit respectée en retour la pertinence de réflexions qui n’ont pour but que d’attirer l’attention sur des points importants que la loi ne prend pas suffisamment en compte. Il s’agit là simplement de la vie du droit et de la responsabilité propre à tout citoyen de participer à l’amélioration du corpus législatif.
Mais le gauchissement de l’approche devient plus manifeste au point 2, lorsque « l’aide au suicide » en fin de vie, déjà abusivement rapprochée de l’euthanasie de façon sommaire et sans doute intentionnelle, est implicitement assimilée à une « promotion » du suicide au sens classique, et mise sur le même plan que la transgression de l’interdit du meurtre de la part de ceux qui pourraient participer à cette « aide ».
Or, il est inacceptable du point de vue éthique d’établir une équivalence entre la décision de ne pas entrer dans un traitement médical ou palliatif lourd quand on se sait condamné à brève échéance, décision prise par une personne adulte en pleine possession de ses facultés et qui peut aller jusqu’au geste de mettre fin à sa vie de façon anticipée, et le suicide au sens classique.
Sans doute serait-il nécessaire, pour couper court à ce genre de sophisme généralement utilisé dans l’intention de discréditer toute réflexion sur l’aide à la fin de vie, de nommer ces deux actes de façon différente. Par exemple, même si la terminologie est à préciser : « respect de la personne dans sa décision de fin de vie et aide à sa mise en œuvre », pour le premier, le terme de suicide étant conservé pour le second.
On le sait aussi (point 3), il est abusif de laisser croire qu’une telle ouverture du droit vers le « respect de la personne dans sa décision de fin de vie » dévoierait la déontologie médicale et la « tradition hippocratique » en transformant hôpitaux et personnel soignant en «institutions spécialisées dans la mort » (point 6).
Un tel argument ne peut avoir cours que si l’on s’obstine à confondre, habituellement de façon intentionnelle, euthanasie et « respect de la personne dans sa décision de fin de vie », ou cette dernière attitude avec une « promotion » du suicide au sens classique.
Rappelons, puisque cela n’est pas précisé dans le document (pourquoi ?), que la responsabilité de l’acte, comme dans le système en vigueur dans l’Orégon, peut parfaitement être laissée au patient, après contrôle médical. Le personnel médical n’est donc pas alors celui qui donne la mort, mais simplement celui qui se met au service du désir exprimé par le patient de façon consciente et réitérée, de la même manière qu’il peut se mettre au service de son désir de soins palliatifs.
« Deux médecins valident le diagnostic, attestent que le patient n’est pas atteint de troubles mentaux, qu’il n’a plus que six mois à vivre avant de lui remettre le produit. C’est alors au malade de se donner la mort. « La personne malade garde le produit chez elle et l’utilise quand elle veut ou ne l’utilise pas. », précise Jean Leonetti, interrogé par Le Figaro ». (Bénédicte Lutaud, art. de La Dépêche à propos du rapport Sicard 2012, références dans :
On sait que dans la plupart des cas, la personne, après réflexion, n’utilise pas le produit qu’elle a à sa disposition et s’oriente vers une fin de vie « classique ».
Mais l’essentiel est de respecter sa demande, c’est-à-dire de la considérer comme une personne digne et responsable, et non comme un être immature auquel des adultes « qui savent » doivent imposer leur volonté (bien évidemment pour son bien qu’elle même se montre incapable de reconnaître par ses propres moyens ).
Car s’il est bien entendu affirmé dans le document épiscopal, avec le paternalisme inhérent à ce genre d’exercice, que « la détresse [des personnes] qui demandent parfois que l’on mette fin à leur vie, si elle n’a pu être prévenue, doit être entendue », il est bien précisé que cette demande est irrecevable. Elle « oblige à un accompagnement plus attentif, non à un abandon prématuré au silence de la mort ». (point 4).
Désolé, Messeigneurs : Tout en reconnaissant que les personnes revendiquant de façon consciente et réfléchie un tel « abandon prématuré » représentent une minorité, il en existe. J’en ai connu, j’en connais, et j’en serai peut-être. Du moins je fais partie de ceux qui considèrent comme leur droit inaliénable – même s’ils n’en feront peut-être pas usage le moment venu – de pouvoir décider librement de leur propre mort sans en être dépossédés ou se voir infantilisés par des personnes ou des institutions.
Le refus de l’acharnement thérapeutique étant d’ailleurs acté depuis la loi Leonetti de 2005, et la « sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès » pouvant désormais être mise en œuvre, depuis la Loi Claeys-Leonetti de 2016, à la demande du patient en phase terminale, la prise en compte de sa décision consciente et réitérée d’anticiper l’échéance pour éviter la mise en place de traitements lourds dont l’inutilité est avérée pourrait d’ailleurs s’inscrire dans la continuité des évolutions précédentes.
Je disais il y a quelques années, dans le post mentionné plus haut que « J’ai plusieurs fois été effrayé par ces abus de pouvoir ‘’soft’’ qui aliènent et infantilisent dans la gentillesse bien-pensante des soins des personnes qui n’en veulent plus, le disent, mais n’ont plus aucun moyen de faire respecter leur décision ».
Car « y aurait-il en effet pire totalitarisme que celui qui empêcherait les êtres humains de décider volontairement de l’éventualité de leur propre mort ? »
En particulier lorsque celle-ci est attestée comme certaine à brève échéance.
Je ne trouve aujourd’hui aucune raison fondée de remettre en question ces réflexions.
Nous connaissons certes des personnes dont le dévouement est admirable envers les malades en demande de soin.
Mais une telle admiration n’a pas lieu d’être dès lors qu’un « dévouement » est imposé contre leur gré à des patients qui n’en veulent pas. La charité n’a rien à voir avec l’autosatisfaction, ou l’accomplissement de quelque obligation religieuse, mais avec l’attention au bien d’autrui et le respect de son désir et de sa décision.
Mais c’est bien là précisément que le bât blesse, et que bien des arguments du manifeste des évêques laissent pointer le fin mot de l’histoire.
Car « qu’est-ce qu’une liberté qui, au nom d’une illusoire autonomie souveraine, enfermerait la personne vulnérable dans la solitude de sa décision ? » nous est-il dit (point 5).
Comme je le montrais dans un post précédent,
l’intention de textes de ce genre n’est pas avant tout éthique, car en jetant le discrédit sur « l’autonomie souveraine », ils récusent jusqu’à la racine même de l’éthique, qui repose sur la capacité intimement personnelle qu’a un être humain de poser une décision libre dans le profond de sa conscience.
Éthique et autonomie sont indissociablement liées.
On peut citer, de façon quelque peu réductrice, tous les Ricœur et les Habermas qu’on veut, on ne peut aller contre un tel fondement. Une lecture un peu moins sommaire nous montrerait d’ailleurs que ces auteurs ne nous disent pas autre chose.
Certes « la liberté est toujours une liberté en relation », comme le répète le nouveau poncif à la mode dans les milieux ecclésiastiques, apparemment destiné à lutter contre les ravages de « l’autonomie illusoire », tout comme le bon Pie IX luttait contre « les principales erreurs de notre temps » (cf. post du 07/01, mentionné ci-dessus).
Et toute autonomie suppose effectivement un matériau hétéronome qui la précède, avec et contre lequel elle se gagne et se construit.
Mais si éthique il y a, elle résidera toujours dans la capacité de se manifester responsable, donc autonome, à travers les décisions qui font de soi un sujet, une Personne libre, et non le simple répétiteur de conventions et de codes imposés et subis de façon hétéronome.
Et cela donc jusque dans la façon dont on peut choisir d’envisager sa propre mort, tout comme de s’efforcer de comprendre et de respecter la façon dont autrui l’envisage.
Mais il faut bien le reconnaître, un tel respect de l’autonomie n’a à l’évidence jamais fait les affaires de nombre d’institutions qui trouvent leur intérêt et assoient leur pouvoir en fulminant des préceptes auxquels on doit une obéissance aveugle et en tonitruant une morale du haut de tribunes ou de chaires.
Institutions qui, des siècles durant, ont cherché à imposer des mœurs, des comportements sexuels, et jusqu’à des façons de se vêtir. Surtout, bien entendu, lorsque cela concerne les femmes, créatures ontologiquement irresponsables et immatures, comme on le sait bien, menacées par « l’illusoire autonomie souveraine ».
Institutions qui tout au long de leur histoire ont œuvré pour affermir leur pouvoir sur les consciences et sur les âmes, des enfants comme des adultes. Et sur la façon de vivre comme sur la façon de mourir.
On est par ailleurs en droit de se demander si la banalisation de l’abus de pouvoir sur les âmes ne pourrait pas rendre compte de certains abus de pouvoir sur les corps.
Et c’est bien en définitive ce thème du pouvoir qui se trouve au cœur des enjeux.
Alors, encore une fois, désolé, Messeigneurs :
J’ai moi aussi la prétention d’être fraternel et solidaire, à ma manière, même si j’accepte volontiers les leçons de celles et ceux qui le sont plus et mieux que moi.
Et d’être, à l’occasion, « bon Samaritain » (point 6) parfois d’ailleurs un peu au-delà de la mesure.
Mais, lorsque viendront mes derniers moments, tout comme je me suis efforcé et je m’efforce d’être disponible à celles et ceux qui ont eu ou ont besoin de mon humble service, quel que soit leur choix, je vous demande, à défaut de chercher à le comprendre, d’avoir au moins la décence de respecter le mien, quel qu’il soit.
Car rien ne m’est plus insupportable que l’abus de pouvoir.
Or, je suis sincèrement peiné pour vous de constater avec quelle unanimité vous vous y montrez encore attachés, au détriment de votre crédibilité.
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Ajout du 15/04:
Je profite du transfert du post ci-dessus pour ajouter quelques remarques.
D’abord à propos d’un article de Noëlle Châtelet publié dans La Croix.
Si je me sens bien sûr proche de sa manière d’aborder la question, il me semble qu’elle court le risque d’être perçue de façon réductrice, car elle donne l’impression que la demande « d’assistance au suicide » ou de « respect de la décision de fin de vie » serait liée au sentiment de se sentir inutile, de peser sur la famille ou la société, etc.
[Ma mère] s’est auto-délivrée pour nous délivrer d’elle (…). Ma mère n’imaginait pas que la société puisse la prendre en charge (…). [Certains] ne voient pas l’utilité de vivre une vie qui soit une forme de survie entravant les autres, alourdissant le poids énorme qu’ils représenteraient dans la société, sachant que cette société n’est pas armée pour les soutenir.
Or ce type de sentiment interroge justement le manque de fraternité et de solidarité que notre société inflige aux personnes âgées, carence sociétale dont le caractère inacceptable est légitimement souligné par le document des évêques.
Personne ne devrait en effet être amené à demander une assistance au suicide pour des raisons de cet ordre, dues à des insuffisances auxquelles il importe de remédier de façon urgente avec les moyens appropriés.
Mais le problème, c’est que cette indispensable reconnaissance de telles carences amène, encore une fois pour des raisons essentiellement dogmatiques et bien peu éthiques, à un subtil sophisme qui est celui qui sous-tend le discours des évêques ou celui de philosophes qui le partagent :
Cf. par ex :
- La demande d’assistance au suicide est due à des carences sociales, un manque de solidarité, de fraternité, qui font que les personnes en fin de vie se sentent inutiles, poids pour la société, etc.
- Remédions à ces carence sociales.
- Il n’y a donc pas de raison de faire droit à la demande de suicide assisté, qui « oblige à un accompagnement plus attentif, non à un abandon prématuré au silence de la mort» (cf. plus haut texte des évêques), et qui disparaîtra donc d’elle-même une fois ces carences résolues grâce à un accompagnement adéquat, etc..
[précision: tout comme dans le célèbre exemple du cheval borgne qui n’est cher qu’à condition que tout ce qui est rare soit cher (ce qui n’est pas le cas), le sophisme réside dans le fait que le raisonnement ci-dessus ne serait valide que si toute demande d’assistance au suicide était due à des carence sociales, de fraternité, de solidarité, etc. Or cette prémisse n’étant pas juste, comme démontré ci-dessous, le raisonnement est invalide].
Or, ce type de sophisme – et c’est bien en cela qu’il fait prévaloir le dogme sur l’éthique- laisse délibérément de côté le cas de personnes qui, quoique minoritaires, existent bel et bien.
J’en ai rencontré, j’en rencontre, et comme je le disais plus haut, j’en serai peut-être.
Et ce sont ces personnes qui voient leur droit étouffé par un abus de pouvoir délibéré, alors que leur cas pourrait facilement être pris en compte par une légère amélioration de la loi. Ce mépris délibéré du droit des personnes ne pouvant aucunement se réclamer de l’éthique.
Car il existe des personnes, je le répète, qui, tout en se sentant parfaitement entourées, familialement, socialement, éventuellement parfaitement accompagnées par des soins, médicaux ou palliatifs, estiment qu’il n’est pas nécessaire pour elles d’entrer dans de nouveaux protocoles, médicaux ou palliatifs, complexes et lourds pour une survie de quelques semaines ou de quelques mois.
Personnes qui, sans ressentir abandon, sentiment d’inutilité familiale ou sociale, ni désespoir, désirent sereinement s’en aller quand elles sentent le moment venu, entourées ou non de leur famille. Tout simplement parce qu’elles estiment en conscience avoir fait leur temps et ne souhaitent pas s’engager dans un processus dont elles ne perçoivent l’utilité ni pour elles ni pour leurs proches.
C’est de celles-là dont je parle quand je dis que « j’ai plusieurs fois été effrayé par ces abus de pouvoir ‘’soft’’ qui aliènent et infantilisent dans la gentillesse bien-pensante des soins des personnes qui n’en veulent plus, le disent, mais n’ont plus aucun moyen de faire respecter leur décision ».
Je connais effectivement, et peut-être en connaissons nous tous, des personnes qui « se sont laissées piéger » selon leur propre dire, pendant des semaines ou des mois, par un accompagnement médical ou palliatif dont elles ne voulaient pas, mais auquel elles n’ont pu s’opposer du fait de l’avancement de leur maladie.
Sans doute auraient-elles elles-mêmes mis fin à leur vie si elles avaient été en état de le faire. Mais, dans l’impossibilité, elles ont donc dû subir ce qui est en rigueur de terme un abus de pouvoir.
Certes, l’attention et le dévouement, familial, médical, qui entourent les personnes en fin de vie peut donner occasion à celles et ceux qui le conçoivent ainsi, de témoigner devant les autres ou eux-mêmes de leur charité ou leur vertu, fût-elle chrétienne.
Mais il faut bien reconnaître que, dans certains cas, cela se fait au mépris du respect d’autrui.
Car encore une fois, pour celui qui n’en veut pas ou plus, un tel « témoignage » qui l’infantilise en refusant sa décision n’est qu’une épreuve. Parfois bien sûr supportée stoïquement pour ne pas blesser la bonne foi ou l’estime de soi de ceux qui l’imposent. Mais nombre de ceux qui la subissent attestent qu’une telle épreuve peut aussi devenir cauchemar.
En tout cas, cela n’a plus rien à voir avec l’éthique.
Je signale enfin cet entretien plein d’intérêt.
https://www.arte.tv/fr/videos/082299-003-A/entretien-avec-bernard-devalois-vox-pop/
Tout en refusant à juste raison la notion vague et dangereuse d’euthanasie, ainsi que certaines déviations possibles du suicide assisté, et la transformation d’hôpitaux en « institutions de la mort », Bernard Delavois s’y montre favorable, en fin d’entretien, à des solutions de type « système Oregon » (voir ci-dessus, et aussi :
Raison de plus de se demander pourquoi la réflexion sur ce type d’approche paraît ignorée dans la plupart des débats sur le sujet.
Parfait ! Voici donc une page que l’on peut partager avec des gens que l’on estimerait dignes de ce genre de claire et fine argumentation, d’autant plus intéressante, je crois, qu’elle vient d’un croyant (peut-être catholique) interpellant la hiérarchie catholique au nom de valeurs partagées.
Disons que, si croyance il y a, elle est plutôt d’un œcuménisme sans frontières 😉 .
Je découvre, grâce à mon ami Claustaire, votre blog avec beaucoup de plaisir et d’intérêt. Vos arguments concernant le sujet de la fin de vie sont particulièrement pertinents eu égard aux injonctions dogmatiques de l’institution ecclésiale catholique. Nous avons vécu récemment la crise concernant le mariage pour tous qui nous a permis de constater la virulence d’une frange catholique intégriste de droite mobilisant des centaines de milliers de personnes s’opposant à un projet de loi républicain. S’il est tout à fait légitime de la part de la hiérarchie religieuse de s’opposer à ce projet de loi envers leurs ouailles et de le faire savoir au législateur, il est totalement illégitime de peser de tout son poids envers la société civile républicaine. C’est bien ce qui s’est passé pour le mariage pour tous et qui était proprement scandaleux. Lorsque François Hollande a fini par faire voter cette loi, il était évident qu’il ne pouvait plus s’attaquer à la loi Claeys-Leonetti, qui est très en-deçà du droit à mourir dans la dignité et qui, bien qu’une majorité de Français y soient favorables, aurait relancé des centaines de milliers de gens dans la rue.
Il est évident qu’à la suite du récent discours scandaleux d’Emmanuel Macron devant la Conférence des Évêques, aucune avancée dans ce sens ne sera réalisée durant ce quinquennat.
Bien que les églises soient désertes, la puissance de l’Église catholique demeure importante et les catholiques traditionalistes de droite restent des électeurs à conquérir. Voilà la triste équation politique en France.
Il est tout de même curieux qu’en Belgique, au Luxembourg et en Suisse, les modalités du suicide assisté aient été votées sans drame social et religieux. Des parents, demeurant au Luxembourg, ont ainsi déposé, devant notaire, leurs dernières volontés en la matière. Ils m’ont rappelé que la population du Grand-Duché est à 80% catholique, que l’évêché dispose d’une presse, d’une radio et d’une télévision et que la loi pour le suicide assisté a passé comme une lettre à la poste.
Je suis en relation avec des catholiques progressistes, humanistes, ouverts à autrui, dont une sœur Xavière en Afrique Noire. Ils ont été scandalisés par la réaction des cathos de droite lors de la Manif’ pour tous. Le suicide assisté leur paraît tout à fait légitime et ne choque pas leur croyance car ils réfutent l’idée idiote comme quoi la souffrance serait une voie royale pour accéder au Paradis.
Les homos sapiens du néolithique claquaient à 40 ans sans l’aide d’une usine à gaz du CHU du coin.
Bien à vous,
Pierre TRUTT
Bonjour,
Bien d’accord avec vous sur l’essentiel. Je suis pour ma part persuadé que le catholicisme, et plus largement le christianisme, s’ils veulent survivre en tant que tels et non en tant qu’idéologie sectaire de plus en plus confidentielle, ont actuellement plus besoin de Bernanos, de Pasolini et … d’Erasme que de suivisme stérile et de répétitions formelles.
Cordialement.
Et bien le bonjour à Claustaire !
J’ajouterai, au cas où une loi autorisant le suicide assisté, qu’elle ne porte pas le nom de son rapporteur mais celui de Vincent Lambert.
Le cas de Vincent Lambert ne concerne pas directement la question de l’assistance au suicide. Il aurait pu être réglé depuis longtemps dans le cadre de la loi Leonetti 2005, même avant qu’elle soit étendue par la loi Claeys Leonetti 2016. Dès 2013 en effet, se fondant sur la loi Leonetti « L’équipe médicale responsable de Vincent Lambert décide collégialement que le maintien des soins d’hydratation et d’alimentation constitue dans ce contexte une obstination déraisonnable, et décide de cesser peu à peu de l’alimenter et de l’hydrater » (Wikipédia). Il est à noter que le docteur Éric Kariger – au passage catholique engagé – a fait tout son possible plus tard pour appuyer cette décision, parfaitement légitime et légale. C’est hélas « l’obstination déraisonnable » d’une partie de la famille (la mère et le père en particulier, se fondant sur une approche religieuse bien contestable) qui a fait que la procédure normale prévue par la loi Leonetti n’a pu être mise en oeuvre. Outre la confrontation entre deux visions bien peu conciliables du catholicisme, cette bien triste affaire montre donc l’importance de la rédaction des « directives anticipées », telles que les prévoient les loi Leonetti et Claeys-Leonetti (directives qui auraient pu informer de façon incontestable de la décision de Vincent Lambert et donc éviter l’imbroglio juridique).
Ce n’est donc pas un cas de ce genre qui peut mettre en question les carences des lois existantes. Au contraire.