Non, Desideriusminimus n’a pas disparu dans quelque précipice !
Simplement, après presque deux mois de traversée des Pyrénées par la Haute Route (HRP), quarante-sept étapes à marcher des journées entières dans les pierres, de mer à mer, à dormir dehors, à contempler les étoiles et les météores…
je ne peux ôter de mon esprit la belle chanson d’Alain Souchon.
« On s’ennuie tellement« …
Oui, je l’avoue, je m’ennuie.
Du moins j’ai de plus en plus de mal à me sentir impliqué dans ce qui, paraît-il, constitue le monde des choses importantes et des gens importants, alors qu’il transpire l’inutile, le dérisoire, l’égoïsme, « le cœur durci ».
« Si loin de l’air et du vent« , j’ai du mal à respirer.
Et je rêve de Théodore.
Quand elle se prolonge, la marche est une école de dépouillement et de frugalité. « Sur la piste, celui qui dépasse sa faim mange la mort » dit un proverbe touareg.
» Il faut un minimum « . Et c’est vrai que nous passons nos vies à dépasser notre faim, tellement nos appétits sont démesurés, alors que le simple nécessaire ne va pas au-delà de ce qui peut être porté sur le dos.
Sans doute un tel mode de vie ne peut pas être permanent, et Théodore lui-même n’a pas vécu seulement au désert, avec son petit gobelet d’aluminium.
Mais il pourrait être une incitation forte à la simplification sereine et féconde de notre quotidien écrasé sous l’insignifiance du superflu matériel, culturel, « médiatique » ou autre.
Car lorsqu’on revient sur terre, on a du mal à accepter un monde où l’hyperconsommation règne en maître détruisant aveuglément notre irremplaçable patrimoine naturel, où le fantasme de toute puissance exhibe partout le tragique grotesque de tant de délires infantiles dont nous nous faisons les complices et qui stérilisent nos esprits.
Dans un monde qui manque tellement de ces Théodore qui le rendraient à une vie plus digne.
Et pourtant, au-delà de l’absurdité désespérante de « débats » qui s’obstinent à confondre éthique et démagogie, ou de revendications qui réduisent la noblesse du combat pour la justice à la navrante défense de privilèges corporatistes, il existe tout de même des raisons d’espérer, de ne pas baisser les bras.
Parmi celles-ci, mentionnons aujourd’hui les réflexions stimulantes d’un Thomas Piketty, qui démontrent que les inégalités n’ont rien d’une fatalité et, qu’en tant que constructions culturelles elles peuvent parfaitement être déconstruites comme cela a été le cas dans l’Histoire.
(Voir aussi :
https://www.arte.tv/fr/videos/088471-003-A/28-minutes-samedi/ )
Même si on se demande s’il n’est pas grand temps désormais d’envisager la question de la justice dans sa dimension supranationale, perspective qui peut paraître trop réduite dans l’approche de Th. Piketty.
Souhaitons qu’elle fasse l’objet d’une nouvelle « somme ».
« Allons – me dit Stultitia – il n’est pas encore temps de jouer les ermites et les belles âmes dans l’une de tes cabanes favorites ».
On va tout de même essayer de reprendre le sac des préoccupations de ce monde.
Même s’il est bien pesant, et combien plus lourd à porter que mon cher sac de montagne…
À bientôt donc !