De la 12G, du principe d’inertie et de l’hypocrisie qui fait encore nos beaux jours ainsi que ceux du politique.

Oui, oui. Vous avez bien lu.

Il s’agit bien ici de la 12G, et non de la 5. On ne voit pas pourquoi en effet on s’arrêterait à la 5. Car attention : une G peut en cacher une autre ! Pourquoi justement « 5G » « plutôt que une ou deux ou trois » comme le chantait notre chère Annie Cordy à propos d’une autre addiction, et surtout que 6, 7, 8 … ou 12.

Car après 5 viendra 6, après 11 viendra 12 aussi sûrement qu’après l’automne viendra l’hiver et qu’après nous viendra le déluge…

Ce déluge dont tout le monde parle depuis que la préoccupation écologique fait, pour le meilleur et pour le pire, la « Une » de tous les quotidiens, de tous les journaux télévisés, et de tous les discours politiciens.

Je ne suis en rien un spécialiste de la technologie des réseaux mobiles. Avant que je n’arrête d’enseigner, il y a de cela sept ou huit ans, l’une de mes élèves s’extasia un jour devant mon petit téléphone Nokia – celui que j’utilise encore-, vaillant représentant d’une technologie 2G déjà frappée d’obsolescence : « Ça alors ! C’est celui que j’avais quand j’étais petite ».

Je ne suis donc pas en mesure de discuter des avantages et inconvénients techniques, sanitaires, environnementaux etc. que représenterait ce passage à la 5G.

Des articles le font bien mieux que ce dont je suis capable.

Mon propos n’est donc pas de commenter de tels aspects.

La question qui m’intéresse est autre, et me paraît non moins essentielle.

Car notre positionnement par rapport à la 5G me semble hautement significatif et symbolique.

Il constitue un test, un révélateur qui nous met, nous, nos choix et nos politiques, au pied du mur.

« La décision sur la 5G concentre tous les éléments du débat sur la croissance, sans limite ou sobriété ». (Delphine Batho, citée dans : Le Monde, Treize questions pour comprendre la 5G et dépasser les caricatures, article cité en lien ci-dessus).

Car là est bien l’enjeu : au-delà de beaux discours qui ne mangent pas de pain, sommes-nous réellement capables de renverser la vapeur, de poser des actes, ne serait-ce qu’un premier geste quasi anodin mais qui aurait pourtant valeur de symbole ?

Qui va commencer ? Par quoi va-t-on commencer ? Et quand ?

La 5G nous confronte à cette épreuve de vérité.

Pour enrayer un tel enchaînement mécanique vers un toujours plus de consommation, de gaspillage et de pollution, il faudrait effectivement une volonté citoyenne et politique ; une volonté qui sache dire « Halte ! Arrêtons – au moins pour un temps – cette course au superflu, et prenons un moment pour réfléchir aux conséquences de ce que nous faisons. Décrétons un moratoire. Mieux : plusieurs, qui pourraient concerner différents sujets : publicité, aviation de proximité, pesticides, etc. ».

« Tiens – me rappelle Stultitia – à propos de la 5G, c’était justement la proposition de la Convention citoyenne pour le climat. Avant que ces braves citoyens se fassent traiter d’Amish nostalgiques de la lampe à huile ».

Aurons-nous le courage, dans le cas de la 5G, de cette sobriété minimale, de ce renoncement si insignifiant, mais qui manifesterait pourtant notre capacité à vaincre l’inertie, tout simplement notre liberté face à l’emprise sur nos vies de la technologie superflue et du consumérisme ?

Toutes choses dont les excès, nous le savons et le répétons, sont à l’origine des bouleversements et désastres environnementaux dont nous sommes d’ores et déjà victimes.

Sommes-nous capables d’échapper à l’escalade dérisoire d’un toujours plus qui nous fait considérer comme de première importance un gain de quelques secondes sur un téléchargement ? De surmonter cet esprit de compétition infantile qui nous pousse à décréter de façon grotesque que le « progrès » consiste à rester au niveau ou à dépasser le concurrent chinois, américain ou coréen qui, lui, a la 5 G, puis la 6, puis la 24, puis la 52, et peut, lui, télécharger son film porno ou sa série Netflix en 10 secondes alors qu’il nous en faut 20 ou 30 ?

Tout ceci au nom de la Sainte Trinité, Progrès, Compétitivité, Retour de la Croissance, alors même que la seule compétitivité qui s’avère désormais urgente est celle de la désescalade du consumérisme.

À en croire Eric Piolle, le maire écologiste de Grenoble, la 5G servirait à « regarder des films porno en haute définition dans l’ascenseur » ou à « vérifier [à distance] si on a encore des yaourts dans son frigo ». Quoique provocateur et caricatural, M. Piolle ne trahit pourtant pas complètement la réalité. Contrairement à ce qu’ont pu apporter les précédentes générations de téléphonie, qui ont permis de profiter pleinement de l’Internet mobile, la 5G ne sera pas porteuse, à son lancement, de nouveaux usages à destination du grand public.

Elle permettra « juste » une amélioration du service existant : téléchargement plus rapide des contenus, meilleure expérience pour les adeptes de jeux vidéo. Certains gagent aussi qu’elle pourrait enfin donner sa pleine puissance à la réalité virtuelle, grande consommatrice de données (Le Monde, Treize questions…, article cité en lien ci-dessus).

Alors ce « jeu » de la 5G en vaut-il vraiment la chandelle ? N’est-il pas au contraire plus urgent de siffler la fin de la récré ?

L’enjeu est donc essentiellement celui de la cohérence, celle de nous-mêmes à travers celle de nos actes et de nos discours.

Car si nous n’arrivons pas à faire ce petit pas, si nous préférons – en dépit de quelques avantages peut-être réels – nos divertissements futiles à un renoncement somme toute assez anodin et indolore, mais qui pourrait tout de même selon toute vraisemblance représenter des gains écologiques non négligeables, pourrons nous encore croire, en nous-mêmes, en notre parole, en nos capacités de citoyens et en la capacité de nos politiques à influer sur un avenir que nous savons bien compromis ?

Les gains d’efficacité énergétique attendus par le passage à la 5G – antennes plus « intelligentes » qui n’émettront plus en continu dans toutes les directions, meilleure maîtrise de la consommation, développement d’utilisations moins énergivores, comme les visioconférences… – risquent d’être annihilés par l’accroissement des usages qui en découlera. Le groupe de réflexion The Shift Project, qui étudie les impacts environnementaux du numérique, estime que la consommation d’énergie des opérateurs mobiles sera multipliée par 2,5 à 3 dans les cinq ans, soit une augmentation de 2 % de la consommation en électricité du pays.

C’est l’une des autres critiques émises par les opposants à la 5G : elle va entraîner une hyperconsommation numérique, à rebours des objectifs de modération suivis pour atténuer le dérèglement climatique.

Le passage à cette nouvelle norme impliquera, pour les consommateurs, de changer de smartphone. Or, le rythme de renouvellement des téléphones est déjà très rapide, de l’ordre de dix-huit à vingt-quatre mois. Les constructeurs espèrent d’ailleurs que la 5G dopera des ventes en berne ces derniers temps. Son déploiement va donc à l’encontre de la stratégie qui consiste à limiter l’obsolescence (programmée ou désirée) des smartphones. Son développement devrait par ailleurs stimuler fortement la croissance des objets connectés dont le traitement des données, réalisé dans le cloud (l’informatique dématérialisée), va mécaniquement alourdir l’empreinte carbone du numérique. (Le Monde, Treize questions…, article cité en lien ci-dessus).

Somme toute, l’enjeu essentiel du débat autour de la 5G est avant tout de savoir si, dans les circonstances difficiles que nous avons à affronter, nous pouvons être dignes de confiance, nous pouvons garder l’estime de nous-mêmes et nous regarder dans la glace devant nos enfants et nos petits-enfants.

Ou bien si nous nous satisfaisons d’être indéfiniment ces quelques milliards de bavards dérisoires qui désormais se feront délicieusement peur en échangeant « en temps réel » sur leurs smartphones compatibles 12G, bien sûr, quelques tweets et quelques vidéos sur le réchauffement climatique et la perte de la biodiversité. Histoire de nous donner mauvaise conscience entre nos tranches de Netflix en ultra haute définition.

Et pendant que nos centrales énergétiques diverses consumeront leurs derniers feux pour alimenter nos derniers caprices.

*****

Ajout du 01/10/2020:

Sans surprise:

https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/01/les-citoyens-de-la-convention-pour-le-climat-a-matignon-pour-defendre-leurs-propositions_6054299_3244.html

« On enterre nos mesures »

Car des petites phrases moqueuses aux nombreuses objections faites à leurs propositions par des membres du gouvernement, les conventionnels ont de quoi douter. Ce fut le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, qui écarta la composante poids dans le bonus-malus automobile, la régulation de la publicité ou une future hausse de la taxe sur les billets d’avion. Le ministre délégué aux transports, Jean-Baptiste Djebbari, qualifia, lui, cette dernière mesure de « délétère » et susceptible de « mettre à terre le secteur aérien ». A son tour, le secrétaire d’Etat chargé de la transition numérique, Cédric O, annonça une fin de non-recevoir au moratoire sur la 5G, après les railleries d’Emmanuel Macron sur les « amish » et le « retour à la lampe à huile ».

Barbara Pompili eut beau tenter de les rassurer, en leur affirmant que seul comptait le projet que le gouvernement mettrait sur la table, nombre de citoyens expriment leur inquiétude. « On a vu tous les ministères, tous les élus et les entreprises, mais rien n’avance. On nous occupe pendant que tout est en train d’être décidé sans nous et que l’on enterre nos mesures. Et quand ça rue dans les brancards, les ministres nous convoquent du jour au lendemain pour éteindre le feu », juge ainsi, amère, Isabelle Robichon, gestionnaire de paie à La Poste dans les Hauts-de-Seine.

« Quand on voit l’investissement que l’on continue à fournir bénévolement, mais que des gens qui sont payés pour représenter la population s’essuient les pieds sur nos propositions, c’est démoralisant, peste aussi Matthias Martin-Chave, un développeur Web lyonnais. Parfois, je me demande si le but n’est pas que l’on lâche prise et que l’on laisse gagner les plus puissants. » Pour Eloïse, en première année de médecine à Lille, qui était l’une des sept mineurs de la convention, « on nous reçoit souvent, on nous prend au sérieux, maintenant il faut du concret ».

Et sans commentaires…

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