Une « chronique » de Stéphane Foucart évoque le sujet hélas récurrent du « deux poids deux mesures » à l’occasion des récentes manifestations à propos des « mégabassines ».
Je ne fais qu’en reproduire quelques passages, tellement l’article se passe de commentaires.
Tout d’abord pour rappeler qu’en dépit de l’insistance habituelle des médias à propos des « violences », les revendications des manifestants ont essentiellement pour but de faire respecter le droit, alors même que l’Etat faillit à sa mission.
Des réserves d’eau de substitution jugées illégales par la justice continuent d’être exploitées sans que l’Etat, prompt à interdire les rassemblements des militants écologistes au nom du respect du droit, n’y trouve rien à redire.
La guerre de l’eau que se livrent, en France, les grands irrigants, d’une part, et les défenseurs de l’environnement et de l’agriculture paysanne, de l’autre, est intéressante à plus d’un titre (…) : elle est intéressante car elle jette une lumière crue sur les partis pris de l’Etat et sur l’asymétrie radicale de son action dans les situations de conflits sur l’usage de la nature et des biens communs en général. Le productivisme y semble l’emporter sur toute autre considération, qu’elle relève de la science ou même du droit.
On le sait, aux dires de la quasi-totalité des chercheurs et scientifiques, ce type de réserve d’eau constitue une aberration écologique.
En particulier du fait que, outre le gaspillage par une évapotranspiration considérable, à la différence de réserves constituées par le ruissellement, déjà sujettes à caution, elles pompent directement dans des nappes phréatiques qui s’avèrent toujours plus déficientes.
Et cela pour irriguer des cultures inappropriées (maïs en particulier) qu’il est désormais urgent, du fait du réchauffement climatique, de remplacer par d’autres plus résistantes à la sécheresse (de type sorgho, par exemple).
Il n’est donc pas étonnant que les autorités compétentes s’y opposent, avec l’aval de la justice :
Mais celle-ci « semble n’avoir pas plus de prise sur le cours des choses. Par exemple, le barrage de Caussade, en Lot-et-Garonne. Par la signature du préfet, l’État l’autorise en juin 2018, en dépit des avis défavorables de l’Autorité environnementale, de l’Agence française de la biodiversité, du Conseil national pour la protection de la nature. Saisie par des opposants, la justice le déclare quelque mois plus tard illégal, mais les porteurs du projet n’en ont cure. Ils lancent les travaux ».
(…)
Aujourd’hui, France Nature Environnement recense cinq décisions de justice, de différentes juridictions, confirmant l’illégalité de l’ouvrage. Il est toujours là, avec sa retenue de près de 1 million de mètres cubes.
Étonnant contraste donc avec la situation qui est faite à celles et ceux qui, en toute légalité, ne demandent rien d’autre que le respect du droit :
Ces situations sont d’autant plus choquantes que l’État déploie – brandissant le respect du droit en étendard – des moyens considérables pour entraver toute protestation. Interdictions de manifester, mobilisation d’hélicoptères, barrages filtrants déployés pour empêcher les rassemblements d’« écoterroristes », etc. Les forces de l’ordre utilisent pour surveiller et confondre ceux-ci des systèmes généralement réservés à l’antiterrorisme (…).
Nul ne saurait contester la réalité des débordements et des dégradations matérielles qui se sont produites ce week-end autour des bassines de Sainte-Soline et de Mauzé-sur-le-Mignon. Mais la débauche de moyens dépêchés par l’État pour les empêcher contraste cruellement avec la tranquillité opérationnelle dont jouissent les tenants de l’agro-industrie lorsqu’ils malmènent des journalistes ou des opposants à leurs projets.
Et Stéphane Foucart de conclure par une remarque de pur bon sens :
L’État de droit est, paraît-il, un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit et où l’égalité de traitement de chacun est garantie. Que le simple rappel de cette définition puisse ces jours-ci sembler tout à coup si subversif : cela devrait tous nous inquiéter.
L’inquiétude concernant la légitimité de mesures gouvernementales et le grave manque de concertation est pour le moins d’actualité.
Peut-être serait-il alors bienvenu que ledit gouvernement ne multiplie pas les preuves flagrantes qu’en plus de tout dialogue, il se moque ouvertement de l’État de droit.
« Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir »
Il n’est peut-être pas indispensable de démontrer une fois de plus combien notre brave La Fontaine continue à être d’actualité…
*
Ajout:
Du « Monde » de ce jour:
****
****
On note ces derniers temps une propension – hélas peu étonnante quand on en connaît les innombrables précédents – à brader des valeurs fondamentales à la moindre sollicitation de ceux qu’on estime être les « puissants » de ce monde.
Mardi 21 mars au matin, sur Franceinfo, le coordinateur de La France insoumise (LFI), Manuel Bompard, interrogé sur l’émission d’un mandat d’arrêt international pour crimes de guerre contre Vladimir Poutine par la Cour pénale internationale (CPI), a estimé : « Je ne suis pas sûr que ça apporte grand-chose, je trouve plus intéressante l’initiative prise par la Chine de proposer un plan de paix, c’est quelque chose qui peut être une solution. » « La France ferait mieux d’essayer de participer à une initiative coordonnée », a-t-il ajouté.
Et, dans la foulée de cette initiative ô combien courageuse,
Les Républicains, socialistes, écologistes, et du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) étaient réunis dans une conférence en prévision de l’examen, dans une semaine, de la proposition de résolution transpartisane « portant sur la reconnaissance et la condamnation de la grande famine de 1932-1933 [en URSS], connue sous le nom d’Holodomor, comme génocide ». Soit tous les membres de l’« arc républicain », souligne-t-on du côté de Renaissance. Communistes, « insoumis » et députés du Rassemblement national n’y participeront pas.
Manifestation, une fois de plus, d’une réjouissante, mais bien peu surprenante communauté de pensée.
La résolution, votée en décembre au Parlement européen, y compris par les « insoumis », est une réponse au gouvernement ukrainien, qui a plusieurs fois exprimé son souhait de voir coïncider soutien à l’Ukraine et reconnaissance de l’Holodomor. Mais le parallèle effectué entre les crimes staliniens – les famines de masse des paysans ukrainiens en 1933 – et la guerre actuelle plaît peu dans la représentation nationale, côté communiste et « insoumis ».
Pas plus qu’elle ne plait du côté chinois, faut-il le préciser.
Mais sans doute de tels analystes – ou plutôt manipulateurs – considèrent-ils comme négligeable le fait que le plan de « paix » chinois en question ne fasse pas une seule fois mention d’une quelconque agression, pas plus que d’une violation du Droit International ou d’un retrait des troupes russes. C’est la « paix » du fait accompli, rien de plus. Comme au Tibet.
Surtout ne risquons pas de froisser l’ami russe, n’est-ce pas…
Entérinons donc l’annexion des Sudètes. Après tout, la Tchécoslovaquie n’a jamais été une nation, pas plus que l’Ukraine, comme dit le copain de Moscou. Et que vive la « paix » d’un « peuple heureux rotant tout seul dans sa mangeoire » selon les paroles du vieux Léo.
Que la Pologne et les autres suivent, qu’importe. « « Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre » disait Churchill.
Bien plus lucides et honorables sont les paroles de Jens Stoltenberg :
« La Chine doit comprendre le point de vue de l’Ukraine et dialoguer directement avec le président Zelensky. Toute solution de paix pour l’Ukraine doit être fondée sur le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Ukraine » (…) « Un cessez-le-feu ou toute solution qui ne respecte pas la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine ne sera qu’un moyen de geler la guerre et de permettre à la Russie de reconstituer ses forces et d’attaquer à nouveau. Ce ne sera pas une paix juste et durable », a-t-il averti.
Jens Stoltenberg a par ailleurs à nouveau exhorté Pékin à ne pas fournir d’aide militaire à la Russie. « Ce serait soutenir une guerre illégale, prolonger la guerre et soutenir l’invasion illégale de l’Ukraine. C’est quelque chose que la Chine ne devrait pas faire. »
Il est vrai qu’il s’agit là, comme nous le serinent depuis des lustres nos tartuffes d’extrême droite et d’extrême « gauche » en écho à M. Poutine, de l’émanation de cette infâme Otan qui impose son diktat pro-américain à de pauvres nations totalement assujetties et décérébrées.
Rappelons tout de même en passant que les députés suédois se sont récemment prononcés par une écrasante majorité démocratique de 269 voix contre 37 en faveur de l’adhésion de leur pays à l’Otan.
Tout comme la totalité des pays situés sur la frontière occidentale de la Russie (sauf la très démocratique Biélorussie et la Finlande dont l’adhésion est en cours), pour lesquels les ambitions de celle-ci sont tout sauf anodines.
Eux n’ont oublié ni l’Union Soviétique ni les Sudètes.
De Wikipedia : « [En 1938, Hitler] assure aux Français et aux Britanniques qu’une fois ce dernier problème résolu [l’annexion des Sudètes], l’Allemagne aura atteint tous ses objectifs territoriaux en Europe et ses frontières définitives : « l’Europe connaîtra ensuite la paix pour mille ans » » Sic.
À bon entendeur, salut.
***
Ajout du 29/03:
Un Thema d’Arte remarquable, en quatre volets, avec la participation éclairante de Pierre Haski.
Pour mieux comprendre le genre de « paix » qu’affectionne le gouvernement chinois ;
https://www.arte.tv/fr/videos/RC-023557/les-camps-secret-du-pouvoir-chinois/
ainsi que, n’en déplaise aux anti-américains primaires, la catastrophe pour la démocratie que signifierait une démission des USA dans cette partie du monde:
https://www.arte.tv/fr/videos/111082-000-A/nous-sommes-taiwan/
https://www.arte.tv/fr/videos/110991-000-A/taiwan-la-peur-de-l-invasion/
*
Ajout du 31/03:
Et à propos de quelques « plans de paix » médiatiques,
cet excellent article en accès libre: