Pas le cœur aujourd’hui de me lancer dans des élucubrations politiques ou philosophiques.
Ni simplement d’expliquer pourquoi ce blog a dû, contraint et forcé, changer d’hébergeur et de look. J’y reviendrai dans quelques jours, après un peu de silence.
Comme nombre d’entre nous, je suppose, je suis encore sous le coup des images terribles de ces dernières heures.
Comme nombre d’entre nous, je pleure Notre Dame.
Et j’ai simplement envie de lui adresser quelques mots de compassion et de reconnaissance.
Notre Dame !
En hiver, en été, dans la brume et la frêle lumière du printemps, dans les ors de l’automne, dans les joies et dans les peines, comme nous t’avons aimée !
Tu avais fini par nous faire croire que la beauté est immortelle.
Et puis ces images !
Comment aujourd’hui penser à autre chose, parler d’autre chose ?
Et moi, le vieil homme, comment puis-je accepter de ne plus revoir, sans doute, avant de mourir, ta flèche veillant sur les quais et les toits ?
C’est impossible. J’ai tant de mal à l’imaginer. Tant de mal à le supporter.
Même du plus loin de ma retraite, même si étranger aux choses de Paris, j’avais besoin, j’ai besoin de te savoir là, impassible, au-dessus du tumulte médiocre de nos vies, dans la douce force de ta sérénité.
Comme il sera désormais difficile de vivre avec ton image blessée !
Ta ruine nous meurtrit.
Serait-elle un symbole ?
Celui de notre pauvre monde en souffrance où, les unes après les autres, périssent les beautés, emportées par les cendres de l’absurdité et de l’insignifiance ?
Notre Dame qui a déjà connu tant d’épreuves !
Et pourtant, j’ai tant besoin aujourd’hui de croire que tu ne nous abandonneras pas à notre détresse.
Que tu seras encore en ces jours de Pâque, pour ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas, le signe d’une espérance tenace, invincible, capable de fendre la mer, de briser les ruines et les tombeaux, capable de traverser les mondes et les temps.
Blessée, mutilée, ton témoignage n’en est que plus fort. Ce que tu as porté, ce que tu portes en toi ne peut mourir.
Heureux ceux qui vivent d’y croire !
Sur Notre D(r)ame de Paris, voici un oeuf de Pâques cadeau, à déballer avec délicatesse avant de déguster :
https://theconversation.com/pourquoi-le-luxe-vole-au-secours-de-notre-dame-115692
J’avoue que je suis un peu déçu par cet article trop réducteur à mon goût.
Certes, l’auteur a raison de dénoncer les mille façons qu’ont le luxe et la richesse de se mettre en avant, d’utiliser toutes les occasions possibles pour se faire valoir et admirer.
Tout cela est bien petit.
Mais ce serait aller vite en besogne que de confondre le sacré propre à l’art et à la beauté avec une sacralisation grossière du luxe et du luxueux.
Car il s’agit de deux mondes bien différents.
Pour ma part, je trouve suprêmement énigmatique et émouvant de constater que, quelle que soit l’époque et la civilisation, la richesse ou la pauvreté, les productions humaines semblent partout et toujours donner raison à la profonde réflexion de l’historien Pierre Chaunu : « l’homme n’est homme que quand il consacre le meilleur de ses efforts à l’inutile ».
Tout comme le facteur Cheval usant sa vie à construire son « Palais », ainsi que nous le rappelle avec sensibilité un film récent, d’innombrables pauvres et malheureux, d’innombrables « hommes du commun », ont vu dans la réalisation d’œuvres emblématiques la révélation même de leur inaliénable dignité, peut-être liée au mystère d’un sens qui les dépasse. Quel qu’en soit le coût, quel qu’en soit le poids sur leurs forces vitales.
Peut-être aussi simplement pour confirmer l’obscure conscience que « ce que j’ai fait jamais aucune bête ne l’aurait fait », comme le disait Henri Guillaumet.
Et à cette grandeur-là, les riches et leur luxe « n’entravent que couic », comme gueulait encore le vieux Léo.
Fort heureusement…