Je rapporte ici un de mes commentaires récents à propos de la question de la PMA pour toutes.
Je suis depuis toujours défenseur des droits des LGBT. Mais voilà : il y a une différence entre fantasme et droit. Le fait qu’un noir veuille devenir blanc ou inversement, qu’un homme veuille se faire implanter un utérus n’a rien à voir avec une revendication d’égalité. Il s’agit d’un fantasme de similitude qui, en tant que tel n’a pas à être assumé par le droit. Il en va de même du fantasme de procréation dans le cas d’un couple homosexuel. Or, les partisans d’un tel fantasme l’ont faussement présenté comme revendication d’un droit dont ils seraient exclus. D’où l’engagement compréhensible en leur faveur de personnes bienveillantes attachées à l’égalité. Elles sont cependant abusées : dans cette affaire, l’inégalité de droit bien réelle touche les enfants qui seront arbitrairement privés à leur naissance de la représentation de la diversité des sexes dont bénéficient leurs semblables. Il est à prévoir qu’une telle inégalité ne sera pas sans séquelles, psychiques autant que juridiques.
Depuis quelques années que je dénonce cette confusion entre similitude et égalité, je n’ai jamais été contredit.
https://stultitiaelaus.com/2017/06/27/pma-lethique-supposerait-elle-lincoherence/
Bien au contraire, le Conseil d’État s’oppose lui-même à une telle confusion dans sa décision du 2 octobre 2018 lorsqu’il déclare à propos du refus de la PMA pour les lesbiennes : « le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ».
Pourtant, les seules réponses que j’ai reçues ont été des insultes diverses, accusations d’homophobie totalement infondées étant données mes prises de positions claires et réitérées en faveur du droit des personnes homosexuelles.
Mais jamais personne n’a remis en question de façon rationnelle le fond de l’argumentation concernant la confusion entre similitude et égalité.
Si donc il s’agit d’un raisonnement fondé, comment se fait-il que le discours standard concernant la PMA pour toutes l’ignore ostensiblement ?
Ce faisant, il devient le promoteur ou le complice d’une supercherie inadmissible qui, en dévoyant les notions d’égalité et de droit occulte la véritable inégalité et la véritable injustice : celle qui frappe des enfants qui se voient délibérément privés de père.
Le devoir des parents, de la société, de l’éthique, du droit et du politique est de procurer aux enfants les conditions les plus favorables à leur épanouissement.
Or absolument rien ne peut laisser supposer que leur imposer l’effacement d’un père (dans le cas de la PMA pour toutes) ou d’une mère (dans le cas de la GPA pour les couples gays) puisse aller dans le sens de cet épanouissement.
Comment ose-t-on alors soutenir qu’un fantasme de similitude qui est le fait des parents devrait être privilégié par rapport à l’intérêt supérieur de l’enfant, tel qu’il est reconnu par l’article 3 de la Déclaration des Droits de l’Enfant ?
Il y a là un grave manquement à l’éthique la plus élémentaire.
Les sondages d’opinion se fondent en général sur des formulations qui mettent en avant l’inégalité, l’injustice ou la discrimination qui frapperaient les couples de lesbiennes.
Et l’accès à la PMA pour toutes est donc présenté comme la revendication d’un droit légitime.
Or, cette légitimé se voit justement anéantie dès lors qu’une telle revendication apparaît comme ce qu’elle est effectivement : une supercherie édifiée sur une confusion délibérément entretenue.
Hélas, bien des personnes « de bonne volonté » mal informées, y compris dans le monde politique, sont persuadées d’accomplir œuvre de justice lorsqu’elles s’engagent en faveur de la PMA pour toutes, alors qu’elles sont en fait les victimes de manipulations.
Cela peut être en particulier le cas de partis politiques qui ont inscrit de bonne foi un tel projet dans leur programme sans prendre conscience de l’incohérence et de l’imposture qui le caractérise.
Il est probable que des sondages d’opinion effectués sur la base d’une exigence du respect des droits de l’enfant –
(si l’on demandait par exemple aux personnes sondées : « Pensez-vous que priver délibérément un enfant de père respecte le droit supérieur de l’enfant tel qu’il est défini par la Déclaration des droits de l’Enfant ? »)
– procureraient des résultats très différents de ceux que recueillent les enquêtes mettant implicitement en avant l’argument invalide de la discrimination.
Hélas, les manipulations idéologiques récurrentes ayant occulté ce caractère invalide de l’argument en faveur de la PMA pour toutes, et des campagnes hystériques tout aussi idéologiques ayant contribué à rendre inaudible le bien-fondé de sa contestation, la démagogie et l’affectivité irrationnelle se sont désormais emparé de l’affaire.
Et contre toute légitimité, toute justice et tout bon sens, la PMA pour toutes apparaît dorénavant comme un marqueur incontestable de l’ouverture d’un programme politique et de l’engagement en faveur du droit et de la justice du parti qui le défend.
Il importe donc, une nouvelle fois, de dénoncer cette supercherie.
Outre le mépris du droit de l’enfant qu’elle manifeste à l’évidence, elle contribue à accroître encore le danger d’une assignation de la médecine à la réalisation de désirs et de fantasmes (grossesses de femmes ménopausées, greffes d’utérus sur les hommes, etc.) qui pervertissent sa vocation thérapeutique.
Mon opposition aux actuelles manœuvres démagogiques concernant la PMA pour toutes n’est en rien dictée par un quelconque rejet idéologique d’une tendance politique.
J’ai précisé à diverses reprises ma position sur la question (par ex.).
C’est pourquoi je suis une nouvelle fois outré de constater l’apparent triomphe d’arguments incohérents, privés de consistance éthique et philosophique, alors que les personnes qui ont le courage de développer des raisons fondées sont livrées au soupçon, voire à une inquisition répétée.
Même si je ne partage pas toutes les opinions de Mme Agnès Thill, je me permets donc de l’assurer de mon soutien alors qu’elle doit de nouveau comparaître devant la commission des conflits de La République en Marche ce mardi 25 juin uniquement pour ses positions affirmées concernant la PMA pour toutes, et que des médias piteusement asservis à la démagogie ambiante n’ont pas daigné publier sa Tribune
Agnes Thill – convocation commission des conflits – 140619.
Si, comme me le rappelle Stultitia, Érasme reconnaît que « L’esprit de l’homme est ainsi fait que le mensonge a cent fois plus de prise sur lui que la vérité », le propre du politique est d’œuvrer pour renverser autant que possible la dictature de la supercherie et de la démagogie.
Ajout 26/06: Je ne croyais pas si bien dire lorsque je parlais à Claustaire (cf. commentaires ci-dessous) de procès de Moscou. Nous y voilà donc.
Il est cependant à craindre qu’il s’agisse d’une victoire à la Pyrrhus.
Certes la démagogie triomphe, mais la crédibilité d’un parti – et du politique en général – se trouve une nouvelle fois durablement compromise, tellement l’argumentaire de la « vaincue » présente une cohérence logique, philosophique et éthique supérieure aux diverses supercheries développées par la partie adverse comme on l’a montré bien des fois ici [précision: car la stratégie est simple. Une fois qu’on a asséné l’argument – frauduleux donc – de l’inégalité et de la discrimination, toute contestation se voit qualifiée d’homophobie].
Et l’on ne peut espérer réhabiliter la fonction politique quand celle-ci démontre à quel point elle privilégie l’imposture par rapport à la loyauté.
Bon courage en tout cas à Mme Thill, dans sa lutte contre un monde qui réduit l’éthique à la satisfaction des désirs et des fantasmes, et qui entraîne le politique dans cette funeste dissolution.
Ajout 28/06:
Quelques commentaires de desideriusminimus suite à l’article:
Bonjour,
Ce n’est pas la première fois que nous échangeons sur ce thème, me semble-t-il.
Comme vous, je trouve étonnant que notre société se soucie d’institutionnaliser la programmation de la naissance d’orphelins.
Ce qui durant des siècles, des millénaires, aura passé pour une tragédie (qu’un enfant perde son père ou sa mère) est devenu maintenant, puisque techniquement possible, un droit revendiqué par et pour tous.
On me dira que ce sont les mêmes qui continuent de se multiplier sur une planète dont ils sont par ailleurs, par leur mode de vie et leur nombre, en train d’épuiser les ressources vitales de renouvellement.
Et pourtant, on le sait : nombreux finiront noyés parmi ceux qui croient encore pouvoir dire : « Après nous le déluge ! »
Bon courage dans votre engagement. Ce sont les chants les plus désespérés qui sont les plus beaux, dit-on.
Bonsoir Claustaire.
Merci pour vos encouragements.
Ce n’est pas en effet la première fois que nous échangeons sur le sujet.
Mais même si les arguments sont loin d’être nouveaux, il m’a semblé important de soutenir Agnès Thill face à ces accusations honteuses.
« L’ancien monde » a de beaux restes, semble-t-il. Va-t-on relancer la mode des procès de Moscou ?