Des arbitrages. Variations sur un thème au cœur du politique.

Un « test Bachelot » pour distinguer fiabilité politique et démagogie.

Bien sûr, yaka-faucons et autres yavéka-falékons (cf. post précédent) ne disent pas que des bêtises.

Mais en ce qui concerne une politique de prévision des épidémies, force est de reconnaître que la plupart des actuel.le.s donneuses et donneurs de leçons se montreraient incapables de passer le « test Bachelot », qui met en évidence ce qui relève de la recherche effective du bien commun et ce qui ne relève que de la démagogie.

Combien en effet n’ont pas crié « haro sur le baudet » au moment de l’épidémie de H1 n1, alors qu’ils fustigent aujourd’hui l’absence de stocks de masques ou de moyens appropriés ?

Une petite enquête sur le sujet démontrerait rapidement – noms à l’appui – que les postures purement politiciennes ou plutôt politicardes sont largement majoritaires par rapport à la compétence effective ou au réel souci du bien commun.

Combien en effet, y compris dans son propre camp, se sont précipités pour accuser d’inadmissible gabegie la rare politicienne ayant osé un arbitrage réaliste et défendu une stratégie à peu près cohérente sur le sujet ?

Certain.e.s argueront du fait qu’ils n’étaient pas présents en politique dans ces années. Mais au vu de la ligne alors adoptée par leurs partis, tout laisse à penser qu’ils auraient hurlé avec les loups…

Mais laissons ces imposteurs à leurs pitoyables tricheries qui discréditent leur parole, et essayons d’aborder l’une des questions essentielles qui se pose en ce moment en politique, celle des arbitrages.

Arbitrer en temps de crise sanitaire.

Car si elle paraît à tort moins cruciale en période de calme relatif, la question des arbitrages révèle son caractère central dès que la crise se profile, caractère appelé à être encore renforcé dans « le monde aux ressources contraintes » qui est déjà le nôtre.

Faut-il confiner ou ne pas confiner ?

Le confinement appliqué dans des écosystèmes fragiles pourrait en outre se révéler totalement inadapté. En l’absence de revenu minimum, les plus pauvres devront vite ressortir chercher du travail, ce qui relancera l’épidémie. En Inde, le confinement a surtout consisté à chasser les ruraux et les migrants des villes, ce qui a conduit à des violences et des déplacements de masse, au risque d’aggraver la diffusion du virus. Pour éviter l’hécatombe, on a besoin de L’État social, pas de L’État carcéral.

Thomas Piketty, Le Monde.

Je considère que nous entrons dans une période où le confinement aura plus d’inconvénients (économiques, psychologiques, familiaux, médicaux) que de bénéfices.

William Dab, Le Monde.

Et lorsque les moyens arrivent à saturation, faut-il accorder à tous l’accès aux soins ou bien faut-il se résoudre à laisser de côté certaines personnes, et lesquelles ?

Dans un monde aux ressources contraintes [mais, on le sait, c’est aussi le cas actuellement dans certains hôpitaux], il faudra faire des choix dans l’allocation des moyens. Dans la représentation la plus « morale » du lien entre enfants et parents, ces derniers sont toujours invités à se sacrifier pour leurs enfants s’il n’y a pas assez pour tous, et ce parfois au péril de leur vie (« les femmes et les enfants d’abord », rappelez-vous).

Est-il humaniste de prôner que, si on ne peut pas tout faire, la société privilégie le maintien en vie, dans de mauvaises conditions, de personnes qui ont déjà longuement vécu, au détriment de l’avenir de ceux qui ont encore une large partie de leur existence devant eux ? A tout le moins ça doit pouvoir se discuter (…)

J.M Jancovici, Le Point.

Faut-il privilégier la santé ou l’économie ?

La question ne se limite pas à quelque caricature trumpienne ou bolsonarienne, quand on sait qu’une grave récession économique peut entraîner des troubles plus meurtriers encore qu’une pandémie, comme on l’a vu avec la crise de 1929, directement à l’origine de la montée des fascismes et donc de la deuxième guerre mondiale.

Car les risques ne sont pas négligeables :

Cette crise sanitaire et économique pourrait-elle déboucher sur un effondrement généralisé ?

Cela pourrait être le cas par des enchaînements et des boucles de rétroactions, dont les conséquences sont par définition imprévisibles.

Par exemple, si la finance s’effondre, met à mal les États, provoque des politiques autoritaires ou identitaires, cela pourrait déboucher sur des guerres, des maladies et des famines, qui, elles, interagissent en boucle.

Pablo Servigne, dans Le Monde du 10/04.

Comme on le voit, chacune de ces questions, et bien d’autres encore, suscite des réponses qui n’ont rien d’évident, et il est à prévoir que les hordes manichéennes de yavéka-falécons et autres prophètes à posteriori se déchaîneront quels que soient les choix opérés :

« Il aurait fallu reprendre le travail plus tôt pour éviter le chômage de masse et les crises qui ont amené aux explosions de violence et aux guerres qui sont en train de tout dévaster ».

En revanche, le fait de faire prévaloir un certain réalisme économique sur la sauvegarde de la santé publique, serait-ce pour tenter de prévenir des crises potentiellement plus graves encore, se heurterait à coup sûr aux attaques pavloviennes des mêmes yaka-faucons :

« Que de vies innocentes sacrifiées sur l’autel du profit capitaliste ! ».

Etc. etc. etc.

Gouverner, c’est-à-dire arbitrer, n’est certes pas chose facile. Et sans doute beaucoup de donneurs de leçons en salons sont-ils en ce moment bien soulagés de ne pas être aux commandes.

Arbitrer dans un monde aux ressources contraintes.

Comme ce blog essaie depuis bien longtemps de s’en faire l’écho, une politique responsable devrait oser rompre avec l’illusion de toute puissance qu’on s’évertue à entretenir pour des besoins démagogiques et électoralistes.

Car on ne peut pas, on ne peut plus, tout faire et tout avoir « en même temps ». Et il faut désormais avoir le courage de le dire clairement et d’en tirer les conséquences.

Il est impossible de tenir ensemble une augmentation de la croissance, du PIB, du pouvoir d’achat, une transition énergétique et écologique, un maintien du niveau des retraites à âge constant, un haut niveau de protection sanitaire et sociale, un enseignement d’excellence, etc. tout cela accompagné bien entendu d’une baisse des taxes et des impôts.

Faut-il ajouter un raton laveur et la promesse de rasage gratuit pour se rendre compte de l’impossibilité de tels programmes, dangereusement grevés par une illusion démagogique et populiste proprement infantile ?

Il faut à l’évidence arbitrer, opérer des choix, qui feront forcément des mécontents.

Avec l’actuelle crise, qui, comme on devrait le savoir, en cache une autre bien plus grave, qui est celle du réchauffement climatique et de l’épuisement des ressources en énergies fossiles, un grand nombre d’articles – le plus souvent du genre opportuniste -fleurissent dans les médias pour annoncer un changement radical de mode de vie dans l’après pandémie.

Soit.

Un tel changement, dont la nécessité est évidente, aurait pourtant dû avoir lieu depuis bien longtemps (voir le paragraphe sur René Dumont).

Mais même si le diagnostic est loin d’être complet, et si on peut se demander si de telles découvertes soudaines ne relèvent pas de coups médiatiques et d’effets de mode sans véritable lendemain, il faut profiter de cette occasion d’accéder à un peu plus de lucidité.

Encore faudrait-il qu’au-delà des effets de manches, on prenne véritablement la mesure de ce qui est à accomplir, et de ce que cela implique concrètement pour nos vies quotidiennes.

Écoutons encore Jean Marc Jancovici, vieux de la vieille qui a pour lui l’avantage de ne pas s’être aperçu du problème à l’occasion de l’apparition fortuite d’un virus, comme tant de prophètes de la dernière heure, mais qui nous met obstinément en garde depuis plus de deux décennies.

Car ce changement qui nous est indispensable, et dont la crise actuelle pourrait – si nous le voulons bien…-être l’un des déclencheurs, est loin d’être une petite affaire et nécessitera des arbitrages pour le moins douloureux.

Par exemple : 

[Le Point] : Vous ne pensez pas qu’un scénario « 100% énergies renouvelables » soit possible ?

Bien sûr que si, c’est possible. En l’an de grâce 1500, le monde était 100% renouvelables. Un monde « tout renouvelable » est du reste le seul que notre espèce ait connu entre son apparition, il y a 20.000 ans, et… le début de la révolution industrielle. Il n’y a donc aucun problème physique pour y retourner. Ce qui n’est pas possible, c’est d’y revenir avec 500 millions d’habitants en Europe, et 35 000 euros de PIB par personne et par an, et des retraites payées jusqu’à 85 ans.

La révolution industrielle, c’est avoir adjoint aux hommes, grâce aux énergies fossiles, la force toujours croissante d’un parc de machines toujours croissant, qui travaillent la matière à la place de nos bras et jambes, et qui désormais font tout à notre place : les cultures, les vêtements, les logements, les routes et ponts, les transport, et le milliard de produits différents que l’on peut trouver dans le monde.

Continuer à alimenter le même parc de machines surpuissant avec juste des énergies renouvelables, c’est cela qui ne sera pas possible. Un monde 100% ENR est donc un monde où le parc de machines qu’on peut adjoindre par personne sera considérablement plus petit, et la traduction économique de l’affaire est un PIB par personne beaucoup plus petit aussi. C’est cela que le politique n’a pas compris, ou fait semblant de ne pas comprendre (c’est difficile de savoir !) : un monde 100% ENR est un monde où le pouvoir d’achat a beaucoup diminué. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire, je dis juste que c’est mentir que de le promettre sans contraction forte de la consommation.

Ou encore :

Entre autres exemples, promettre aujourd’hui plus de pouvoir d’achat ou des retraites préservées, ce qui suppose plus de PIB, sans expliquer comment on rend cela compatible avec de moins en moins d’énergie, soit pour des problèmes d’approvisionnement, soit pour la sauvegarde d’un climat stable sans lequel il n’y a plus de retraités (ce qui règle le problème !), devrait se heurter immédiatement à un tir nourri de questions incisives et factuelles. Je ne suis hélas pas sûr que la presse s’y emploie !

Etc. etc.

(Pour celles et ceux qui ont le temps – c’est plutôt facile en ce moment –  je recommande l’audition de cette séance de questions réponses. La question des arbitrages y est particulièrement présente, ainsi que des réflexions intéressantes à propos de l’illusion d’un changement rapide une fois sortis de la pandémie, changement qui sera supplanté, dans un premier temps du moins selon toute probabilité, par un retour au « business as usal » du fait de la nécessité urgente – et compréhensible – de recréer l’emploi…).

Ajout 18/04:

Une vidéo de plus:

Santé et arbitrages nécessaires.

Une question lancinante qui se pose donc désormais, question beaucoup plus ample que la crise sanitaire qui la met actuellement en lumière sans ménagement, est celle de savoir comment arbitrer, dans le contexte de décroissance et de contraction qui devient forcément le nôtre, entre ce qui est secondaire et ce qui est essentiel.

L’une des variables de cette équation concernant en particulier la place qu’il convient de réserver à la santé publique et la part de budget qu’il convient de lui consacrer.

On l’a vu, bien des yaka-faucons rivalisant d’incompétence, mais aussi nombre d’avis sérieux et documentés ont souligné – et ceci depuis longtemps -les carences réelles de notre secteur médical.

On ne peut certes qu’être partisan des remaniements et améliorations qui en renforceront l’efficacité.

En fonction de ce qui a été dit plus haut, il convient cependant de ne pas se voiler la face.

Si, comme c’est effectivement le cas, nous ne pouvons continuer à rêver de façon illusoire de tout faire en même temps, sur quel(s) poste(s) et dépenses faudra-t-il nécessairement gagner pour pouvoir assurer la mise à niveau d’un système de santé capable de prendre en charge des événements catastrophiques comme celui qui se présente aujourd’hui ?

Là encore, on est en droit de penser que des arbitrages en faveur d’une élévation considérable du budget de la santé, forcément au détriment d’autres secteurs, ne feront pas que des heureux.

Je ne revendique certes aucune compétence particulière sur le sujet, mais pour ma part, je vois mal comment on peut désormais envisager en ce domaine des arbitrages justes et efficaces en faisant l’économie d’une réflexion et d’un débat sur la nationalisation du secteur de la santé, qu’il s’agisse de la pratique médicale et infirmière, comme de l’industrie et la distribution pharmaceutique.

Alors qu’il est question, à juste raison, d’envisager la nationalisation de banques et d’entreprises pour les sauver de la faillite, que ne réfléchit-on pas à cette possibilité pour ce qui est de notre système de santé ?

Bien qu’elle ne fasse pas partie des attributions dites régaliennes (Armée, Justice, Intérieur, etc.), je ne vois pas pourquoi la question de la santé, de par son importance vitale pour la communauté, pourrait ne pas relever d’une administration nationale, au même titre au moins que les autres grands services publics que sont l’Éducation Nationale, l’armée ou la police.

Est-il cohérent que l’administration de l’impôt relève de l’État, alors que la santé publique, bien éminemment commun, relève en grande partie d’une gestion privée ?

Une nationalisation du secteur de la santé, si elle ne résoudrait certes pas tous les problèmes – cf. par exemple les diverses gabegies régulièrement dénoncées par la Cour des Comptes, la gestion chaotique du budget de l’Éducation Nationale, le coût des fonctionnaires surnuméraires, etc., etc..… – ne pourrait-elle cependant contribuer à un pilotage moins hasardeux de crises telles que celle que nous connaissons aujourd’hui ?

La plus grande partie des dépenses du secteur médical et pharmaceutique étant en outre d’ores et déjà à la charge de la collectivité par le biais de la Sécurité Sociale, on ne voit pas en vertu de quoi médecine et pharmacie ne pourraient pas être considérées légitimement comme des charges de la Nation, au même titre que l’Éducation Nationale ou l’Armée.

Les arguments qui s’opposent à cette possibilité paraissent bien spécieux.

Car en vertu de quoi faudrait-il, par exemple, continuer à considérer qu’un praticien fonctionnaire serait moins compétent ou efficace qu’un libéral ?

Si c’était le cas, la logique la plus élémentaire demanderait alors que les enseignants, pour gagner en efficacité et en compétence, quittent l’Éducation Nationale pour exercer dans le privé, au besoin en pratiquant le dépassement d’honoraires.

Je doute qu’une telle éventualité fasse l’unanimité chez les citoyens.

L’une des vertus de l’actuelle crise est de remettre au centre la fonction de l’État (tout en soulignant hélas l’absence criante d’une organisation efficace au niveau européen), ses responsabilités et son rôle irremplaçable en situation de catastrophe.

C’est la recherche du profit dans l’industrie pharmaceutique qui est à l’origine des très graves carences que nous observons, liées à la délocalisation de la fabrication de médicaments, de matériels et de produits de première nécessité.

Ne serait-il pas de la responsabilité de l’État de lutter contre les déserts pharmaceutiques causés par le libéralisme économique, mais aussi contre les déserts médicaux entraînés par la pratique libérale de la médecine ? Car on ne voit pas par quelle aberration il est impossible de disposer de médecins ou de dentistes dans certaines villes et bourgades, alors qu’y nommer des instituteurs ou des professeurs n’a jamais constitué le moindre problème.

Mais comme l’atteste la citation d’Einstein tellement appréciée par Stultitia :

« On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré ».

Et ce qui manque à la résolution de tels problèmes est sans doute simplement un peu d’imagination et de courage politique.

Arbitrer entre des projets de société

Car l’arbitrage essentiel, désormais vital, est à opérer au niveau politique entre des projets de société, concrètement entre ceux qui poursuivent le mythe de la croissance et ceux qui optent pour une décroissance raisonnée.

J’ai maintes fois évoqué cette nécessité.

Comme on le sait, la pandémie actuelle ne constitue pas une nouveauté dans l’histoire d’une humanité ayant connu la peste, le choléra, la grippe espagnole et autres épidémies dévastatrices.

Mais l’une des nouveautés de cette crise est qu’elle nous fait toucher du doigt l’extrême vulnérabilité de nos sociétés contemporaines.

Ce n’est jamais qu’une manifestation supplémentaire des vulnérabilités multiples qui nous sont maintenant constitutives du fait d’une croissance disproportionnée : vulnérabilité écologique liée au réchauffement climatique dont nous sommes la cause, au gaspillage et à l’épuisement de nos ressources naturelles, à la pression démographique destructrice de la biodiversité ; vulnérabilité face aux zoonoses liées à une promiscuité plus grande avec les animaux sauvages causée par cette même pression démographique ; vulnérabilité face aux sécheresses à venir, au manque d’eau, aux famines du fait de la surpopulation ; vulnérabilité économique et financière; vulnérabilité informatique; vulnérabilité face aux conflits nucléaires, au terrorisme, etc. etc., multiples facteurs que nous connaissons sans nous résoudre à en prendre la mesure, tant nous sommes portés à les couvrir par le virus du déni.

Or, la crise actuelle vient ébranler ce déni qui nous est si intimement constitutif.

Oui, nous sommes mortels et vulnérables. Nous ne pouvons plus échapper à l’évidence.

Dans L’Obsolescence de l’homme, Günther Anders parlait de « décalage » [Diskrepanz] entre ce que nous sommes capables de produire et ce que nous sommes capables d’imaginer.

La situation actuelle nous permet d’imaginer tant soit peu l’ampleur des conséquences qu’un simple petit virus peut entraîner dans un monde aussi vulnérable que le nôtre.

De façon symptomatique, alors qu’elle était prévisible, une telle ampleur a pris de court même des spécialistes de « l’effondrement » ou de la « collapsologie ».

Mais parmi les catastrophes qui nous menacent – dont celles que nous sommes capables de produire – d’autres, peut-être plus considérables encore, nous sont proprement inimaginables.

Il est donc urgent de nous engager désormais dans le projet de construction d’une société résiliente, capable de surmonter autant que possible ses vulnérabilités les plus criantes.

Nous l’avons vu, nous l’avons dit, cela nécessite impérativement un certain nombre d’arbitrages douloureux, mais féconds, puisqu’il s’agit tout simplement de la survie de notre espèce dans des conditions à même de sauvegarder sa dignité.

Nous attendons bien sûr de nos politiques qu’ils s’engagent sur de tels arbitrages, qui nécessiteraient de grands débats démocratiques.

Mais leur promotion et leur défense dépend avant tout de notre conscience de citoyens du monde.

*

Bonnes fêtes de Pessah ou de Pâques pour celles et ceux que cela concerne, et pour toutes et tous, l’espérance, qui ne demande qu’à être partagée !

7 commentaires sur “Des arbitrages. Variations sur un thème au cœur du politique.

  1. Bonjour à toi et à toutes et à tous,
    Des arbitrages sur quels équilibres ?
    A la suite d’une émission entendue ce matin sur F.Inter. Deux invitée.é représentant le monde médical. Elle.il ont bien expliqué la nécessaire recherche d’un équilibre entre le sanitaire et le social.
    Dans la période actuelle, plus que jamais, on besoin que s’établisse entre « gouvernantes.ts et gouvernées.és », une relation de pleine confiance.
    Une relation de pleine confiance qui n’a rien d’évident, tant la défiance envers le monde politique est grande. Tant elle s’est dégradée ces dernières années.
    Pour qu’il y ait retour de la confiance, il faut qu’il y ait un effort appuyé dans la transparence.
    Ce n’est malheureusement pas le cas.
    Quels sont les « indicateurs sanitaires et sociaux » qui ont conduit au choix du 11 mai ?
    Je ne le sais pas.
    C’est regrettable. Comment débattre, s’unir, être solidaire quand on ne sait pas ? Quand on doute ? Quand on entend les propos du MEDEF ?
    Entendu récemment, l’information qu’un inspecteur du travail a été mis à pied, parce qu’il avait demandé à la justice d’intervenir pour non respect des règles de sécurité qu’il avait constaté dans une entreprise.
    Bien sur, ce n’est « qu’un événement isolé ». Mais encore une fois, dans une période où il faut reconstruire de la confiance pour installer des solidarités, voilà un indicateur inquiétant.
    Nous avons, j’ai besoin, de savoir quels éléments ont été pris en compte dans les choix décidés.
    Nous avons besoin, j’ai besoin, de connaître les éléments du compromis. Pour me l’ approprier, éventuellement le contester. Éventuellement l’accepter.
    Quoi qu’il en soit lui donner la force et la puissance que seule une démocratie peut donner à un acte lorsqu’il provoque l’adhésion du plus grand nombre.
    CArnaude

  2. Bonjour Thierry.

    Un grand merci pour tes remarques, avec lesquelles je suis d’accord pour l’essentiel.

    En particulier en ce qui concerne l’indispensable restauration d’une relation de confiance et de transparence, bien sûr.

    Il y a eu bien évidemment des carences dans la gestion de cette crise, même si l’état d’impréparation ne date pas d’hier, et que les gouvernements précédents y aient bien entendu aussi une part de responsabilité.

    Néanmoins, question transparence, j’ai trouvé que la conférence de presse de hier, avec les prises de parole d’Édouard Philippe, Olivier Véran, Jérôme Salomon et Florence Ader était plutôt réussie, en particulier concernant « les « indicateurs sanitaires et sociaux » qui ont conduit au choix du 11 mai ».

    Ceci dit, on ne peut bien sûr cacher que tout le monde – et partout – navigue plus ou moins à vue en ce moment, du fait du caractère inédit d’une telle situation.

    Problème qui risque d’ailleurs de se renouveler. Car, comme le disait Anders que je cite dans le post, bien des événements, dont nous sommes à l’origine ou pas, nous sont proprement inimaginables.

    Frédéric Keck, qui intervenait hier dans le « Vox Pop » d’Arte

    https://www.arte.tv/fr/videos/091151-018-A/vox-pop/

    montre comment une focalisation excessive sur le stockage peut être contreproductive.

    Il importe bien sûr de prévoir, mais ce qui nous attend peut être imprévisible.

    Un stock de masques, bien que nécessaire, se montre totalement inutile si la prochaine pandémie n’est pas due à un virus pulmonaire.

    Keck signale que les prochains problèmes pourraient aussi venir de la dengue, transmise pas le moustique tigre, contre lequel un masque ne sert à rien, bien sûr.

    D’autres précautions sanitaires s’avèreraient donc indispensables en prévision – ici, c’est tout de même en partie prévisible – d’une éventuelle épidémie de dengue de grande ampleur.

    Mais on ne peut exclure des impondérables et des menaces proprement imprévisibles, voire inimaginables, que nous en soyons ou non à l’origine.

    Quid d’une éruption volcanique catastrophique (cf. Eyjafjallajökull, super volcans par ci par là, etc. ), de nouvelles formes nucléaires ou bactériologiques de menaces terroristes, etc. etc. etc., hélas.

    Sur ces considérations réjouissantes, je te souhaite une bonne journée.

    Cordialement à toi.
    Desiderius

  3. Bonjour Jean et à toutes et tous,
    Commentaire non directement lié à ta réponse (dont je te remercie).
    Entendu ce matin, sur France inter, Gérard Darmanin, ministre des comptes publics.
    https://www.franceinter.fr/emissions/le-7-9/le-7-9-21-avril-2020
    Ce que j’en ai retenu et quelques remarques.
    La dette :
    En ce moment, on crée de la dette pour soutenir l’activité économique. Une dette qu’il va falloir rembourser. Après.
    Selon G.Darmanin, pas d’augmentation des impôts prévue. On compte sur la reprise de l’activité économique avec les recettes pour l’état que cela engendrera. Donc, retour de la croissance attendu, espéré, à favoriser.
    Mais ???
    Plusieurs contributions récentes, émanant de chercheurs reconnus pointent la responsabilité de nos modes de production/consommation dans l’apparition de cette pandémie.
    Des modes de productions/consommations qui seraient donc pour certains la cause du problème et pour d’autres le remède ?
    Il va falloir en débattre… c’est urgent.

    Non directement lié à l’émission de ce matin.
    Les équilibres entre le sanitaire et l’économique.
    Le constat : nos modes de production/consommations dont nous sommes partie prenante et dont nous bénéficions plus ou moins toutes et tous ne résistent pas à 6 semaines de confinement. Cette faiblesse structurelle engendre des conséquences économiques et sociales. Réelles. Donc on est amené à chercher un « équilibre » entre le sanitaire et l’économique. Une « balance » entre les futures ( à priori, il va y avoir une deuxième vague) victimes sanitaires et les victimes économiques.
    Encore une fois, on en revient à la question posée plus haut.
    Pour certains, des modes de productions/consommations qui sont en partie, la cause des victimes sanitaires et économiques, pour d’autres, des modes de productions/consommations impacté par la pandémie (qui serait un accident imprévisible et dont on n’est en rien responsable, une espèce de fatalité) et qu’il faut rétablir le plus vite possible quitte à chercher un équilibre qui fait quand même un peu froid dans le dos…?

    Combien de temps on continue comme ça ???

  4. Bonjour Thierry,

    En effet, nous sommes bien là au cœur du problème.

    La dette ? Je n’en sais trop rien. Sans doute sera-t-elle sur le long terme épongée par l’inflation ou par les taux d’intérêt négatifs qui équivalent à un effritement progressif de la monnaie.
    Vu l’importance déjà énorme des dettes mondiales avant le Covid, le processus est déjà d’ailleurs bien commencé.

    J’espère pour ma part qu’elle contribuera à une mise à contribution du capital, des grandes fortunes et des hauts revenus. Un minimum de courage politique s’impose !

    Quand l’Atlas des Inégalités du Courrier International nous dit qu’entre les quartiers riches et les quartiers pauvres de Chicago il y a une différence d’espérance de vie de 30 ans, tout comme entre les habitants de Hong Kong et ceux de la Sierra Leone, il y a tout de même un petit problème.
    Tout comme quand on sait que les 10% les plus riches captent la moitié des revenus générés par le travail dans le monde…

    Et on devrait continuer à tolérer des choses pareilles, alors qu’on sait que pendant cinquante ans, des années 30 jusqu’en 1980, c’est-à-dire lors des années de plus grande croissance économique aux États Unis, jamais le taux d’imposition supérieur (celui qui touchait les plus hauts revenus) n’y descendit au-dessous de 70 %, et fut en moyenne de plus de 80 % ?

    Dans la perspective de salut public qui est celle de nos gouvernements confrontés à la crise actuelle, il serait grand temps de renouer avec ce genre de tradition qui n’a jamais mis en danger le développement économique, bien au contraire.

    Mais tu poses aussi la bonne question :
    « Plusieurs contributions récentes, émanant de chercheurs reconnus pointent la responsabilité de nos modes de production/consommation dans l’apparition de cette pandémie ».

    De quel développement avons nous désormais besoin ?

    Sans doute nos modes de production/consommation ne sont-ils pas directement en cause dans l’apparition de la maladie. Les pandémies (cf. peste ou choléra) se fichent bien des indicateurs économiques.

    Mais le fait est qu’un développement anarchique du capitalisme nous a privés des moyens d’y faire face rapidement et efficacement (délocalisation des productions de première nécessité pour cause de profit, etc.).

    La « faiblesse structurelle » que tu signales est évidente. Le mythe de la croissance infinie constitue la cause essentielle de la vulnérabilité inédite de nos systèmes.

    Là-dessus, je te renvoie entre autres aux interventions de Jancovici ci-dessus, ainsi qu’à bien des posts de ce blog depuis ses débuts.

    Les exigences liées à la construction d’un monde plus résilient, désormais indispensable à notre survie, sont incompatibles avec une logique qui privilégie la croissance matérielle et le profit. Or c’est bien cette logique là que privilégient la plupart de ceux qui prétendent nous sortir de la crise. Alors que ce ne sera jamais que préparer la prochaine, en pire.

    « Combien de temps on continue comme ça ??? »

    J’ai peur que ce soit encore bien longtemps, hélas…

    Mais il devient désormais évident que « continuer comme ça » nous mène droit dans le mur.

  5. Bonjour à toutes et à tous et à toi,
    Je te cite:
    « Sans doute nos modes de production/consommation ne sont-ils pas directement en cause dans l’apparition de la maladie. Les pandémies (cf. peste ou choléra) se fichent bien des indicateurs économiques.  »
    Et je me questionne:
    « Quelles conséquences ont eu nos modes de vies/relations économiques et sociales/ sur l’évolution et les conséquences de ces pandémies ? »
    CArnaude

  6. Bonsoir Thierry.

    Quelques éléments de réponses qui me paraissent possible, étant entendu que je ne suis en rien spécialiste de ces questions.

    En ce qui concerne l’évolution des pandémies, il me semble que nos modes de vie/relations économiques et sociales/ n’y sont pas pour grand-chose.

    Encore une fois, la peste qui a décimé en cinq ans au XIVème siècle entre le quart et la moitié de la population européenne n’était pas liée au capitalisme néo-libéral ni au réchauffement climatique.

    Elle s’est pourtant propagée très rapidement, et cela alors que les moyens de communication étaient limités.

    De ce point de vue, on peut penser que les progrès de la recherche médicale, de l’information, de l’hygiène, etc. ont été décisifs dans la réduction des dégâts des épidémies, comme le constate par ex. Y.N. Harari :

    « L’ampleur et l’impact des épidémies ont, en réalité, considérablement diminué. Malgré des virus abominables comme le VIH ou Ebola, jamais depuis l’Age de pierre les épidémies n’ont causé aussi peu de morts, en proportion, qu’au XXe siècle. C’est parce que la meilleure défense dont les hommes disposent contre les pathogènes, ce n’est pas l’isolement, c’est l’information ».

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/05/yuval-noah-harari-le-veritable-antidote-a-l-epidemie-n-est-pas-le-repli-mais-la-cooperation_6035644_3232.html

    Malgré ces progrès évidents, on peut cependant penser que le réchauffement climatique constitue une évolution qui va rendre les épidémies, voire les pandémies, plus fréquentes et plus graves, exigeant des moyens toujours plus importants pour en réduire les effets.

    Cf. par ex. :
    https://reporterre.net/Le-changement-climatique-va-stimuler-les-pandemies-et-autres-menaces-sur-la-sante

    en particulier pour ce qui est du développement des parasites (dont le moustique tigre vecteur de la dengue ; les tiques et la maladie de Lyme, etc.).

    On peut ajouter un accroissement des zoonoses du fait d’une promiscuité avec les animaux causée par une pression démographique qui empiète de plus en plus sur leur territoire

    Le dégel du pergélisol est aussi une réalité dont nous ne connaissons pas les conséquences, parmi bien d’autres que nous ne savons pas évaluer.

    Et bien évidemment, la pression démographique et la mondialisation de nos échanges, de nos déplacements, du tourisme, etc. rendent la diffusion des microbes et virus de plus en plus rapide, comme on le constate.

    Pour ce qui est des conséquences des pandémies, maintenant, nos modes de vie/relations économiques et sociales/ me semblent jouer un rôle beaucoup plus important.

    Même si les conséquences des pandémies en ce qui concerne la désorganisation sociale, etc. ont toujours été très graves, nous constatons désormais combien le haut degré de sophistication de nos systèmes économiques, leurs ramifications inextricables, les rend vulnérables.
    Peu de responsables se doutaient de ce que signifie la délocalisation de la fabrication de produits sanitaires de première nécessité (masques, médicaments, etc.) lors de crises telles que celle que nous connaissons.

    Car si, incontestablement, les progrès médicaux nous ont apporté des moyens considérables pour lutter contre la maladie, encore faut-il que les dits moyens soient disponibles pour tous au bon endroit et au bon moment.

    Imaginons que toute la production chinoise de médicaments et de maques ait été stoppée par les obligations d’un confinement encore plus rigoureux, la détresse de l’Occident aurait été immensément plus dramatique.

    Imaginons que les réseaux de transports aient été paralysés faute de … transporteurs, et les conséquences auraient été tout aussi dramatiques.

    Imaginons que transporteurs et agriculteurs fassent défaut simultanément, et la situation devient alors proprement catastrophique. Les risques de famine étant loin d’être exclus. C’est hélas le cas dans certains pays.

    Sans parler du défaut de disponibilité du personnel médical, des employés des commerces de première nécessité, de ceux du secteur de l’énergie, etc. etc.

    Le degré d’imbrication de ces systèmes est tel que le moindre grain de sable dans la machine peut avoir des conséquences funeste.

    Et un virus est bien plus petit qu’un grain de sable !

    D’où l’obligation que nous avons désormais de construire ou reconstruire des sociétés beaucoup plus résilientes, capables d’assurer les services de bases et les activités vitales lors des crises de plus en plus nombreuses auxquelles nous serons confrontés.

    Crises prévisibles (cf. ce que nous savons sur les conséquences du réchauffement, de la fin des énergies fossiles, de la raréfaction des matières premières, de la croissance démographique, etc.), mais aussi crises imprévisibles, voire inimaginables comme nous le rappelle avec pertinence Günther Anders…

    Il y a là, bien entendu, un enjeu politique et citoyen capital.

    Cordialement à toi,

    Desiderius.

  7. Je me permets d’ajouter ce lien à un article fort pertinent de Stéphane Foucart, qui répond de façon assez précise à ton questionnement, bien que de façon « réaliste », et donc …pessimiste.

    J’y reviendrai sans doute prochainement, pour en citer quelques extraits, car l’article n’est pas en accès libre.

    Espérons qu’un véritable réalisme, celui qui permettra de surmonter le déni, se manifestera sous l’impulsion des citoyens.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/25/la-gestion-de-la-pandemie-de-covid-19-et-les-mesures-necessaires-a-la-sortie-de-crise-conspirent-a-faire-de-l-environnement-une-question-subsidiaire_6037754_3232.html

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