En juin 2017, je dénonçais dans un commentaire à l’un de mes posts une
« confusion élémentaire (et hélas sans cesse renaissante), entre « égalité » et « similitude ». Cette confusion, qui amène donc à la revendication de procréation dans le cas d’un couple homosexuel est du même ordre que celle qui amènera un jour les hommes à exiger le droit à la grossesse, ou les femmes à revendiquer le port de la barbe. Or, de la même façon que les noirs et les blancs n’ont pas besoin d’être semblables pour être « égaux en droit », les couples homosexuels n’ont nul besoin de la similitude avec les couples hétérosexuels pour jouir d’une pleine égalité. J’avoue que je suis même souvent peiné d’en voir tant aspirer à une similitude platement conventionnelle et « bourgeoisement » familiale, plutôt que d’imaginer les voies fécondes et originales que peut susciter leur « dissimilitude ».
Et j’ajoutais dans un autre commentaire :
« Penser que mariage rime nécessairement avec procréation est, il faut bien le dire, un argument qui range les homosexuel.le.s qui le soutiennent parmi les plus comiques représentant.e.s d’une tradition somme toute bien conventionnellement catholique ».
J’avoue qu’en ce concerne ce qu’il faut bien nommer les dérives du bricolage procréatif, je ne pensais pas que mes remarques seraient si rapidement d’actualité.
En témoignent certaines interventions d’élus à l’avant-poste de la révision des lois de bioéthique.
Je m’efforce de les citer en faisant abstraction le plus possible des commentaires du journal qui les présente, afin de ne pas céder au biais idéologique qui pourrait le caractériser.
[Ayant plusieurs fois appelé sur ce blog à une compréhension juste du terme « libéralisme », je regrette toutefois que le titre de l’article cité tombe une fois de plus dans la confusion sommaire entre « libéralisme » et « ultra-libéralisme »].
Guillaume Chiche, ancien responsable de la majorité présidentielle, qui a fondé le nouveau groupe parlementaire EDS en mai. « Je pense qu’il faut aller beaucoup plus loin dans l’accès à la pratique médicale, explique le parlementaire, qui plaide pour une évolution forte du texte. Je veux impérativement que l’on puisse ouvrir la PMA à toutes les personnes en capacité d’effectuer une gestation, et donc également aux hommes transgenres. »
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« À partir du moment où vous ouvrez la PMA pour les femmes célibataires, je vois mal comment vous allez dire à celles qui perdent leur compagnon qu’elles ne peuvent pas poursuivre leur projet parental mais peuvent recourir à une PMA avec un donneur anonyme »
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Louis Touraine, fait partie des députés LREM favorables à ces deux mesures. Dans le rapport de la mission bioéthique de l’Assemblée nationale qu’il avait rédigé début 2019, il plaidait d’ailleurs pour une « procréation sans sexe », invitant en quelque sorte à aller jusqu’au bout de la logique de la déconnexion entre sexualité et procréation.
Lui aussi plaide pour que le projet de loi aille plus loin sur certaines dispositions. « La France est encore assez timide quand on la compare aux pays qui nous entourent », estime-t-il.
Mais s’il soutient plusieurs mesures emblématiques, comme l’accès de la PMA aux hommes transgenres ou la transcription automatique des enfants nés par GPA à l’étranger, il admet que ces points pourraient être rejetés par ses collègues. « Quel que soit le résultat, où que soit le curseur, je serai satisfait, confie-t-il. Mais si certaines propositions sont rejetées aujourd’hui, elles passeront demain car c’est le sens de l’histoire. Je sais que ce sont des germes pour faire progresser la réflexion. »
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« Nous saluons l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, mais le texte comporte quand même encore des discriminations importantes, juge la coprésidente de SOS homophobie, Véronique Cerasoli. L’ouverture de la PMA aux hommes trans reste l’un des manquements importants du texte. De même, nous voulons un mode de filiation qui soit le même pour tous, et pas un système spécialement réservé aux couples de femmes. »
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Certains professionnels, comme le docteur Mikaël Agopiantz, chef du service AMP au CHRU de Nancy, réclame lui des évolutions. « Les dons de gamètes ainsi que l’autoconservation des ovocytes doivent être absolument ouverts aux centres privés à but lucratif. Nous sommes aujourd’hui dans une situation de pénurie relative. L’élargissement de ces activités me semble être une obligation. Et si ces centres sont agréés par les pouvoirs publics, je ne vois pas les risques de marchandisation que pointent certains.
Signalons aussi, parmi les mesures adoptées fin juin lors de l’examen du texte par la commission spéciale de l’Assemblée, « la méthode appelée Ropa, qui consiste pour une femme à donner ses ovocytes afin qu’une fois fécondés ils puissent être portés par sa compagne ». Il s’agit bien là d’une forme à peine déguisée de GPA qui prélude sans doute à sa future adoption, après qu’elle ait quelque peu transité par ce ‘’jardin d’acclimatation’’ qui, aux dires de Nadine Fresco « permet de familiariser les citoyens avec le nom des transgressions bioéthiques, de sorte qu’au bout du compte elles seront acceptées sans coup férir. C’est bien ce qui se passe sur la durée ».
Il est temps que je m’arrête, sous peine de tomber dans les excommunications fulminées par les inquisiteurs et ayatollah (y a-t-il un féminin à ces termes? Il va – hélas – être nécessaire d’en trouver…) de la « cancel culture » à la mode.
Car mes propos sont loin d’aller dans le « sens de l’Histoire » tel du moins que le conçoit M. Touraine.
Vous avez dit « pensée unique » ? me rappelle Stultitia…
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PS 28/07:
Je pars demain pour deux semaines de montagne. Je ne pourrai donc publier les éventuels commentaires avant le 15 août.